Royaume-Uni : Vers une Interdiction des Réseaux Sociaux pour les Moins de 16 Ans ?

Imaginez un monde où les adolescents ne pourraient plus scroller sans fin sur TikTok ou Instagram avant l’âge de 16 ans. C’est ce que le gouvernement britannique envisage actuellement, en n’excluant pas la possibilité d’une interdiction pure et simple des réseaux sociaux pour les moins de 16 ans. Une mesure choc qui soulève de nombreuses questions sur l’impact réel de ces plateformes sur le développement et le bien-être des jeunes.

Le gouvernement lance une étude de faisabilité

Pour étayer sa réflexion, le Department for Science, Innovation and Technology (DSIT) a annoncé le lancement d’une étude de faisabilité visant à « explorer les effets de l’utilisation des smartphones et des réseaux sociaux sur les enfants ». L’objectif : renforcer la recherche et consolider les preuves nécessaires pour construire un monde en ligne plus sûr. Car comme l’a souligné le secrétaire à la technologie Peter Kyle, il existe de nombreuses hypothèses sur l’impact des réseaux sociaux sur les jeunes, mais peu de preuves scientifiques solides.

« Il y a des suppositions sur l’impact qu’ont [les réseaux sociaux] sur les enfants et les jeunes, mais il n’y a pas de preuves solides et validées par des pairs »

Peter Kyle, secrétaire à la technologie du Royaume-Uni

Cette étude s’inscrit dans le cadre plus large de l’Online Safety Act (OSA), une loi adoptée l’an dernier visant à faire du Royaume-Uni « l’endroit le plus sûr au monde pour aller en ligne ». Parmi les priorités fixées par le DSIT pour l’application de cette loi :

  • La sécurité dès la conception, en particulier pour les enfants
  • La transparence et la responsabilité des plateformes
  • Une réglementation agile pour s’adapter aux dangers émergents
  • Un monde numérique inclusif et résilient
  • L’innovation dans les technologies de sécurité en ligne

La désinformation en ligne dans le viseur

Au-delà de la protection des mineurs, le gouvernement s’inquiète aussi de la propagation de la désinformation en ligne, perçue comme « une menace unique pour nos processus démocratiques et la cohésion sociale au Royaume-Uni ». Un sujet brûlant depuis les émeutes de l’été dernier, qui auraient été attisées par la désinformation en ligne suite à une attaque au couteau ayant coûté la vie à trois jeunes filles. Le gouvernement avait alors prévenu qu’il pourrait durcir les lois encadrant les plateformes tech.

Lutter contre les pratiques abusives en ligne

Outre les fake news, l’OSA doit aussi permettre de s’attaquer au cyberharcèlement, aux discours haineux, aux arnaques publicitaires ou encore au partage non consenti d’images intimes. Sur ce dernier point, le DSIT a annoncé en septembre faire du partage d’images intimes sans consentement une « infraction prioritaire », obligeant les réseaux sociaux à activement supprimer ce contenu et empêcher sa mise en ligne, sous peine de lourdes amendes.

« Des milliers et des milliers de femmes sont maintenant protégées – empêchées d’avoir à subir la dégradation, l’humiliation et parfois poussées à avoir des pensées suicidaires à cause de ce pouvoir que j’ai mis en place. »

Peter Kyle, à propos de la lutte contre le partage non consenti d’images intimes

Quelle mise en application de l’Online Safety Act ?

C’est le régulateur Ofcom qui sera chargé de faire respecter l’OSA à partir du printemps prochain, avec des pouvoirs lui permettant d’infliger des amendes allant jusqu’à 10% du chiffre d’affaires annuel mondial des entreprises tech récalcitrantes. Le DSIT vient de fixer ses priorités stratégiques pour guider l’action d’Ofcom.

Reste à voir comment cette loi sera concrètement appliquée sur le terrain et si l’interdiction pure et simple des réseaux sociaux pour les moins de 16 ans verra vraiment le jour. Car au-delà de l’incertitude sur les effets réels de ces plateformes, une telle mesure soulève de nombreuses questions pratiques. Comment vérifier efficacement l’âge des utilisateurs ? Comment empêcher les mineurs de contourner l’interdiction via de fausses identités ? Et surtout, est-ce la bonne approche pour protéger les jeunes, à l’heure où le numérique fait partie intégrante de leur quotidien et de leur construction ?

Plutôt qu’une interdiction radicale, beaucoup appellent à miser sur l’éducation au numérique, la sensibilisation aux risques et le dialogue entre parents et enfants. Car si les réseaux sociaux peuvent avoir des effets délétères, ils offrent aussi de formidables opportunités en termes d’accès à l’information, d’ouverture sur le monde et de lien social. Trouver le juste équilibre pour en tirer le meilleur tout en se protégeant du pire : voilà sans doute le vrai défi auquel nous sommes tous confrontés à l’ère du tout-connecté. Un défi qui nécessitera bien plus qu’un simple coup de menton législatif.

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