Détecter l’Écriture IA : Le Guide Secret de Wikipedia

Vous est-il déjà arrivé de lire un article de blog, un post LinkedIn ou une description produit et de vous dire, au fond de vous : « Ça sent l’IA à plein nez » ? Cette petite voix intérieure devient de plus en plus forte. Et pourtant, quand on essaie d’expliquer pourquoi, on bloque souvent sur des mots comme « delve » ou « tapestry » qui, finalement, ne sont plus aussi fiables qu’on le pensait en 2023. Alors comment font ceux qui passent leurs journées à traquer le contenu généré automatiquement ? Réponse surprenante : les meilleurs experts mondiaux… sont les éditeurs bénévoles de Wikipedia.

Oui, vous avez bien lu. Depuis deux ans, la communauté Wikipedia mène une guerre silencieuse mais acharnée contre les textes produits par ChatGPT, Claude, Gemini et consorts. Et le fruit de cette bataille ? Un guide public absolument génial intitulé « Signs of AI writing » qui vaut de l’or pour tout professionnel du marketing, de la communication ou du contenu. Parce qu’aujourd’hui, savoir repérer l’IA n’est plus un jeu : c’est une compétence business essentielle.

Pourquoi Wikipedia est devenu le meilleur labo anti-IA du monde

Imaginez : des millions de modifications chaque jour, dont une part croissante rédigée par des modèles de langage qui tentent de créer ou d’enrichir des articles. Les éditeurs humains, souvent des passionnés pointilleux, ont vu débarquer des tonnes de textes qui sonnent… bizarre. Trop polis. Trop lisses. Trop parfaits grammaticalement mais vides d’âme.

En 2023, ils ont lancé le « Project AI Cleanup ». Résultat ? Des milliers d’exemples concrets analysés, comparés, annotés. Là où les détecteurs automatiques (ZeroGPT, Originality.ai, etc.) se plantent encore régulièrement, les Wikipédiens ont développé un flair quasi infaillible. Et ils ont tout consigné dans un document ouvert à tous.

« Les outils de détection automatisés sont pratiquement inutiles. Seule l’analyse humaine fine permet de repérer les patterns récurrents des LLM. »

– Extrait du guide Wikipedia « Signs of AI writing »

Le signe n°1 : l’obsession de la « significance »

Les modèles adorent expliquer pourquoi quelque chose est important. Mais ils le font de façon… mécanique. Vous verrez régulièrement des formulations du type :

  • « marquant un tournant décisif dans… »
  • « soulignant l’importance croissante de… »
  • « reflétant la pertinence continue du sujet »
  • « incarnant parfaitement les valeurs de… »

Ces phrases ont un point commun : elles n’apportent aucune information concrète. Elles gonflent le texte pour donner l’illusion de profondeur. Un humain qui connaît vraiment son sujet ira directement aux faits. L’IA, elle, a besoin de remplissage.

Dans le marketing, c’est exactement le même problème avec les descriptions produits Amazon ou les posts LinkedIn de « thought leaders » auto-proclamés. Tout est « révolutionnaire », « disruptif », « pivotal ».

Le truc du participe présent en fin de phrase (le « killer tell »)

Voici probablement la découverte la plus géniale des Wikipédiens. Les modèles abusent massivement des propositions participiales en fin de phrase :

« La conférence a réuni plus de 500 experts, mettant en lumière les défis majeurs du secteur. »
« Cette innovation a permis de réduire les coûts de 40 %, ouvrant la voie à de nouvelles opportunsités. »
« L’entreprise a annoncé un partenariat stratégique, renforçant sa position sur le marché européen. »

Une fois qu’on vous l’a montré, vous le voyez PARTOUT. C’est discret, grammaticalement correct, mais hyper caractéristique des LLM actuels. Un rédacteur humain l’utilisera de temps en temps. L’IA en met à chaque phrase ou presque.

Le syndrome du « communiqué de presse d’hôtel 5 étoiles »

Les Wikipédiens ont une formule géniale : le texte IA ressemble souvent à « la transcription d’une publicité télé pour un hôtel de luxe ».

Tout est toujours :

  • magnifiquement préservé
  • offrant une vue imprenable
  • alliant tradition et modernité
  • dans un cadre idyllique
  • proposant une expérience unique

C’est du langage marketing vide, pompé directement des sites d’hôtellerie, de tourisme et de luxe qui constituent une part énorme des données d’entraînement. Résultat : même quand l’IA parle d’une usine chimique ou d’un mathématicien du XIXe siècle, ça sonne comme une brochure de voyage.

L’accumulation suspecte de « preuves de notoriété »

Un autre pattern fascinant : l’IA adore lister des apparitions médiatiques mineures pour « prouver » que son sujet mérite un article.

Vous verrez souvent :

« Il a été interviewé dans le podcast Untel en 2022, a écrit une tribune dans un blog local, et a été cité dans un article du journal régional X. »

Un vrai journaliste ou un vrai fan du sujet ira chercher les sources solides (livres, études, prix majeurs). L’IA, elle, va gratter tout ce qui traîne sur Google pour gonfler l’ego du sujet… exactement comme le ferait une attachée de presse un peu désespérée.

Pourquoi ces patterns sont si difficiles à éliminer

On pourrait penser que les développeurs d’IA vont simplement corriger ces tics. Mais c’est plus compliqué que ça.

Ces comportements ne sont pas des bugs : ce sont des conséquences directes de la façon dont les modèles sont entraînés. Ils apprennent à imiter les textes les plus fréquents du web. Or le web est rempli de communiqués de presse, de pages LinkedIn corporate, de descriptions Airbnb et de contenus SEO bas de gamme. Difficile d’échapper à ces influences quand elles représentent des centaines de milliards de mots.

Même les prompts les plus sophistiqués (« écris comme un humain », « évite les clichés ») ne suffisent plus. Les modèles contournent, mais les traces restent visibles pour qui sait regarder.

Comment utiliser ce guide dans votre business au quotidien

Pour un entrepreneur, un marketeur ou un créateur de contenu, ce guide Wikipedia est une mine d’or. Voici quelques applications concrètes :

  • Auditer vos freelances : vous suspectez que votre rédacteur sous-traite à ChatGPT ? Passez ses textes au crible des critères Wikipédiens.
  • Former vos équipes : intégrez ces signes dans vos guidelines éditoriales pour garder une voix authentique.
  • Analyser la concurrence : beaucoup de startups inondent LinkedIn et leurs blogs de contenu IA. Savoir le repérer vous donne un avantage énorme.
  • Protéger votre marque : rien de pire que de publier du contenu qui « sonne faux ». Vos clients le sentent immédiatement.

Les limites du guide (et ce qu’il ne dit pas)

Soyons honnêtes : même ce guide parfait a des limites.

Certains humains écrivent comme des IA (salut les anciens consultants qui mettent du « leverager » partout). À l’inverse, une IA bien promptée et relue peut passer sous les radars.

Mais dans 95 % des cas, surtout sur du contenu publié à la chaîne (articles de blog, posts réseaux sociaux, fiches produits), les patterns sautent aux yeux une fois qu’on les connaît.

Vers un monde où l’authenticité redevient un avantage compétitif

Ce qui est passionnant, c’est que nous assistons peut-être à la naissance d’une nouvelle compétence rare : l’écriture authentiquement humaine.

Dans un univers où tout le monde peut générer 10 000 mots en 10 minutes, ceux qui sauront écrire avec une voix unique, des anecdotes personnelles, des opinions tranchées et une vraie expertise deviendront des rockstars.

Le guide Wikipedia n’est pas seulement un outil de détection. C’est un rappel brutal : l’avenir du contenu de qualité ne passe pas par plus d’IA, mais par plus d’humanité.

Alors la prochaine fois que vous lirez un texte trop parfait, trop lisse, trop corporate… faites le test Wikipédien. Et si ça sent l’IA, demandez-vous : est-ce vraiment le type de contenu que vous voulez produire ou consommer ?

Parce qu’en 2025 et après, la vraie disruption ne sera plus de générer du contenu.
Ce sera d’en créer qui ressemble à rien d’autre que… nous.

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