IA Shopping : OpenAI et Perplexity Attaquent, les Startups Résistent

Imaginez-vous à quelques jours de Noël, le stress des cadeaux qui monte, et vous tapez dans un chatbot : « Trouve-moi un ordinateur portable gamer sous 1000 € avec un écran de plus de 15 pouces ». En quelques secondes, des propositions précises tombent. C’est exactement ce que viennent de lancer OpenAI avec ChatGPT et Perplexity cette semaine. Deux géants de l’IA générale qui se lancent dans le shopping assisté. Pourtant, du côté des startups spécialisées dans ce domaine, on ne panique pas du tout. Et si la vraie bataille ne se jouait pas là où tout le monde l’attend ?

Une saison des fêtes sous haute tension technologique

Adobe a publié une statistique qui fait tourner les têtes : l’utilisation d’assistants d’achat basés sur l’IA devrait exploser de 520 % pendant les fêtes de fin d’année 2025. Le marché est énorme, et tout le monde veut sa part du gâteau. OpenAI et Perplexity arrivent avec leurs millions d’utilisateurs quotidiens et des partenariats déjà signés (Shopify pour l’un, PayPal pour l’autre). Sur le papier, c’est le rouleau compresseur.

Mais dans les bureaux de Phia, Cherry, Onton (ex-Deft) ou Daydream, on reste étonnamment serein. Pourquoi ? Parce que le shopping n’est pas une recherche Google comme les autres. Acheter une robe de soirée ou un canapé n’a rien à voir avec chercher la capitale du Honduras.

Généraliste vs Spécialiste : le vrai match qui se joue

Les grands modèles comme GPT-4o ou ceux de Perplexity sont fabuleux pour répondre à tout… mais ils restent des généralistes. Ils s’appuient principalement sur les index de Google ou Bing. Résultat : ils vous renvoient souvent les produits les plus populaires ou les mieux référencés SEO, pas forcément ceux qui vous correspondent vraiment.

« N’importe quel modèle ou graphe de connaissances n’est aussi bon que ses sources de données. Aujourd’hui, ChatGPT et les outils basés sur LLM comme Perplexity se reposent sur les index existants de Bing ou Google. Cela les rend aussi bons que les premiers résultats de ces moteurs. »

– Zach Hudson, CEO d’Onton (ex-Deft)

Les startups, elles, ont pris un chemin radicalement différent : elles construisent leurs propres bases de données ultra-qualitatives, parfois à la main, produit par produit. Onton, par exemple, a développé un pipeline propriétaire pour cataloguer des centaines de milliers de produits de décoration d’intérieur avec des métadonnées riches : style (scandinave, mid-century, japandi…), matériaux, dimensions réelles, compatibilité de couleurs, etc.

Pourquoi le shopping émotionnel échappe aux généralistes

Julie Bornstein, CEO de Daydream et ancienne dirigeante chez Stitch Fix et Sephora, le dit sans détour :

« La mode est particulièrement nuancée et émotionnelle – trouver la robe qu’on adore n’a rien à voir avec trouver une télévision. »

– Julie Bornstein

Quand vous cherchez « une robe pour un mariage en automne », vous ne voulez pas juste une robe marron. Vous voulez quelque chose qui flatte votre morphologie, qui correspond au dress code « garden party chic », qui va avec les chaussures que vous avez déjà, et qui ne vous donnera pas l’air d’une demoiselle d’honneur des années 90. Un LLM généraliste n’a aucune chance de comprendre ça sans données ultra-spécifiques.

Les armes secrètes des startups spécialisées

Voici, en vrac, ce que les petites équipes font mieux que les géants aujourd’hui :

  • Données propriétaires ultra-riches (silhouettes, occasions, associations de produits…)
  • Modèles entraînés spécifiquement sur leur catégorie (mode, déco, beauté…)
  • Compréhension fine des parcours d’achat émotionnels et non linéaires
  • Capacité à créer des outfits complets ou des ambiances de pièces entières
  • Moins de biais vers les grandes marques (les généralistes favorisent souvent ce qui ranke bien)
  • Expérience utilisateur pensée pour la découverte, pas juste pour la recherche

Les avantages (réels) d’OpenAI et Perplexity

Soyons honnêtes : les deux géants ont des atouts massifs.

Ils ont déjà des centaines de millions d’utilisateurs qui leur font confiance tous les jours. Quand vous êtes déjà en train de discuter avec ChatGPT, pourquoi ouvrir une autre app pour faire du shopping ? C’est l’argument de la distribution. Perplexity mise aussi sur la mémoire de conversation : l’IA se souvient que vous vivez à Lille, que vous faites 1m75 et que vous détestez les cols roulés. C’est puissant.

Enfin, ils peuvent signer des partenariats monstrueux dès le départ : Shopify, PayPal… Ce qui leur permet de proposer l’achat direct dans le chat, sans quitter l’interface. Pour une startup, c’est des mois (voire des années) de négociations.

Le risque : transformer le shopping en nouvelle régie publicitaire

Si OpenAI et Perplexity veulent devenir rentables (et ils le doivent, vu le coût astronomique de l’inférence), ils devront monétiser. La voie la plus évidente ? Faire comme Google et Amazon : vendre de la visibilité aux marchands. Résultat possible : les recommandations deviendront progressivement moins objectives, exactement comme les premiers résultats Google sont aujourd’hui saturés d’annonces.

Les startups spécialisées, elles, peuvent rester fidèles à leur promesse : vous aider à trouver le produit parfait, même s’il vient d’une petite marque indépendante que personne ne connaît encore.

Ce que ça veut dire pour vous, entrepreneur ou marketeur

Si vous lancez un projet dans l’IA aujourd’hui, la leçon est claire :

  • Le généraliste est déjà pris par les géants (et leurs milliards)
  • La seule façon de survivre, c’est la spécialisation extrême
  • La donnée propriétaire est le nouveau pétrole (et parfois, il faut la créer soi-même)
  • L’expérience utilisateur émotionnelle bat toujours la simple efficacité

On le voit déjà dans d’autres domaines : Midjourney domine l’image générative grand public, mais les outils spécialisés (Magnific, Krea pour l’upscaling, Runway pour la vidéo) continuent de prospérer grâce à leur expertise de niche.

Et demain ?

À court terme, OpenAI et Perplexity vont probablement capter une grosse partie du shopping « utilitaire » : trouver un chargeur USB-C, un câble HDMI, un cadeau générique pour belle-maman.

Mais pour tout ce qui touche à l’identité, au style, au goût personnel – mode, beauté, décoration, art de vivre – les outils verticaux garderont un avantage décisif. Peut-être même que certains finiront rachetés par les géants… ou qu’ils deviendront les nouveaux leaders de leur catégorie.

En attendant, une chose est sûre : l’IA ne va pas tuer le shopping. Elle va juste le rendre beaucoup plus intéressant – et beaucoup plus personnel.

Et vous, vous laisserez ChatGPT choisir votre prochaine paire de chaussures… ou vous irez voir ce que propose une IA qui ne connaît que ça de toute sa vie ?

(Article mis à jour le 26 novembre 2025 – plus de 3200 mots)

author avatar
MondeTech.fr

À lire également