Imaginez-vous monter dans une Tesla qui démarre toute seule, sans personne au volant, et vous emmène à destination pour quelques dollars. Ce qui ressemblait encore à de la science-fiction il y a cinq ans vient de franchir une étape décisive : Tesla a obtenu, le 17 novembre 2025, le précieux sésame qui lui manquait pour opérer légalement un service de robotaxi en Arizona. Ce n’est plus une démo, ce n’est plus un test supervisé : c’est le début d’une disruption massive du marché des transports. Pour les entrepreneurs, les investisseurs et tous ceux qui gravitent dans l’écosystème tech, c’est le signal que la partie vient vraiment de commencer.
Que s’est-il passé exactement le 17 novembre 2025 ?
Le Department of Transportation de l’Arizona (ADOT) a délivré à Tesla le permis de Transportation Network Company (TNC). En clair : l’autorisation officielle de facturer des courses, exactement comme Uber ou Lyft, mais avec des véhicules 100 % autonomes. Tesla avait déjà franchi en septembre l’étape de l’auto-certification pour tester sans conducteur sur les routes de l’État. Ce nouveau permis était la dernière pièce du puzzle réglementaire.
Chronologie rapide des événements :
- Juin 2025 : premiers contacts avec l’ADOT pour explorer le cadre légal
- 13 novembre 2025 : dépôt officiel de la demande TNC
- 17 novembre 2025 : permis accordé en un temps record
Pourquoi si vite ? L’Arizona a délibérément choisi d’être le terrain de jeu préféré des véhicules autonomes depuis 2015. Pas de commission tatillonne comme en Californie, un processus d’auto-certification fluide et des élus qui voient dans chaque robotaxi une opportunité économique.
Waymo règne encore… mais pour combien de temps ?
Depuis 2018, Waymo (filiale d’Alphabet) est le roi incontesté du robotaxi aux États-Unis. 315 miles carrés couverts autour de Phoenix, plusieurs centaines de milliers de trajets payants, une flotte de plusieurs centaines de Jaguar I-Pace et de Chrysler Pacifica équipées de lidars hors de prix.
Mais Tesla arrive avec une philosophie radicalement différente :
- Zéro lidar : seulement caméras et réseaux de neurones (vision pure)
- Coût du véhicule divisé par 3 ou 4 par rapport à Waymo
- Possibilité d’utiliser la flotte existante des propriétaires Tesla (modèle « Airbnb du robotaxi » que Musk tease depuis 2019)
- Mise à jour logiciel over-the-air : chaque voiture devient meilleure chaque semaine
« Waymo a dépensé plus de 10 milliards de dollars pour construire son système. Tesla, grâce à sa flotte de plusieurs millions de véhicules qui collectent des données tous les jours, a déjà rattrapé, voire dépassé, le niveau de performance. »
– Un ingénieur ex-Waymo ayant rejoint Tesla en 2024 (anonyme)
Le modèle économique qui fait trembler Uber, Lyft et même les constructeurs traditionnels
Elon Musk répète depuis des années que le vrai jackpot de Tesla n’est pas la vente de voitures, mais la marge brute du robotaxi : 70 à 80 % une fois l’autonomie atteinte. Comparez cela aux 20-25 % d’Uber aujourd’hui (après commission chauffeur).
Calcul rapide qui fait rêver les investisseurs :
- Prix moyen d’une course : 1,50 $ le mile
- Coût marginal Tesla : environ 0,20 à 030 $ le mile (électricité + amortissement)
- Marge : plus de 80 % !
Si Tesla capture ne serait-ce que 10 % du marché mondial des transports (estimé à 10 000 milliards de dollars par an d’ici 2030 selon Ark Invest), la capitalisation du groupe pourrait être multipliée par 10. C’est la thèse qui fait tenir le cours de l’action à des niveaux stratosphériques malgré les difficultés actuelles de production du Cybertruck.
Les étapes restantes avant un lancement commercial massif
Attention : avoir le permis ne veut pas dire que des milliers de Tesla sans chauffeur sillonnent déjà Phoenix demain matin. Plusieurs étapes restent cruciales :
- Déploiement progressif avec supervision à distance (un opérateur pour plusieurs dizaines de véhicules)
- Collecte de données massives dans la zone de Phoenix pour affiner les modèles neuronaux locaux (panneaux, comportement des piétons, etc.)
- Obtention du même permis TNC dans d’autres États (Texas et Floride sont les prochains sur la liste selon les insiders)
- Validation finale de la version « Unsupervised » du Full Self-Driving (v13 ou v14 attendue début 2026)
Cela dit, les signaux sont au vert. Tesla a déjà commencé à cartographier en détail la zone de Phoenix avec ses véhicules d’essai et recrute massivement des opérateurs de supervision à distance basés à Tempe.
Ce que ça change pour les startups de la mobilité
Pour tous les entrepreneurs qui lèvent des fonds sur le créneau « autonomous mobility », c’est un réveil brutal. Cruise (GM) est quasiment à l’arrêt après son accident de 2023, Zoox (Amazon) reste en phase de test fermé, Motional (Hyundai-Aptiv) réduit la voilure. Tesla arrive avec :
- Une avance colossale en données (plus de 20 milliards de miles parcourus en mode supervisé)
- Un coût d’acquisition client proche de zéro grâce à l’application Tesla existante
- Une marque ultra-puissante auprès des early adopters
Les seules cartes restantes pour la concurrence : des partenariats avec des constructeurs traditionnels (Volkswagen, Stellantis) ou des villes qui voudraient garder le contrôle de leur flotte (comme Singapour ou Dubaï).
Et la France/Europe dans tout ça ?
Pendant que l’Arizona ouvre grand les bras, l’Europe reste engluée dans des débats réglementaires sans fin. La Commission européenne travaille sur l’AI Act et sur un cadre spécifique pour les véhicules niveau 4, mais on parle encore d’horizons 2028-2030 pour des robotaxis commerciaux à grande échelle. Résultat : les startups françaises comme EasyMile ou Navya se retrouvent coincées sur des navettes lentes en site fermé.
Seule lueur d’espoir : l’Allemagne qui pousse pour des zones tests élargies (comme à Munich avec Mobileye/Volkswagen). Mais tant que la responsabilité légale en cas d’accident reste floue, aucun acteur sérieux ne prendra le risque de lancer un vrai service payant.
Conclusion : on entre dans l’ère du transport à 0,20 € du kilomètre
L’obtention du permis TNC en Arizona n’est pas qu’une ligne dans un communiqué réglementaire. C’est le moment où la promesse faite par Elon Musk en 2019 lors de l’Autonomy Day devient tangible. Dans les prochains mois, nous allons voir les premiers trajets facturés sans aucun humain à bord. Puis l’effet boule de neige : Texas, Floride, Nevada… et peut-être la Californie quand le CPUC finira par céder.
Pour les entrepreneurs, investisseurs et passionnés de tech : surveillez Phoenix comme vous surveilliez San Francisco en 2009 pour les applications mobiles. Celui qui comprend le plus vite comment profiter de cette infrastructure (assurance autonome, maintenance prédictive, expérience passager, publicité in-car, livraison dernière minute…) va créer le prochain licorne du secteur.
Le futur du transport ne se passe plus dans les salles de réunion des constructeurs automobiles traditionnels. Il se joue dans le désert de l’Arizona, à bord d’une Tesla blanche qui roule toute seule.
Et vous, seriez-vous prêt à monter dans un robotaxi Tesla dès demain ?






