Imaginez une startup audacieuse, née avec la promesse de révolutionner un secteur dominé par des géants comme Hertz. Kyte, fondée en 2019 à San Francisco, avait tout pour plaire : un service de location de voitures livrées directement chez le client, un modèle innovant et plus de 300 millions de dollars levés en financement. Pourtant, en août 2025, cette entreprise, qui se présentait comme le meilleur concurrent d’Hertz, a annoncé sa fermeture. Comment une telle ambition a-t-elle pu s’effondrer si rapidement ? Cet article explore les raisons de l’échec de Kyte, les leçons à tirer pour les entrepreneurs et les implications pour l’avenir de la mobilité urbaine.
Un Modèle Prometteur, Mais Fragile
Kyte s’est lancée avec une idée séduisante : simplifier la location de voitures en livrant directement les véhicules aux clients, éliminant ainsi les tracas des agences traditionnelles. Contrairement à Turo, une plateforme de location entre particuliers, Kyte possédait sa propre flotte, un choix stratégique qui la rapprochait davantage de Zipcar. Ce modèle, centré sur la commodité et l’expérience utilisateur, a séduit les investisseurs, permettant à l’entreprise de lever des fonds impressionnants auprès de grands noms comme Andreessen Horowitz. En 2022, Kyte opérait dans 14 villes américaines, portée par une croissance fulgurante pendant la pandémie de COVID-19, avec des hausses de 20 à 40 % par mois, selon Auto Rental News.
Cependant, ce modèle, bien que novateur, reposait sur des bases fragiles. La gestion d’une flotte de véhicules implique des coûts opérationnels élevés : entretien, logistique de livraison, assurance et amortissement des actifs. Ces dépenses, combinées à une dépendance au capital-risque, ont rapidement mis Kyte sous pression. Lorsque les conditions économiques ont changé, avec une inflation croissante et des taux d’intérêt en hausse, l’entreprise a commencé à vaciller.
« Dans un environnement où le capital est coûteux, nous devons nous concentrer sur nos marchés les plus performants. »
– Nikolaus Volk, PDG de Kyte, à TechCrunch
Les Premiers Signes de Difficultés
Dès 2024, les fissures dans le modèle de Kyte sont devenues apparentes. Selon TechCrunch, l’entreprise peinait à générer un flux de trésorerie positif dans plusieurs grandes villes américaines, comme Atlanta, Chicago, Boston et Washington, D.C. Ces marchés, bien que prometteurs, n’ont pas atteint les niveaux de rentabilité escomptés. En octobre 2024, Kyte a pris des mesures drastiques : réduction de près de 50 % de son personnel et retrait de la plupart de ses marchés pour se concentrer sur San Francisco et New York, qui représentaient environ 70 % de ses revenus.
Cette restructuration était une tentative désespérée de survie. Nikolaus Volk, le PDG, a expliqué à TechCrunch que l’entreprise avait exploré une vente, mais avait finalement opté pour une refonte stratégique. Cependant, ces efforts n’ont pas suffi. En 2025, Kyte s’est retrouvée incapable de rembourser ses prêts, ce qui a conduit son principal créancier à saisir et liquider sa flotte de véhicules. Sans flotte, l’entreprise a perdu son cœur opérationnel.
Une Dépendance Excessive au Capital-Risque
Le cas de Kyte illustre un problème récurrent dans l’écosystème des startups : une dépendance excessive au capital-risque. Avec plus de 300 millions de dollars levés, dont 60 millions en série B en 2022 et une facilité de crédit de 250 millions en 2024, Kyte semblait bien financée. Mais ces fonds, souvent perçus comme un gage de succès, peuvent masquer des faiblesses structurelles. Comme le souligne un article de WebProNews, la dépendance au capital-risque a été un facteur clé dans l’échec de Kyte, surtout dans un secteur aussi compétitif que la location de voitures, évalué à plus de 100 milliards de dollars à l’échelle mondiale.
Les startups comme Kyte doivent non seulement concurrencer des géants établis comme Hertz, mais aussi des acteurs agiles comme Turo. Ce dernier, avec son modèle peer-to-peer, réduit les coûts en évitant de posséder une flotte. Kyte, en revanche, a dû jongler avec des dépenses fixes importantes, ce qui a limité sa flexibilité face aux aléas économiques. Lorsque le capital s’est raréfié, l’entreprise n’a pas pu maintenir son rythme de croissance.
« Le véritable concurrent, ce n’est pas une autre startup, c’est l’économie elle-même. »
– Un capital-risqueur anonyme, cité dans le San Francisco Chronicle
L’Impact sur les Clients et le Passage à Turo
La fermeture de Kyte n’a pas seulement affecté ses employés et investisseurs, mais aussi ses clients. En juillet 2025, l’entreprise a vendu sa liste de clients à Turo, une décision qui a suscité des frustrations. De nombreux utilisateurs ayant réservé des voitures à l’avance se sont retrouvés sans service et en attente de remboursements, parfois pour des centaines de dollars. Certains ont réussi à obtenir des chargebacks via leurs compagnies de cartes de crédit, mais d’autres n’ont pas eu cette chance. Nikolaus Volk a reconnu que les chargebacks étaient probablement la solution la plus rapide pour récupérer ces fonds.
Cette situation met en lumière une problématique clé pour les startups technologiques : la confiance des clients. Une mauvaise gestion des attentes, surtout en période de crise, peut ternir durablement la réputation d’une marque. Pour les entrepreneurs, cela souligne l’importance de communiquer de manière transparente et de prévoir des plans de contingence pour protéger les utilisateurs.
Hertz : La Résilience d’un Géant
Pendant que Kyte s’effondrait, Hertz, son rival autoproclamé, démontrait une résilience impressionnante. Après avoir traversé une faillite en 2020 en raison de la pandémie, Hertz a rebondi grâce à une restructuration efficace. En 2025, l’entreprise a atteint un EBITDA à l’équilibre, selon Investing.com, malgré des pertes liées à sa flotte de véhicules électriques Tesla. Contrairement à Kyte, Hertz bénéficie d’une infrastructure établie et de flux de revenus diversifiés, ce qui lui permet de mieux absorber les chocs économiques.
La comparaison entre les deux entreprises est révélatrice. Là où Kyte s’appuyait sur une vision technologique et une croissance rapide, Hertz a su capitaliser sur son échelle et son expérience. Cette résilience met en évidence les défis auxquels sont confrontées les startups lorsqu’elles tentent de défier des acteurs établis dans des secteurs à forte intensité capitalistique.
Leçons pour les Entrepreneurs
L’histoire de Kyte offre des enseignements précieux pour les entrepreneurs, en particulier dans les secteurs de la mobilité et de la technologie. Voici les principaux points à retenir :
- Équilibrer innovation et viabilité économique : Un modèle innovant ne suffit pas s’il n’est pas soutenu par une rentabilité à long terme.
- Gérer les coûts fixes : Posséder une flotte de véhicules peut être un atout, mais aussi un fardeau si les coûts ne sont pas maîtrisés.
- Diversifier les sources de revenus : Une dépendance excessive au capital-risque expose les startups aux fluctuations du marché.
- Prioriser l’expérience client : Une communication claire et des solutions pour les clients en cas de crise sont essentielles pour maintenir la confiance.
L’Avenir de la Mobilité Urbaine
La chute de Kyte n’est pas un cas isolé. D’autres startups du secteur, comme Getaround et Autonomy, ont également rencontré des difficultés aux États-Unis. Getaround a cessé ses opérations américaines en février 2025 pour se concentrer sur l’Europe, tandis qu’Autonomy a pivoté vers des services logiciels après avoir échoué à constituer une flotte de véhicules électriques. Ces échecs suggèrent que le secteur de la location de voitures reste un terrain difficile pour les nouveaux entrants, surtout face à des géants comme Hertz.
Cependant, l’innovation dans la mobilité urbaine ne s’arrête pas. Les modèles hybrides, combinant location traditionnelle et solutions numériques, pourraient émerger comme la prochaine vague. Les actifs intellectuels de Kyte, désormais disponibles à la vente, pourraient inspirer de nouveaux acteurs. Comme le note un analyste dans San Francisco Chronicle, l’économie elle-même reste le plus grand défi pour les startups. Les entrepreneurs devront donc trouver un équilibre entre innovation audacieuse et pragmatisme économique pour réussir.
Conclusion : Une Leçon d’Humilité
L’histoire de Kyte est celle d’une ambition démesurée confrontée à la réalité économique. En se positionnant comme le meilleur concurrent d’Hertz, Kyte a visé haut, mais a sous-estimé les défis d’un secteur complexe. Pour les entrepreneurs et les investisseurs, cet échec est une leçon d’humilité : la technologie et le financement ne suffisent pas à garantir le succès. La profitabilité, la résilience et une gestion rigoureuse sont tout aussi cruciales. Alors que le secteur de la mobilité continue d’évoluer, les futurs innovateurs devront tirer parti de ces leçons pour construire des entreprises durables, capables de rivaliser avec les géants tout en répondant aux attentes des consommateurs.