Imaginez un seul homme capable d’orienter à lui seul la politique américaine en intelligence artificielle et en cryptomonnaie… tout en détenant des centaines de participations dans ces mêmes secteurs. C’est exactement la situation dans laquelle se trouve David Sacks depuis sa nomination comme « tsar IA et crypto » de l’administration Trump. Le 30 novembre 2025, le New York Times a publié une enquête choc qui met en lumière les risques de conflits d’intérêts colossaux. Et la réponse cinglante de Sacks sur X n’a pas calmé le jeu. Bienvenue dans la nouvelle ère où la Silicon Valley s’invite (très) directement à la Maison-Blanche.
Qui est vraiment David Sacks ?
Pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, David Sacks n’est pas n’importe quel entrepreneur tech. Cofondateur de PayPal aux côtés de Peter Thiel et Elon Musk (la fameuse « PayPal Mafia »), il a ensuite créé Yammer (revendu 1,2 milliard de dollars à Microsoft), investi très tôt dans Uber, Airbnb, SpaceX, Palantir ou encore Facebook. Ces dernières années, il s’est imposé comme l’un des VC les plus influents via son fonds Craft Ventures et comme co-animateur du podcast « All-In », véritable tribune des « tech bros » pro-Trump.
Mais c’est surtout son virage politique qui a surpris : donateur massif de la campagne Trump 2024, il est devenu l’un des conseillers les plus écoutés du président élu sur les sujets tech. Résultat ? Une nomination officielle comme responsable de la politique IA et crypto du gouvernement fédéral.
Les chiffres qui font peur
L’enquête du New York Times est accablante en chiffres :
- 708 investissements au total dans son portefeuille personnel et via Craft Ventures
- 449 entreprises directement liées à l’intelligence artificielle
- Des dizaines de participations crypto (exchanges, protocoles DeFi, infrastructures blockchain)
- Des waivers éthiques obtenus pour conserver une partie de ces actifs
En clair : l’homme qui va rédiger les règles du jeu est aussi l’un des plus gros joueurs sur le terrain.
« C’est du graft pur et simple »
– Kathleen Clark, professeure de droit spécialisée en éthique gouvernementale, Washington University
Les waivers éthiques : une porte ouverte ?
David Sacks a bien obtenu deux « ethics waivers » de la Maison-Blanche lui permettant de conserver certains actifs tout en occupant son poste. Problème : ces documents ne précisent ni la valeur des actifs conservés, ni les dates exactes de cession des autres. Un flou artistique qui inquiète les spécialistes.
Pire : des centaines d’entreprises sont classées comme « hardware » ou « software » dans ses déclarations… alors qu’elles se présentent ouvertement comme des sociétés d’IA sur leur site et dans leurs levées de fonds. Un simple jeu d’étiquettes pour contourner les règles ?
Le sommet IA de la Maison-Blanche : un exemple concret
Un épisode résume parfaitement le malaise. En juillet 2025, la Maison-Blanche organise un grand sommet sur l’intelligence artificielle. À l’origine, le podcast All-In (co-animé par Sacks) devait être l’unique organisateur et monétiser l’événement via des sponsors à 1 million de dollars pour un accès VIP… auprès du président.
Susie Wiles, chef de cabinet de Trump, a fini par intervenir pour élargir l’organisation et éviter le scandale. Mais le mal était fait : l’image d’un mélange des genres entre influence politique et business privé était plantée.
Nvidia, la Chine et les puces : un autre dossier sensible
Autre point brûlant : David Sacks s’est rapproché ces derniers mois du PDG de Nvidia, Jensen Huang. Or, l’administration Trump travaille activement à assouplir les restrictions sur les exportations de puces vers la Chine – restrictions que l’administration Biden avait durcies.
Coïncidence ? Nvidia est évidemment le grand gagnant potentiel d’un tel assouplissement. Et Sacks, via ses différents fonds, détient des participations indirectes dans l’écosystème Nvidia (startups clientes, partenaires, etc.).
La réponse musclée de David Sacks
David Sacks n’a pas laissé passer l’article. Sur X, il a publié une longue réponse, accompagnée d’une lettre de ses avocats (cabinet Clare Locke, spécialisé dans les actions en diffamation) adressée au New York Times.
« Ils ont passé cinq mois à chercher un conflit d’intérêts qui n’existe pas. Aujourd’hui ils ont publié un nothing burger. »
– David Sacks, sur X
Ses arguments :
- Il a suivi toutes les règles applicables aux « special government employees »
- L’Office of Government Ethics a validé ses waivers
- Son rôle lui coûte de l’argent (manque à gagner, ventes d’actifs)
- Le sommet All-In était à but non lucratif et a même perdu de l’argent
Ce que cela dit de l’administration Trump 2.0
Au-delà du cas Sacks, cette polémique révèle une tendance lourde : la seconde administration Trump s’appuie massivement sur des entrepreneurs et investisseurs tech qui n’ont aucune intention de couper les ponts avec leurs activités privées.
Elon Musk (DOGE), Vivek Ramaswamy, Peter Thiel en coulisses, et maintenant David Sacks : la Silicon Valley n’a jamais été aussi proche du pouvoir exécutif américain. Avec tous les risques que cela comporte en termes de régulation (ou plutôt de non-régulation) des secteurs où ces mêmes acteurs ont des intérêts financiers gigantesques.
Les leçons pour les entrepreneurs et investisseurs tech
Si vous êtes fondateur, VC ou dirigeant dans l’IA ou la crypto, cette affaire vous concerne directement :
- Les prochaines années risquent d’être extrêmement favorables (dérégulation, fin des restrictions chinoises, fonds publics massifs dans l’IA)
- Mais la contrepartie pourrait être une surveillance accrue du Congrès et des médias
- Les conflits d’intérêts perçus (même sans preuves formelles) peuvent devenir des armes politiques
- La transparence (ou son absence) dans les déclarations financières va devenir un sujet brûlant
Et maintenant ?
Pour l’instant, David Sacks conserve son poste et le soutien total de la Maison-Blanche. La porte-parole Liz Huston a même salué « un atout inestimable pour l’agenda technologique du président Trump ».
Mais les Démocrates, emmenés par Elizabeth Warren, préparent déjà des auditions au Congrès. Et Steve Bannon, pourtant ex-allié de Trump, parle ouvertement de « tech bros hors de contrôle ».
Une chose est sûre : l’histoire entre la Silicon Valley et Washington est en train de s’écrire sous nos yeux. Et elle risque de ressembler davantage à une série Netflix qu’à un cours d’éthique publique.
À suivre de très près – surtout si vous avez des intérêts dans l’IA ou la crypto.






