Imaginez : vous êtes community manager pour une marque ultra-polarisée, vous avez bâti toute votre stratégie sur l’idée que vos influenceurs sont « 100 % America First »… et du jour au lendemain, X affiche sous leur pseudo « Compte basé au Pakistan ». C’est exactement ce qui vient d’arriver à des dizaines de comptes MAGA fin novembre 2025 avec le déploiement de la fonction « About This Account ». Et le plus drôle ? La moitié de ces indications sont fausses. Bienvenue dans le chaos magnifique de la transparence version Elon Musk.
Que s’est-il vraiment passé le 23 novembre 2025 ?
Ce samedi-là, des milliers d’utilisateurs ont vu apparaître une nouvelle ligne dans les profils : date de création, mode de téléchargement de l’app et surtout, le fameux « Compte basé à… ». Très vite, des captures d’écran circulent : @American (300 k followers) serait au Pakistan, d’autres comptes « patriotes » au Japon, en Nouvelle-Zélande ou en Thaïlande. L’influenceur de gauche Micah Erfan jubile et parle d’« armageddon pour la droite en ligne ».
Mais dès le lendemain, les témoignages contraires pleuvent. Des Américains pure souche se retrouvent étiquetés « Inde » ou « Philippines ». Des Européens voient « États-Unis ». Nikita Bier, directeur produit chez X, finit par reconnaître publiquement que les données « ne sont pas à 100 % fiables pour les anciens comptes » et promet un correctif « d’ici mardi ».
« Un premier pas important pour sécuriser l’intégrité de la place publique mondiale »
– Nikita Bier, directeur produit X, 23 novembre 2025
Pourquoi cette donnée est (pour l’instant) un désastre technique
Plusieurs facteurs expliquent le fiasco :
- Utilisation massive de VPN par les influenceurs politiques pour contourner les shadowbans passés
- Anciennes adresses IP stockées lors de la création du compte (parfois il y a 10 ans)
- Équipes internationales ou collaborateurs basés à l’étranger
- Voyages fréquents (un compte créé à l’aéroport de Dubaï peut garder cette IP des années)
- Bug pur et simple sur les comptes antérieurs à 2022
Résultat : la fonction censée révéler les troll farms étrangères a d’abord semé la panique chez les vrais Américains et offert un boulevard aux théories du complot des deux côtés.
Ce que ça change concrètement pour les marques et les startups
En tant que marketeur, community manager ou fondateur, vous devez retenir trois leçons brutales de cet épisode.
1. L’authenticité géographique devient un KPI visible
Désormais, n’importe qui peut vérifier en un clic si votre influenceur « local » l’est vraiment. Les partenariats avec des créateurs qui utilisent des VPN ou des équipes délocalisées risquent de se retourner contre vous. Une marque de compléments alimentaires « Made in USA » qui collabore avec un compte affiché « Indonésie » va perdre toute crédibilité.
2. La transparence forcée arrive plus vite qu’on ne le pensait
X n’est que le premier. TikTok teste déjà des badges similaires, Instagram a déposé des brevets dans ce sens. Dans les 24 mois, afficher la provenance réelle (ou supposée) des comptes deviendra la norme. Les agences d’influence qui construisent des réseaux de faux profils locaux ont du souci à se faire.
3. Les crises de réputation se déclenchent en 30 minutes
Le week-end du 23 novembre a montré la vitesse fulgurante à laquelle une fonctionnalité technique peut devenir un scandale mondial. Les équipes de crise des marques doivent désormais intégrer les mises à jour produits des plateformes dans leur veille permanente.
Comment les influenceurs réagissent (et ce que vous pouvez apprendre)
Certains ont choisi l’humour : « Oui je vis au Bangladesh, c’est pour ça que je défends la liberté d’expression » accompagné d’un meme. D’autres la victimisation : « Preuve que Big Tech veut nous faire taire ». Les plus malins, eux, ont immédiatement publié des stories depuis leur salon avec vue sur le drapeau américain en fond.
La meilleure réponse observée ? Un thread ultra-détaillé expliquant pourquoi la donnée est fausse (voyage, ancien téléphone, etc.) suivi d’une preuve vidéo géolocalisée. Transparence + preuve = regain de confiance immédiat.
Et si la fonction finissait par marcher parfaitement ?
Imaginons que dans quelques semaines X corrige tous les bugs. Que se passera-t-il vraiment ?
- Les vrais troll farms (souvent basés en Europe de l’Est ou en Asie du Sud-Est) seront exposés
- Les influenceurs politiques délocalisés perdront une partie de leur crédibilité « locale »
- Les marques devront auditer la provenance réelle de leurs partenaires
- Une nouvelle niche d’outils verra le jour : « nettoyage d’historique IP » pour influenceurs
Paradoxalement, cette transparence pourrait renforcer les créateurs authentiques et marginaliser ceux qui jouaient sur l’ambiguïté géographique.
5 actions concrètes à mettre en place dès aujourd’hui
Si vous gérez des communautés ou travaillez avec des influenceurs, voici votre checklist post-fiasco :
- Auditer tous vos partenariats en cours : demander une preuve de résidence récente
- Intégrer une clause « transparence géographique » dans vos prochains contrats
- Former vos équipes à surveiller les nouvelles fonctionnalités des plateformes (oui, même le week-end)
- Préparer un kit de crise type « notre influenceur est affiché au mauvais pays »
- Développer vos propres créateurs « maison » plutôt que dépendre d’influenceurs tiers
Le mot de la fin : la transparence est un sport de combat
Ce bug monumental aura au moins eu un mérite : rappeler que sur Internet, l’authenticité n’est plus une option marketing, c’est une contrainte technique. Les plateformes imposent désormais leurs propres règles du jeu, souvent sans prévenir et avec des lancements approximatifs.
Les gagnants de 2026 seront ceux qui auront compris que la meilleure défense contre la transparence forcée, c’est… la transparence choisie. Vos communautés vous pardonneront beaucoup de choses, mais jamais de leur avoir menti sur qui vous êtes vraiment et d’où vous parlez.
Et vous, avez-vous déjà vérifié où X pense que votre compte est basé ?






