Imaginez un instant : pendant que la Silicon Valley dort sur ses lauriers avec des chatbots et des générateurs d’images, une petite startup finlandaise vient de lever 100 millions d’euros pour construire l’IA qui pilotera demain les drones militaires, les robots de combat et les systèmes de commandement autonomes en Europe. Non, ce n’est pas un scénario de film d’espionnage. C’est l’actualité brûlante de NestAI, annoncée lors du Slush 2025 à Helsinki. Et croyez-moi, cette nouvelle mérite qu’on s’y arrête longuement.
Une levée de fonds qui sent la poudre… et la souveraineté
100 millions d’euros. Le chiffre donne le vertige. Surtout quand on sait que le tour de table est mené par deux acteurs qui ne rigolent pas avec la sécurité nationale : Tesi, le fonds souverain finlandais, et Nokia, le géant des télécoms qui n’a plus à prouver sa crédibilité dans les infrastructures critiques.
Ce n’est pas une levée lambda. C’est un signal politique fort : l’Europe refuse de laisser le champ libre aux géants américains et chinois sur l’IA appliquée à la défense et à la robotique. Et la Finlande, pays de 5,5 millions d’habitants à la frontière russe, se positionne en fer de lance.
« NestAI a dès le départ eu pour mission de devenir le premier laboratoire européen d’IA physique pour garantir la souveraineté technologique du continent. »
– Peter Sarlin, cofondateur et président de NestAI
L’IA physique, c’est quoi exactement ?
On parle beaucoup d’IA générative. On parle moins de physical AI, cette branche qui vise à connecter les grands modèles de langage aux objets du monde réel : robots, véhicules autonomes, capteurs, actionneurs. En clair : faire en sorte qu’une IA ne se contente plus de parler ou d’écrire, mais qu’elle agisse dans l’environnement physique.
Pour NestAI, les cas d’usage prioritaires sont clairs :
- Véhicules sans pilote (terrestres, aériens, marins)
- Opérations autonomes en milieu hostile
- Plateformes de commandement et contrôle augmentées par l’IA
- Robotique militaire et civile avancée
Et quand on sait que la startup collabore déjà avec les Forces de défense finlandaises (annoncé en octobre 2025), on comprend vite que le sujet n’est pas théorique.
Peter Sarlin : l’homme qui valait 665 millions… et qui recommence
Impossible de parler de NestAI sans évoquer son fondateur. Peter Sarlin n’est pas un inconnu. L’an dernier, il a vendu Silo AI, sa précédente startup, à AMD pour 665 millions de dollars. Un exit retentissant qui a fait de lui l’un des entrepreneurs tech les plus en vue d’Europe du Nord.
Aujourd’hui, il remet le couvert. Mais cette fois-ci, il joue la carte de la discrétion (NestAI était en stealth total) et de l’impact stratégique. Via son family office PostScriptum, il a auto-financé les premiers mois avant d’ouvrir le capital aux institutionnels.
Petit détail qui a son importance : Peter Sarlin reste employé à temps plein chez AMD (il dirige leur division IA en Europe). Chez NestAI, il ne prend « que » la présidence. Le poste de CEO est toujours vacant. Un choix assumé pour attirer le meilleur talent possible.
Nokia dans la boucle : quand le hardware rencontre l’intelligence
Le partenariat stratégique avec Nokia n’est pas un gadget marketing. C’est une alliance logique : Nokia apporte son expertise en réseaux 5G/6G privés, en edge computing et en infrastructures critiques, NestAI apporte les modèles d’IA capables d’exploiter ces réseaux en temps réel.
Dans un contexte de guerre hybride et de menaces cyber, la combinaison 5G privée + IA embarquée + robotique devient une arme stratégique. Et l’Europe veut sa part du gâteau.
Une équipe taillée pour la mission impossible
NestAI n’a pas encore de CEO, mais son équipe fait déjà peur (dans le bon sens). On y retrouve :
- D’anciens d’Intel spécialisés en hardware IA
- Des ingénieurs venus de Palantir (oui, la Palantir de Peter Thiel)
- Des experts de Kongsberg et Saab, deux fleurons de l’industrie de défense nordique
- Des chercheurs de haut niveau en robotique et vision par ordinateur
Autant dire que l’on ne joue pas dans la cour des startups qui font des MVP en deux week-ends.
Pourquoi la Finlande devient le nouveau hotspot de l’IA de défense
Plusieurs facteurs convergent :
- Une tradition d’excellence en recherche (Aalto University, Université d’Helsinki)
- Un écosystème startup dynamique (Supercell, Rovio, Wolt, etc.)
- Une menace géopolitique réelle à la frontière russe
- Une volonté politique forte de souveraineté technologique
- Des fonds publics prêts à investir massivement (Tesi en tête)
Résultat ? La Finlande attire les talents et les capitaux comme jamais. Et NestAI n’est probablement que la partie émergée de l’iceberg.
Les implications business pour les entrepreneurs tech
Derrière l’aspect défense, il y a des leçons énormes pour tout fondateur :
1. La deep tech redevient bankable
Après des années où le SaaS et les apps grand public captaient 90 % des fonds, on assiste à un retour en force des technologies dures : robotique, edge AI, hardware-software integration.
2. La souveraineté est le nouveau moat
Dans un monde fragmenté, les États sont prêts à payer très cher pour ne pas dépendre de fournisseurs étrangers. C’est une opportunité colossale pour les startups européennes.
3. Les partenariats industriels sont la clé
NestAI sans Nokia, c’est une belle idée. Avec Nokia, c’est une machine de guerre crédible dès le jour 1.
4. Le talent suit l’impact
Quand votre mission est claire (« protéger l’Europe »), vous attirez les meilleurs ingénieurs. Point final.
Et demain ? Vers une NATO de l’IA européenne ?
On peut rêver (ou cauchemarder, selon le point de vue). Mais force est de constater que plusieurs pays européens accélèrent :
- France avec Mistral AI et ses contrats défense
- Allemagne avec Aleph Alpha et Helsing
- Royaume-Uni avec son AI Safety Institute et ses investissements militaires
- Et maintenant la Finlande avec NestAI
Une coordination européenne sur l’IA de défense n’est plus une utopie. Elle devient une nécessité géopolitique.
Conclusion : l’Europe passe à l’offensive
NestAI n’est pas qu’une startup de plus. C’est le symptôme d’un basculement profond : l’Europe refuse de rester simple consommatrice de technologies critiques. Avec 100 millions dans la poche, un partenariat avec Nokia et une mission claire, la petite équipe d’Helsinki vient de mettre tout le continent sur la carte de l’IA physique et de défense.
Pour les entrepreneurs, investisseurs et passionnés de tech que vous êtes, c’est un signal fort : les plus grosses opportunités des cinq prochaines années ne seront pas dans les apps grand public, mais là où la technologie rencontre la géopolitique.
Et quelque part dans un hangar près d’Helsinki, un drone vient probablement de prendre sa première décision autonome grâce à un modèle entraîné par NestAI.
L’avenir est déjà là. Il parle finnois.






