Et si la clé pour révolutionner l’intelligence artificielle ne résidait pas dans des data centers géants, mais dans des systèmes capables d’apprendre comme nous, en s’adaptant à chaque expérience ? Dans un monde où les géants de la tech investissent des milliards dans la course à la puissance de calcul, une voix dissonante émerge. Sara Hooker, ancienne vice-présidente de la recherche en IA chez Cohere et alumna de Google Brain, défie cette logique avec sa nouvelle startup, Adaption Labs. Son pari ? Repenser l’IA pour qu’elle apprenne en continu, de manière efficace et accessible. Cet article explore pourquoi cette approche pourrait redéfinir l’avenir de l’IA, et ce que cela signifie pour les entrepreneurs, marketeurs et innovateurs.
La course au scaling : un modèle à bout de souffle ?
Depuis des années, l’industrie de l’intelligence artificielle repose sur une idée simple : plus de puissance de calcul, plus de données, et des modèles toujours plus grands mènent à des systèmes plus performants. Des entreprises comme OpenAI ou Google ont bâti leur succès sur cette logique, investissant dans des infrastructures colossales, parfois comparées à la taille de Manhattan. Ces data centers, gourmands en énergie, consomment autant qu’une petite ville. Mais cette approche, souvent appelée scaling, montre des signes d’essoufflement.
Des chercheurs, y compris des figures influentes comme Sara Hooker, remettent en question cette stratégie. Une étude récente du MIT a révélé que les rendements des grands modèles de langage (LLMs) diminuent, malgré des investissements massifs. Autrement dit, ajouter toujours plus de ressources ne garantit pas des avancées proportionnelles. C’est comme essayer de construire une fusée plus rapide en y mettant un moteur plus gros, sans repenser la conception même du vaisseau.
« La formule consistant à simplement augmenter la taille des modèles — ces approches scaling-pilled, séduisantes mais terriblement ennuyeuses — n’a pas produit une intelligence capable de naviguer ou d’interagir avec le monde. »
– Sara Hooker, fondatrice d’Adaption Labs
Ce constat ouvre la voie à une question cruciale : et si la véritable intelligence ne dépendait pas de la taille, mais de la capacité d’un système à s’adapter et à apprendre de son environnement, comme un humain le ferait ?
Adaption Labs : l’IA qui apprend comme un humain
Sara Hooker, en lançant Adaption Labs avec Sudip Roy, un autre vétéran de Cohere et Google, mise sur une approche radicalement différente. Leur vision ? Créer des systèmes d’IA capables d’apprentissage continu, c’est-à-dire des modèles qui évoluent en fonction de leurs expériences dans le monde réel. Imaginez une IA qui, après avoir fait une erreur, ajuste son comportement pour ne plus la reproduire, un peu comme vous apprenez à contourner une table après vous être cogné le pied.
Contrairement aux approches actuelles, où les modèles sont figés une fois déployés, Adaption Labs travaille sur des systèmes capables d’apprendre en production. Cela signifie qu’ils s’améliorent en temps réel, sans nécessiter des ajustements coûteux ou des interventions humaines. Actuellement, des entreprises comme OpenAI facturent des millions pour personnaliser leurs modèles via des services de conseil. Adaption Labs veut démocratiser cet accès, en rendant l’apprentissage adaptatif plus efficace et moins coûteux.
Pour illustrer, prenons l’exemple d’un chatbot IA utilisé dans une application de service client. Aujourd’hui, si le chatbot échoue à répondre correctement à une question, il faut souvent le retravailler manuellement, un processus long et coûteux. Avec l’approche d’Adaption Labs, ce même chatbot pourrait apprendre de ses erreurs directement en interagissant avec les clients, améliorant ses réponses au fil du temps.
Pourquoi l’apprentissage par renforcement ne suffit pas
L’apprentissage par renforcement (ou reinforcement learning, RL) a longtemps été vu comme une solution pour permettre aux IA d’apprendre de leurs erreurs. Cette méthode permet à un modèle de s’améliorer en recevant des retours dans un environnement contrôlé. Cependant, comme le souligne Sara Hooker, les techniques actuelles de RL ne permettent pas aux modèles en production d’évoluer en temps réel. Ils restent statiques, incapables de s’adapter aux imprévus du monde réel.
Richard Sutton, considéré comme le « père du RL » et lauréat du prix Turing, partage cet avis. Dans une récente discussion avec le podcasteur Dwarkesh Patel, il a affirmé que les grands modèles de langage ne peuvent pas réellement progresser par le scaling, car ils ne s’appuient pas sur une expérience réelle. De même, Andrej Karpathy, ancien chercheur chez OpenAI, a exprimé des doutes sur le potentiel à long terme du RL pour améliorer les modèles d’IA.
« Les LLMs ne peuvent pas vraiment évoluer car ils n’apprennent pas de l’expérience du monde réel. »
– Richard Sutton, pionnier de l’apprentissage par renforcement
Ces limites soulignent l’urgence de repenser les approches traditionnelles. Adaption Labs veut combler ce vide en développant des systèmes qui apprennent de manière autonome, sans dépendre de ressources massives ou de processus coûteux.
Un virage dans l’industrie de l’IA
Le scepticisme envers le scaling ne date pas d’aujourd’hui. Fin 2024, des chercheurs ont commencé à signaler que le pretraining — l’entraînement initial des modèles sur d’énormes ensembles de données — atteignait ses limites. Cette méthode, qui a propulsé des entreprises comme OpenAI, montre des signes de rendements décroissants. Cependant, l’industrie a su rebondir en explorant de nouvelles pistes, comme les modèles de raisonnement IA, qui prennent plus de temps pour analyser les problèmes avant de répondre.
Ces modèles, comme l’o1 d’OpenAI, ont marqué une avancée en 2025, mais ils restent coûteux à développer et à déployer. Une étude récente de Meta et Periodic Labs, par exemple, a coûté plus de 4 millions de dollars pour explorer le potentiel du RL à grande échelle. Adaption Labs, en revanche, ambitionne de prouver que l’apprentissage adaptatif peut être bien plus économique, tout en offrant des résultats supérieurs.
Ce changement de paradigme pourrait bouleverser l’industrie. Les entreprises qui dépendent de l’IA, qu’il s’agisse de startups en e-commerce, de plateformes de marketing digital ou de solutions de CRM, pourraient bénéficier d’une IA plus flexible et accessible, sans avoir à investir des fortunes dans des infrastructures ou des services de conseil.
Adaption Labs : une vision ambitieuse
Adaption Labs n’est pas seulement une startup technique ; elle porte une vision ambitieuse pour démocratiser l’IA. Sara Hooker, qui a dirigé Cohere Labs et formé des modèles compacts pour des usages professionnels, croit en une IA accessible à tous. Son expérience chez Cohere, où elle a recruté des talents issus de régions sous-représentées comme l’Afrique, se reflète dans sa stratégie pour Adaption Labs. La startup prévoit d’ouvrir un bureau à San Francisco, mais avec une équipe mondiale, favorisant la diversité et l’inclusion.
Sur le plan financier, Adaption Labs a attiré l’attention des investisseurs. Des sources indiquent que la startup a conclu un tour de financement initial de 20 à 40 millions de dollars cet automne, bien que les détails restent confidentiels. Cette levée de fonds témoigne de la confiance des investisseurs dans le potentiel de l’apprentissage adaptatif pour transformer le paysage de l’IA.
« Nous sommes prêts à être très ambitieux. »
– Sara Hooker, à propos des investisseurs d’Adaption Labs
Les implications pour les startups et les marketeurs
Pour les entrepreneurs et les professionnels du marketing, l’approche d’Adaption Labs pourrait changer la donne. Aujourd’hui, personnaliser un modèle d’IA pour des besoins spécifiques, comme optimiser une campagne d’email marketing ou améliorer un chatbot, peut coûter des millions. Avec des systèmes adaptatifs, ces coûts pourraient diminuer, rendant l’IA accessible à des startups ou des PME avec des budgets limités.
Voici quelques avantages concrets pour les entreprises :
- Coûts réduits : Plus besoin de payer des fortunes pour personnaliser des modèles.
- Flexibilité : Les modèles s’adaptent en temps réel aux besoins spécifiques des clients.
- Accessibilité : Une IA performante devient accessible à des entreprises de toutes tailles.
En outre, cette approche pourrait démocratiser l’innovation. Les startups technologiques, en particulier celles dans des domaines comme la gestion des médias sociaux ou la génération de leads, pourraient intégrer des systèmes d’IA plus intelligents sans dépendre des géants de la tech.
Un avenir plus intelligent et durable
La course au scaling a transformé l’IA en une industrie énergivore et coûteuse, réservée à une poignée d’acteurs. Adaption Labs propose une alternative : une IA qui apprend de manière autonome, efficace et accessible. Si Sara Hooker et son équipe réussissent, ils pourraient non seulement redéfinir les performances des modèles d’IA, mais aussi rendre la technologie plus inclusive et durable.
Pour les professionnels du marketing, des startups et de la technologie, cette évolution est une opportunité. Elle promet des outils plus agiles, capables de s’adapter aux besoins changeants des marchés, tout en réduisant les barrières financières et techniques. Reste à voir si Adaption Labs tiendra ses promesses, mais une chose est sûre : l’IA du futur ne se mesurera pas à la taille de ses data centers, mais à sa capacité à apprendre comme nous.







