Le réseau social chinois TikTok a été mis hors ligne aux États-Unis samedi soir, suite à l’entrée en vigueur d’une loi fédérale interdisant l’application pour des millions d’Américains. Cette suspension, au moins temporaire, marque un nouveau chapitre dans les tensions géopolitiques et technologiques entre Washington et Pékin.

Une disparition brutale mais peut-être provisoire

Aux alentours de 22h30 heure de l’Est samedi, les utilisateurs de TikTok ont commencé à recevoir un message les informant de l’interdiction de l’app. Simultanément, TikTok a disparu des app stores d’Apple et Google. « Désolé, TikTok n’est pas disponible pour le moment », pouvait-on lire. « Une loi interdisant TikTok a été promulguée aux États-Unis. Malheureusement, cela signifie que vous ne pouvez pas utiliser TikTok pour l’instant. »

Mais le message laisse entendre que cette disparition pourrait n’être que provisoire. TikTok crédite le président élu Donald Trump d’avoir indiqué qu’il « travaillera avec nous sur une solution pour rétablir TikTok une fois qu’il prendra ses fonctions », invitant les utilisateurs à « rester à l’écoute ! ».

Une loi soutenue par les deux partis

La société avait prévenu plus tôt cette semaine que la disparition de l’application était imminente, déclarant vendredi qu’elle « s’éteindrait » à moins que l’administration du président Joe Biden ne fasse une « déclaration définitive » qu’elle n’appliquerait pas l’interdiction.

Des majorités bipartites à la Chambre et au Sénat ont adopté en avril dernier une loi obligeant ByteDance, propriétaire de TikTok, à vendre l’application ou à la voir interdite aux États-Unis en raison de craintes d’une potentielle surveillance et propagande chinoise. Le président Biden a rapidement signé le projet de loi.

Trump veut négocier une solution

Si les efforts pour forcer ByteDance à se défaire de TikTok remontent à la première administration Trump, ce dernier a récemment adopté un ton différent. Trump a demandé à la Cour suprême de retarder l’interdiction et a déclaré qu’il accorderait « très probablement » un délai de 90 jours à l’entreprise.

Vendredi, la Cour suprême a rendu une décision confirmant la loi. L’administration Biden semblait encline à laisser le sort de l’application entre les mains du prochain président, la porte-parole de la Maison Blanche Karine Jean-Pierre notant que « les actions visant à mettre en œuvre la loi doivent tout simplement incomber à la prochaine administration ».

Cependant, TikTok a suggéré que ce n’était pas une assurance suffisante pour que les « fournisseurs de services critiques » continuent à héberger l’application aux États-Unis, à moins que l’administration Biden ne fasse la « déclaration définitive » mentionnée. Jean-Pierre a qualifié la réponse de TikTok de « coup médiatique ».

Quel avenir pour TikTok ?

Trump a déclaré qu’il prévoyait de « négocier une résolution » qui impliquerait probablement une vente ou d’autres concessions de ByteDance. La société chinoise a répété à plusieurs reprises qu’elle n’était pas intéressée par une vente, mais semble optimiste quant à ses perspectives sous Trump.

Je pense qu’une prolongation de 90 jours est quelque chose qui sera très probablement fait, parce que c’est approprié. Nous devons examiner la situation avec soin. C’est une très grande situation.

– Donald Trump à NBC News

De nombreux acheteurs potentiels se sont manifestés, espérant une chance de mettre la main sur les 170 millions d’utilisateurs de TikTok, du milliardaire Frank McCourt avec une « offre citoyenne » à Perplexity AI proposant une fusion. Certains rapports ont même suggéré que le gouvernement chinois envisageait une vente à Elon Musk dans le cadre d’un accord plus large avec l’administration Trump, une « pure fiction » selon un porte-parole de TikTok.

En attendant, des applications chinoises alternatives comme RedNote et Lemon8, également détenue par ByteDance, ont bénéficié d’un coup de pouce alors que les utilisateurs de TikTok cherchent des alternatives. Mais Lemon8 fait partie des autres applications désormais bloquées par la loi.

Souveraineté numérique et géopolitique

L’interdiction de TikTok aux États-Unis s’inscrit dans un contexte de tensions croissantes entre les géants technologiques chinois et américains. Washington craint que Pékin n’utilise ces applications pour espionner et influencer les citoyens américains, une accusation que la Chine et les entreprises concernées nient fermement.

Au-delà du cas spécifique de TikTok, cette affaire soulève des questions plus larges sur la souveraineté numérique, la protection des données personnelles et la régulation des plateformes à l’ère du numérique. Elle illustre aussi comment la technologie est devenue un champ de bataille géopolitique entre les deux superpuissances.

Quelle que soit l’issue de cette saga, elle marquera sans doute un précédent important dans les relations entre la Chine et les États-Unis, et plus largement dans la gouvernance du cyberespace. L’avenir de TikTok, et peut-être celui d’autres applications, se jouera autant dans les bureaux de Washington et Pékin que dans la Silicon Valley.