Intel : L’État Américain Veut-Il Sauver le Géant des Puces ?

Et si le gouvernement américain devenait actionnaire d’un géant de la technologie comme Intel ? Cette question, qui aurait semblé improbable il y a quelques années, est aujourd’hui au cœur des discussions stratégiques aux États-Unis. Selon des informations récentes, l’administration Trump envisage de prendre une participation dans Intel, un acteur historique des semi-conducteurs en difficulté. Cette initiative, qui vise à renforcer la production nationale de puces, soulève des enjeux cruciaux pour l’industrie technologique, la sécurité nationale et l’économie mondiale. Dans cet article, nous explorons les tenants et aboutissants de cette démarche, ses implications pour les startups, les investisseurs et les passionnés de technologie, ainsi que les défis qu’Intel doit relever pour retrouver sa place de leader.

Pourquoi l’État Américain S’intéresse-t-Il à Intel ?

Intel, autrefois leader incontesté du marché des processeurs, traverse une période tumultueuse. Avec une valeur boursière en chute libre – de 288 milliards de dollars en 2020 à environ 104 milliards aujourd’hui – l’entreprise a perdu du terrain face à des concurrents comme Nvidia et AMD, notamment dans le secteur en plein essor des puces pour l’intelligence artificielle. Cette situation a alarmé les décideurs politiques américains, qui considèrent les semi-conducteurs comme un enjeu stratégique majeur. En effet, les puces électroniques sont au cœur de tout, des smartphones aux systèmes de défense, et la dépendance des États-Unis envers des fabricants étrangers, comme le taïwanais TSMC, est perçue comme une vulnérabilité.

Le projet de prise de participation du gouvernement américain dans Intel s’inscrit dans une volonté de renforcer la production nationale. Selon Bloomberg, les discussions portent sur l’utilisation des fonds du CHIPS and Science Act, une loi adoptée en 2022 pour stimuler la fabrication de semi-conducteurs aux États-Unis. Intel a déjà reçu 7,9 milliards de dollars de subventions dans le cadre de ce programme, notamment pour financer ses projets d’usines, comme celle prévue à Ohio. Cependant, ce projet a accumulé des retards, avec une mise en service repoussée à 2030-2031, suscitant des inquiétudes quant à la capacité d’Intel à tenir ses engagements.

« Nous devons produire nos propres puces ici. Nous ne pouvons pas dépendre de Taïwan. »

– Howard Lutnick, Secrétaire au Commerce des États-Unis

Un Contexte Politique Chargé

Les discussions entre Intel et l’administration Trump ne se déroulent pas dans un vide politique. Elles interviennent après une réunion tendue le 11 août 2025 entre le président Donald Trump et le PDG d’Intel, Lip-Bu Tan. Quelques jours avant cette rencontre, Trump avait publiquement appelé à la démission de Tan, l’accusant de liens « hautement conflictuels » avec des entreprises chinoises. Ces allégations, relayées par le sénateur républicain Tom Cotton, ont jeté une ombre sur la direction d’Intel, bien que l’entreprise ait vigoureusement défendu son PDG, soulignant son engagement envers les intérêts américains.

Cette polémique illustre les tensions croissantes entre les États-Unis et la Chine dans le domaine technologique. Avec la montée des préoccupations liées à la sécurité nationale, l’administration Trump adopte une approche interventionniste, marquée par des prises de participation ou des accords inhabituels avec des entreprises privées. Par exemple, des accords récents obligent Nvidia et AMD à verser 15 % de leurs revenus issus des ventes de puces en Chine au gouvernement américain en échange de licences d’exportation. Cette stratégie reflète une volonté de contrôler les flux technologiques tout en soutenant les champions nationaux comme Intel.

Les Enjeux Économiques et Stratégiques

Prendre une participation dans Intel, potentiellement à hauteur de 10 %, comme le suggèrent certaines sources, représenterait une intervention gouvernementale majeure, comparable au sauvetage de l’industrie automobile américaine après la crise financière de 2008. Cette démarche soulève plusieurs questions cruciales :

  • Relance de la production nationale : Une injection de capitaux pourrait accélérer la construction de l’usine d’Ohio, renforçant la capacité des États-Unis à produire des puces de pointe.
  • Stabilité financière d’Intel : Avec une perte annuelle record de 18,8 milliards de dollars en 2024, Intel a besoin de fonds pour stabiliser ses finances et investir dans l’innovation.
  • Compétitivité mondiale : Intel doit rattraper son retard dans les technologies avancées, notamment les puces 18A, qui souffrent de problèmes de qualité.

Cependant, certains analystes, comme ceux de Bernstein, mettent en garde contre les risques d’un tel investissement. Sans un plan clair pour améliorer les processus de fabrication d’Intel, l’intervention gouvernementale pourrait s’apparenter à « jeter des milliards de dollars par les fenêtres ».

SoftBank Entre dans la Danse

Parallèlement aux discussions avec le gouvernement, Intel a reçu un coup de pouce inattendu de la part de SoftBank, le conglomérat japonais, qui a annoncé un investissement de 2 milliards de dollars dans l’entreprise. Cette injection de capital, réalisée à un prix de 23 dollars par action, a fait grimper le cours de l’action d’Intel de 4 % en après-bourse. Cet investissement montre que des acteurs privés croient encore au potentiel de redressement d’Intel, mais il souligne également la nécessité pour l’entreprise de diversifier ses sources de financement.

« L’intervention du gouvernement est essentielle pour protéger la sécurité nationale. »

– Gil Luria, Analyste chez D.A. Davidson

Quels Impacts pour les Startups et l’Écosystème Tech ?

Pour les startups et les acteurs du secteur technologique, une prise de participation de l’État dans Intel pourrait avoir des répercussions significatives. D’une part, un Intel plus fort, soutenu par des fonds publics, pourrait devenir un partenaire stratégique pour les entreprises développant des solutions d’intelligence artificielle ou d’autres technologies nécessitant des puces performantes. D’autre part, cette intervention pourrait modifier les dynamiques concurrentielles, favorisant Intel au détriment d’autres acteurs comme TSMC ou Samsung.

Les startups spécialisées dans l’IA, par exemple, pourraient bénéficier d’une supply chain plus robuste aux États-Unis, réduisant leur dépendance envers les fabricants étrangers. Cependant, elles devront également naviguer dans un environnement où le gouvernement joue un rôle plus actif, ce qui pourrait compliquer les relations avec des partenaires internationaux. Comme le souligne David Nicholson de The Futurum Group, cette « imbrication » croissante entre l’État et les entreprises privées pourrait s’inspirer de modèles observés en Chine, un changement qui ne manquera pas de susciter des débats.

Les Défis d’Intel pour Retrouver sa Gloire

Pour Intel, le chemin vers la reprise est semé d’embûches. L’entreprise doit non seulement surmonter ses difficultés financières, mais aussi relever des défis technologiques. Sa dernière technologie de fabrication, 18A, souffre de rendements insuffisants, ce qui limite sa capacité à attirer des clients externes. De plus, Intel reste partiellement dépendant de TSMC pour produire certaines de ses propres puces, une ironie pour une entreprise qui aspire à redevenir un leader de la fabrication.

  • Innovation technologique : Investir massivement dans la recherche pour rivaliser avec Nvidia et AMD dans l’IA.
  • Expansion de la clientèle : Convaincre des géants comme Apple ou Qualcomm d’utiliser ses usines.
  • Optimisation des coûts : Réduire les pertes liées à ses ambitions de fonderie.

Un Tournant pour l’Industrie Technologique ?

Si la prise de participation du gouvernement américain dans Intel se concrétise, elle pourrait marquer un tournant dans la manière dont les États-Unis soutiennent leur industrie technologique. Cette approche, qualifiée par certains de « capitalisme d’État », contraste avec la tradition de libre marché du pays. Elle pourrait également ouvrir la voie à d’autres interventions similaires dans des secteurs stratégiques, comme l’intelligence artificielle ou les matériaux rares, comme en témoigne l’investissement récent de 400 millions de dollars du Pentagone dans MP Materials.

Pour les investisseurs, cette nouvelle dynamique offre à la fois des opportunités et des risques. D’un côté, le soutien gouvernemental pourrait stabiliser Intel et stimuler son cours boursier, qui a déjà progressé de 25 % cette année grâce à ces spéculations. De l’autre, l’ingérence de l’État pourrait décourager certains investisseurs, qui pourraient craindre une perte d’autonomie pour Intel ou des distorsions de concurrence.

Conclusion : Vers un Nouveau Modèle Industriel ?

L’idée d’une prise de participation de l’État américain dans Intel illustre les mutations profondes qui traversent l’industrie technologique. Dans un monde où la sécurité nationale et la compétitivité économique sont de plus en plus liées, les gouvernements n’hésitent plus à intervenir directement dans les entreprises privées. Pour Intel, cette opportunité pourrait être une bouée de sauvetage, mais aussi un défi pour prouver qu’elle peut redevenir un leader mondial. Pour les startups, les investisseurs et les passionnés de technologie, ce développement est une invitation à repenser les relations entre l’État, l’industrie et l’innovation.

Que pensez-vous de cette intervention gouvernementale dans le secteur privé ? Est-ce une nécessité stratégique ou un précédent inquiétant ? Partagez vos avis dans les commentaires et suivez TechCrunch pour rester informé des dernières actualités tech.

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