L’IA de Google Vous Connaît Trop Bien ?

Imaginez une IA qui vous connaît mieux que votre meilleur ami. Elle sait quel café vous commandez tous les matins, quel type de vacances vous fait rêver, et même quel cadeau offrir à votre belle-mère pour Noël. Pratique ? Terrifiant ? Les deux à la fois. C’est exactement la direction que prend Google avec Gemini : transformer des milliards de données personnelles en un assistant qui vous anticipe à chaque clic.

Le 1er décembre 2025, Robby Stein, vice-président produit de Google Search, a lâché une phrase qui résonne encore dans toutes les têtes des marketeurs, fondateurs de startups et défenseurs de la privacy : « L’une des plus grandes opportunités de notre IA, c’est de vous connaître mieux. » Traduction : votre historique Gmail, vos photos, votre agenda, votre position GPS… tout cela va nourrir l’intelligence artificielle pour qu’elle vous réponde comme personne.

Pourquoi Google a déjà gagné la bataille de la donnée personnelle

Quand on parle d’IA grand public, tout le monde pense modèles de langage, puissance de calcul, milliards de paramètres. Mais la vraie arme secrète, c’est la donnée utilisateur. Et là, Google joue dans une catégorie à part.

Regardez les chiffres (même approximatifs, ils donnent le vertige) :

  • Plus de 3 milliards d’utilisateurs actifs sur l’écosystème Android
  • 1,8 milliard de comptes Gmail
  • Google Photos stocke plus de 4 000 milliards de photos
  • Google Maps enregistre les trajets de centaines de millions de personnes chaque jour

Aucun concurrent – ni OpenAI, ni Anthropic, ni même Meta – n’a accès à une telle mine d’informations fraîches, structurées et surtout consenties (même si on a tous coché la case sans lire les 40 pages de CGU).

« Nous pensons qu’il y a une énorme opportunité pour notre IA de vous connaître mieux et d’être ainsi incroyablement utile grâce à cette connaissance. »

– Robby Stein, VP Product Google Search

Gemini Deep Research : quand votre vie devient le carburant de l’IA

Depuis quelques mois, Gemini propose une fonctionnalité appelée Deep Research. Concrètement ? Vous posez une question complexe (« Quel est le meilleur itinéraire pour un road-trip en van en Croatie avec deux enfants en juillet ? ») et l’IA va fouiller… dans vos propres données.

Elle va regarder :

  • Vos anciens voyages sauvegardés dans Google Photos
  • Les hôtels que vous avez likés sur Maps
  • Les emails de confirmation de locations précédentes
  • Même les échanges WhatsApp si vous avez activé la sauvegarde Google

Résultat : une réponse qui n’est plus générique, mais taillée sur mesure. Et ça, aucun modèle open source ou concurrent fermé ne peut le faire à cette échelle.

Le scénario Black Mirror n’est plus très loin

L’article de TechCrunch fait un parallèle glaçant avec la série Pluribus d’Apple TV+ (l’équivalent fictif de Black Mirror en 2025). Dans l’épisode, une IA globale connaît chaque détail intime des citoyens et utilise cette connaissance pour les manipuler en douceur.

La protagoniste, Carol, reçoit des repas préparés exactement comme elle les aime, voit apparaître l’avatar de sa mère décédée pour lui parler, et se fait proposer des vêtements qu’elle n’a même pas encore imaginés. Le confort absolu… et l’angoisse totale.

On n’est pas encore là. Mais quand Google parle de notifications push pour vous dire que « la veste en cuir que vous avez regardée 17 fois en 3 semaines est enfin en promo dans votre taille », on touche du doigt le même sentiment : celui d’être épié pour être mieux servi.

Les garde-fous (réels ou de façade) mis en place par Google

Google n’est pas complètement inconscient du risque. L’entreprise met en avant plusieurs éléments :

  • La connexion des apps à Gemini reste opt-in (vous devez activer manuellement Gmail, Drive, Photos…)
  • Un indicateur visuel apparaît quand une réponse est personnalisée
  • Possibilité de désactiver à tout moment dans les « Connected Apps »
  • Les données utilisées respectent la politique de confidentialité Gemini (avec revue humaine possible)

Mais soyons honnêtes : combien d’utilisateurs vont vraiment désactiver ces options quand l’expérience sans personnalisation sera clairement moins magique ? C’est le même dilemme qu’avec les cookies : tout le monde clique « Accepter tout » parce que refuser dégrade l’expérience.

Ce que ça change pour les startups et les marketeurs

Si vous êtes fondateur, CMO ou growth hacker, cette annonce doit vous faire réfléchir à 200 km/h.

Voici pourquoi :

  • Le SEO traditionnel est mort : quand l’IA répond directement avec des recommandations ultra-personnalisées, le trafic organique classique va s’effondrer
  • La publicité va devenir encore plus contextuelle : imaginez des ads qui savent que vous venez de rompre et vous proposent… des voyages solo à Bali
  • Les startups sans donnée utilisateur massive sont condamnées à rester des features, pas des plateformes
  • Le nouveau graal, c’est la « data moat » : plus vous avez de données fraîches et consenties, plus votre IA est puissante

En clair : soit vous construisez votre propre écosystème de données (comme Notion ou Figma commencent à le faire), soit vous devenez un fournisseur de briques pour les géants qui, eux, ont les données.

Comment les concurrents peuvent-ils riposter ?

Face à Google, plusieurs stratégies émergent :

OpenAI mise sur la supériorité technique brute et les partenariats (Apple, Microsoft). Mais sans données personnelles à grande échelle, ChatGPT restera généraliste.

Perplexity et You.com jouent la carte de la transparence et du « no creepy » : pas de tracking, réponses sourcées, respect de la privacy. Positionnement séduisant… mais limité en magie.

Meta a les données (WhatsApp, Instagram, Facebook), mais une image de marque tellement abîmée sur la privacy qu’elle peine à capitaliser.

Apple pourrait être le vrai challenger : avec son discours « privacy first » et son écosystème fermé, Apple Intelligence a une carte à jouer… si Siri devient enfin compétente.

Le paradoxe de la personnalisation ultime

On veut tous une IA qui nous comprend. Mais quand elle nous comprend trop bien, on flippe.

C’est le même paradoxe qu’avec les réseaux sociaux : on adore quand l’algorithme nous montre exactement ce qu’on aime… jusqu’à ce qu’on réalise qu’il nous enferme dans une bulle.

Google marche sur cette corde raide. S’il va trop loin, il risque un backlash massif (rappelez-vous Cambridge Analytica). S’il reste trop timide, il se fait distancer par des concurrents plus audacieux.

Conclusion : bienvenue dans l’ère de l’IA intime

En 2026, poser une question à Google ne sera plus chercher une information. Ce sera discuter avec une entité qui vous connaît depuis 15 ans, qui a vu vos photos de mariage, vos disputes par mail, vos recherches médicales à 3h du matin.

Certains trouveront ça génial. D’autres désactiveront tout et retourneront à Qwant ou DuckDuckGo.

Mais une chose est sûre : la bataille de l’IA ne se jouera plus seulement sur les performances brutes des modèles. Elle se jouera sur la confiance. Et là, Google a une longueur d’avance… et un boulet au pied appelé « historique privacy ».

À vous de choisir votre camp. Moi ? J’ai déjà vérifié mes « Connected Apps » dans Gemini. Et vous ?

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