Alors que les États-Unis appellent l’Europe à augmenter ses dépenses de défense, l’OTAN montre que le Vieux Continent est déjà sur la bonne voie, en particulier dans le domaine des technologies. Non seulement les investissements dans les technologies de « Défense, Résilience et Sécurité » (DRS) ont atteint un niveau record de 10% du total des financements de capital-risque en Europe, mais l’OTAN vient de lancer son premier programme d’accélération de startups européennes à double usage civil et militaire.
Le programme DIANA de l’OTAN
Baptisé DIANA (Defense Innovation Accelerator for the North Atlantic), ce programme vise à connecter les startups, les forces armées et les grands groupes de défense des pays membres de l’OTAN. Il s’appuie sur un réseau de 23 accélérateurs affiliés et 182 centres d’essais à travers l’Alliance Atlantique.
Au Royaume-Uni, c’est l’accélérateur de défense et de sécurité DASA qui pilote le projet, en partenariat avec l’IoT Tribe, qui dirige le Consortium Janus sur les technologies à double usage. Ce dernier regroupe également le fonds deep tech Atmos VC et le partenariat SETsquared entre six universités britanniques et des acteurs de l’industrie de défense.
« Avec DASA, nous organisons des compétitions pour la défense britannique, et nous avons ajouté une capacité supplémentaire dans ce système pour intégrer nos propres entreprises également »
– Tanya Suarez, PDG d’IOT Tribe
Cinq startups sélectionnées
Parmi 2400 candidatures, 74 entreprises ont été présélectionnées et 5 startups font finalement partie de la première promotion de l’accélérateur londonien, pour un programme de 6 mois :
- AI Verse (France) : intelligence artificielle pour l’entraînement de modèles de vision par ordinateur
- EIFys (Finlande) : commercialisation de photodiodes en silicium noir à jonction induite
- Metahelios (Royaume-Uni) : technologies d’imagerie par approche nanotechnologique
- RVmagnetics (Slovaquie) : capteurs et technologies d’identification basés sur les micro-ondes
- Winse Power (Finlande) : liens optiques pour transmettre données et énergie par la lumière
Ces startups couvrent des domaines variés tels que l’IA, l’électronique, les semi-conducteurs et les nouveaux matériaux. Elles se concentrent notamment sur les enjeux de surveillance, un axe prioritaire de cet appel à projets.
Des technologies à double usage
La particularité de ce programme est de cibler des technologies « dual-use », c’est-à-dire pouvant avoir des applications à la fois civiles et militaires. C’est d’ailleurs ce que symbolise le nom du Consortium « Janus », en référence au dieu romain à double visage. L’objectif est de favoriser les synergies entre recherche, industrie et défense.
« Grâce au partenariat de DASA avec NATO DIANA, nous accélérons le développement de technologies à double usage qui bénéficieront aux applications militaires et civiles dans toute l’Alliance. »
– Tanya Suarez, PDG d’IOT Tribe
L’Europe investit dans sa base industrielle et technologique de défense
Cette initiative s’inscrit dans un contexte de montée en puissance des investissements européens dans les technologies de défense. Outre la hausse des budgets militaires, on observe une multiplication des programmes de soutien aux startups dual-use :
- Fonds d’investissement spécialisés (Definvest en France, DTIF au Royaume-Uni…)
- Challenges d’innovation (Rapid de l’EDA, DEFNET en Allemagne…)
- Clusters et incubateurs (ELITE de l’OTAN, CyberWest en France…)
L’Europe cherche ainsi à renforcer son autonomie stratégique et sa base industrielle et technologique de défense (BITD)face à la concurrence américaine et chinoise. Les startups « dual-use » apparaissent comme un maillon essentiel de cette stratégie, en irriguant l’écosystème de défense avec des innovations de rupture.
Le programme DIANA de l’OTAN, avec sa première promotion de pépites européennes, illustre parfaitement cette dynamique. Reste à transformer l’essai en accélérant le déploiement de ces technologies dans les forces armées de l’Alliance Atlantique. Un défi de taille, mais nécessaire pour adapter l’outil de défense aux menaces du XXIe siècle.