Physics Wallah : L’IPO Triomphale qui Défie la Crise EdTech

Imaginez un professeur de physique qui commence à filmer ses cours dans une petite pièce en 2016, les publie gratuitement sur YouTube… et neuf ans plus tard, fait entrer sa société en bourse avec une valorisation qui explose de 44 % dès le premier jour. Cette histoire n’est pas un scénario de film bollywoodien : c’est celle d’Alakh Pandey et de Physics Wallah, qui vient de réaliser l’une des plus belles introductions en bourse de l’année en Inde. Pendant que le secteur edtech indien semblait condamné à la déprime post-pandémie, cette startup vient de prouver qu’une autre voie est possible.

Un premier jour de cotation qui donne le vertige

Le 18 novembre 2025, les actions Physics Wallah (PW) ont clôturé à 156,49 ₹, soit une hausse de 44 % par rapport au prix d’introduction fixé à 109 ₹. Le titre a même touché 161,99 ₹ en séance. Résultat ? Une capitalisation boursière qui dépasse les 448 milliards de roupies (environ 5 milliards de dollars), bien au-dessus des 315 milliards anticipés et presque 80 % supérieure à la dernière valorisation privée de 2,8 milliards de dollars réalisée en septembre 2024.

L’IPO a permis de lever 34,8 milliards de roupies (393 millions de dollars), dont 31 milliards en emission nouvelle et 3,8 milliards via la vente d’actions des cofondateurs Alakh Pandey et Prateek Boob, qui détenaient encore environ 80 % du capital avant l’opération.

De la chambre d’étudiant à la bourse de Mumbai : l’incroyable ascension

Tout commence en 2016. Alakh Pandey, alors professeur particulier à Allahabad, décide de mettre gratuitement ses cours de physique sur YouTube pour aider les étudiants qui préparent les examens d’entrée dans les grandes écoles d’ingénieurs (JEE, NEET). La chaîne explose. En quelques mois, des millions d’élèves indiens suivent ses explications claires et passionnées.

En 2020, il officialise l’aventure avec Prateek Boob et lance l’application Physics Wallah. Le modèle est simple : des cours abordables (souvent moins de 4 000 ₹ l’année contre 150 000 ₹ chez les concurrents premium), une approche ultra-pédagogique et une présence massive sur les réseaux sociaux. Résultat : plus de 4,5 millions d’abonnés payants en 2025.

« C’est un bon jalon d’avoir cette IPO, mais la mission et la vision restent encore très largement à accomplir. »

– Alakh Pandey, lors de la cérémonie d’introduction en bourse à Mumbai

Des chiffres qui parlent plus fort que les discours

Pour l’exercice 2024-2025, Physics Wallah affiche :

  • Chiffre d’affaires en hausse de 49 % à 28,9 milliards de roupies (326 M$)
  • Perte nette réduite de 11,31 milliards à 2,4 milliards de roupies
  • Répartition équilibrée : 48,6 % du CA en ligne, 46,8 % via les centres physiques
  • 303 centres offline dans 152 villes en Inde et au Moyen-Orient (contre 182 un an plus tôt)

Cette croissance s’opère dans un contexte où la majorité des acteurs edtech indiens licencient, ferment des centres ou cherchent désespérément un acquéreur.

Le contraste saisissant avec Byju’s et Unacademy

Pendant que Physics Wallah célèbre, ses grands concurrents traversent l’enfer :

  • Byju’s : ex-licorne valorisée 22 milliards de dollars, aujourd’hui en procédure d’insolvabilité en Inde et aux États-Unis, batailles judiciaires avec les créanciers, milliers de licenciements.
  • Unacademy : valorisé 3,44 milliards en 2021, aujourd’hui en discussion pour un rachat par UpGrad entre 300 et 400 millions de dollars seulement.

Comment expliquer un tel écart ? Plusieurs facteurs clés.

Les 5 piliers du succès Physics Wallah

1. Prix ultra-compétitifs : là où Byju’s vendait des packs à 200 000 ₹, PW propose des abonnements annuels complets à moins de 5 000 ₹.

2. Modèle hybride maîtrisé : l’entreprise n’a pas misé uniquement sur le online comme beaucoup pendant la pandémie ; elle a développé très tôt des centres physiques rentables.

3. Discipline financière : peu de levées de fonds folles, pas de dépenses marketing démesurées, rentabilité progressive.

4. Authenticité du fondateur : Alakh Pandey reste la figure centrale, très présent sur les réseaux, ce qui crée une confiance énorme chez les parents et les élèves.

5. Focus sur les examens clés : JEE, NEET, classes 11-12. PW ne cherche pas à tout faire, il domine son segment.

Ce que cette IPO dit du marché edtech indien

Le succès de Physics Wallah envoie trois messages forts aux entrepreneurs et investisseurs :

  • Le marché indien de l’éducation reste gigantesque (plus de 250 millions d’élèves scolarisés).
  • Les modèles low-cost et hybrides ont encore de beaux jours devant eux.
  • La confiance des investisseurs peut revenir très vite quand les fondamentaux sont solides.

On assiste peut-être à la fin du « tout online à n’importe quel prix » et au retour d’un edtech plus pragmatique, plus proche des réalités indiennes.

Et après ? Les projets d’Alakh Pandey avec les fonds levés

La majeure partie des 350 millions de dollars frais va servir à :

  • Accélérer l’ouverture de nouveaux centres offline (objectif : 500+ d’ici 2027)
  • Renforcer la stack technologique (IA pour la personnalisation des parcours)
  • Préparer des acquisitions stratégiques (petites plateformes régionales, contenus spécialisés)
  • Développer la présence internationale (Moyen-Orient, Afrique, Asie du Sud-Est)

Leçons business à retenir pour tout fondateur de startup

Cette histoire est une masterclass en bootstrapping, discipline et exécution :

  • Commencer par résoudre un vrai problème (accès abordable à une éducation de qualité)
  • Construire une marque autour d’une personnalité authentique
  • Ne jamais sacrifier l’unité économique (LTV/CAC sain dès le départ)
  • Anticiper le retour du offline quand tout le monde crie « online only »
  • Garder le contrôle actionnarial le plus longtemps possible

En résumé, Physics Wallah nous rappelle qu’en startup, la vraie disruption n’est pas toujours celle qui lève le plus d’argent… mais celle qui change vraiment la vie du plus grand nombre, de façon durable et rentable.

Et vous, pensez-vous que ce modèle peut s’exporter hors d’Inde ? Que PW deviendra le « Duolingo indien » ou restera un phénomène local ? Partagez votre avis en commentaire, je suis curieux de connaître votre analyse !

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