Et si la plus grande sagesse des investisseurs en 2025 était… de ne pas tout miser sur l’intelligence artificielle ? Alors que la majorité des fonds venture semblent avoir oublié qu’il existe une planète au-delà de ChatGPT et des LLM, un acteur historique vient de rappeler à tout le monde qu’une stratégie diversifiée reste la meilleure arme contre les bulles spéculatives. Nexus Venture Partners lève 700 millions de dollars et annonce clairement la couleur : la moitié de ce fonds sera dédiée à des startups indiennes qui ne tournent pas forcément autour de l’IA. Une prise de position rare, rafraîchissante, et probablement très rentable.
Un fonds VIII qui reste à 700 millions : le luxe de dire non
Dans un monde où certains fonds annoncent des véhicules de 3, 5 ou même 10 milliards pour “l’ère de l’agentique AI”, Nexus fait exactement l’inverse. Son huitième fonds reste rigoureusement à la même taille que le précédent : 700 millions de dollars. Pas un dollar de plus.
Jishnu Bhattacharjee, managing director basé aux États-Unis, l’explique sans détour :
« Nous ne voulons pas lever de l’argent pour le plaisir de lever. 700 millions, c’est exactement la taille qui correspond à notre stratégie early-stage. »
– Jishnu Bhattacharjee, Managing Director chez Nexus Venture Partners
Ce choix peut paraître conservateur. Il est en réalité d’une intelligence rare. En gardant un fonds de taille raisonnable, Nexus conserve sa capacité à écrire des chèques de quelques centaines de milliers à 1 million de dollars en seed ou Series A – là où la concurrence, gonflée par des fonds géants, est obligée de placer 20, 30 ou 50 millions minimum. Résultat : Nexus reste ultra-réactif et peut saisir les meilleures opportunités avant tout le monde.
L’Inde : le contrepoids parfait à l’hystérie AI mondiale
La grande annonce de ce fonds VIII, c’est donc la répartition volontairement équilibrée :
- 50 % pour des startups AI (principalement cross-border, souvent fondées par des Indiens aux US)
- 50 % pour des startups 100 % India-focused dans le consumer, la fintech, la logistique et les infrastructures numériques… avec ou sans IA
Pourquoi ce 50/50 ? Parce que l’Inde offre aujourd’hui ce que les États-Unis n’ont plus : un marché gigantesque, en croissance explosive, avec des valorisations encore raisonnables et des besoins réels à résoudre.
Quelques chiffres qui donnent le vertige :
- Plus de 800 millions d’internautes en 2025
- Le digital economy indien devrait dépasser les 1 000 milliards de dollars d’ici 2028
- Le quick-commerce (livraison en 10-15 minutes) pèse déjà plus de 5 milliards de dollars et croît de 70 % par an
- Le marché fintech indien traite plus de 10 milliards de transactions UPI par mois
Dans ce contexte, miser uniquement sur l’IA reviendrait à ignorer délibérément des opportunités colossales.
Des exits qui parlent : la preuve par les faits
Nexus n’est pas un fonds qui fait de belles déclarations sans résultats. En vingt ans, le fonds a :
- Investi dans plus de 130 compagnies
- Réalisé plus de 30 exits, dont plusieurs IPO
- Construit un track-record qui lui permet de lever presque exclusivement auprès de ses LPs historiques
Quelques pépites du portefeuille :
- Postman – la plateforme API préférée des développeurs mondiaux
- Zepto – le leader indien du quick-commerce, valorisé plus de 5 milliards
- Delhivery – géant de la logistique coté en bourse
- Rapido – concurrent direct d’Uber en deux-roues
- Infra.Market – licorne du B2B construction materials
Et côté pure AI : Apollo, MinIO, Firecrawl, Giga… des outils déjà adoptés massivement par les équipes d’ingénierie des plus gros modèles.
L’IA “made in India” : pas en retard, juste différente
On entend souvent que l’Inde est “en retard” sur l’IA. C’est faux. Elle est simplement en train de construire une IA différente, adaptée à ses réalités.
Exemples concrets cités par les partners de Nexus :
- Zepto utilise l’IA partout : prédiction de la demande, optimisation des dark stores, routing dynamique, service client automatisé
- Neysa, une startup du portefeuille, construit des infrastructures AI souveraines avec support des langues indiennes et conformité locale
- Des centaines de startups développent des agents IA en hindi, tamoul, bengali… là où les modèles US restent anglophones
Le pays bénéficie d’un vivier incroyable de talents (les ingénieurs indiens représentent plus de 40 % des équipes techniques des Big Tech américaines) et d’une infrastructure numérique (India Stack, ONDC, UPI) qui permet des déploiements à l’échelle d’un continent à des coûts dérisoires.
Pourquoi cette stratégie est (très) rentable en 2025
Regardons les valorisations moyennes actuelles :
- Une startup AI seed aux US : valorisation moyenne 40-80M$ post-money
- Une startup AI seed en Inde : souvent entre 8 et 20M$
- Une startup consumer/fintech indienne à forte traction : encore des valorisations “pré-2021”
En d’autres termes, pour le même dollar investi, Nexus achète aujourd’hui beaucoup plus de parts en Inde qu’un fonds purement AI aux États-Unis. Et quand ces compagnies atteindront l’échelle US ou l’IPO, le multiple sera potentiellement énorme.
Leçons pour les entrepreneurs et les investisseurs
Ce positionnement de Nexus délivre plusieurs messages forts :
- La diversification reste une vertu, même (surtout) en période d’hystérie thématique
- L’Inde n’est plus un “marché émergent” mais le plus grand terrain de jeu digital du monde
- Les meilleurs fonds sont ceux qui gardent la tête froide quand tout le monde perd la sienne
- L’IA va transformer tous les secteurs – donc investir dans des compagnies qui deviennent “AI-native” sans être “pure AI” est souvent plus malin
En conclusion, pendant que certains fonds se battent pour entrer dans la prochaine levée d’une startup d’agent IA à 1 milliard de valorisation pré-money, Nexus continue tranquillement à construire le prochain décacorn indien. Et quelque chose nous dit que c’est eux qui rigoleront les derniers.
À bon entendeur…






