Imaginez-vous au volant de votre Tesla flambant neuve, en train d’envoyer tranquillement un SMS à votre associé pendant que la voiture roule seule sur l’autoroute. Science-fiction ? Plus vraiment. Le 4 décembre 2025, Elon Musk a déclaré publiquement que la dernière mise à jour de Full Self-Driving (Supervised) autorise désormais cette pratique… alors qu’elle reste strictement interdite dans la quasi-totalité des États américains. Cette annonce, aussi provocatrice qu’attendue de la part du patron de Tesla, fait l’effet d’une bombe dans l’écosystème tech et automobile.
Entre génie marketing, défi lancé aux régulateurs et prise de risque colossale, cet épisode illustre parfaitement la philosophie Musk : avancer à 300 km/h même quand le code de la route dit stop. Décryptage complet d’un événement qui va marquer 2026.
Que s’est-il réellement passé le 4 décembre 2025 ?
Tout commence par un simple tweet d’un utilisateur Tesla. Il remarque que l’alerte « yeux sur la route » ne s’active plus lorsqu’il utilise son téléphone avec la nouvelle version FSD. Réponse immédiate d’Elon Musk : « Oui, c’est volontaire. Le système l’autorise désormais selon le contexte du trafic environnant ».
« The update allows it “depending on context of surrounding traffic.” »
– Elon Musk, 4 décembre 2025
Pas plus d’explications techniques, pas de communiqué officiel. Juste cette phrase lâchée comme une grenade dégoupillée. En quelques heures, l’information fait le tour du monde et place Tesla au centre d’un débat brûlant : jusqu’où une entreprise peut-elle repousser les limites légales au nom de l’innovation ?
Le cadre légal : un mur infranchissable (en théorie)
Pour bien comprendre l’ampleur du choc, rappelons les chiffres :
- 49 États américains interdisent formellement l’envoi de SMS au volant
- 26 États prohibent toute utilisation manuelle du téléphone (même pour changer de musique)
- Les sanctions vont de 50 à 500 $ d’amende + retrait de points, voire prison en cas de récidive
En résumé : ce que Tesla autorise techniquement reste illégal presque partout sur le territoire américain. Et pourtant, l’entreprise a choisi de désactiver l’alerte qui empêchait jusqu’ici cette pratique.
FSD Supervised : autonomie réelle ou simple assistant boosté ?
Il est crucial de rappeler que malgré son nom ambitieux, Full Self-Driving n’est toujours pas une conduite 100 % autonome (niveau 5 SAE). Nous sommes au niveau 2+, voire 3 dans le meilleur des cas. Cela signifie :
- Le conducteur reste légalement responsable à 100 % du véhicule
- Il doit être capable de reprendre la main en moins de 2 secondes
- La caméra intérieure et les capteurs de volant surveillent l’attention… mais ne bloquent plus l’usage du téléphone
En retirant cette contrainte, Tesla franchit un cap symbolique : elle fait confiance (ou feint de faire confiance) à son IA au point d’autoriser une distraction pourtant identifiée comme l’une des premières causes d’accidents mortels.
La stratégie marketing derrière la provocation
Chez Tesla, la communication a toujours été une arme de destruction massive. Cet épisode s’inscrit dans une longue lignée de coups d’éclat :
- 2016 : promesse d’autonomie totale « l’année prochaine » (répétée chaque année depuis)
- 2019 : présentation du Cybertruck avec vitre censée être incassable… qui se brise en direct
- 2024 : lancement du Robotaxi sans volant ni pédales (reporté sine die)
En autorisant le texting, Musk crée le buzz parfait : les médias relaient, les actions Tesla grimpent sur l’effet d’annonce, les précommandes FSD explosent. Le calcul est simple : même si 90 % des clients n’utiliseront jamais cette fonction (par peur ou par respect de la loi), l’image de marque « disruptif » est renforcée.
Les risques colossaux pour l’entreprise
Mais cette fois, le jeu pourrait se retourner contre Tesla. Plusieurs fronts s’ouvrent simultanément :
1. La NHTSA déjà sur le dos
Plus de 50 signalements de feux rouges grillés et d’incursions sur la voie opposée. L’agence fédérale enquête activement sur FSD dans des conditions de faible visibilité. Cette nouvelle fonctionnalité pourrait être la goutte d’eau.
2. Le bras de fer avec la Californie
Le Department of Motor Vehicles accuse Tesla de publicité mensongère depuis des années. Une suspension de licence de 30 jours minimum est sur la table. Décision attendue fin 2025.
3. Les assureurs qui s’affolent
Les compagnies d’assurance suivent de très près les données télémétriques. Si les statistiques montrent une hausse des sinistres liés à l’usage du téléphone avec FSD activé, les primes Tesla pourraient exploser… ou certaines couvertures être purement refusées.
Et les concurrents dans tout ça ?
Pendant que Tesla joue les cowboys, Waymo (Alphabet) accumule discrètement des millions de kilomètres en totale autonomie (niveau 4) sans conducteur à bord, mais uniquement dans des zones géofencées. Mercedes propose déjà le Drive Pilot (niveau 3 légal) en Allemagne et dans certains États… avec obligation de garder les mains près du volant.
La stratégie « tout, tout de suite, partout » de Tesla contraste violemment avec l’approche prudente et progressive des autres acteurs. Qui aura raison ? Le marché tranchera probablement dans les 24 prochains mois.
Ce que ça dit de notre rapport à la technologie
Au-delà de Tesla, cette affaire pose une question de société : sommes-nous prêts à déléguer notre sécurité à une IA, même quand les lois et le bon sens disent non ?
Les études sont implacables : l’être humain reste très mauvais à reprendre le contrôle après plusieurs minutes d’inattention. Le « handover » (remise de contrôle) est responsable de la majorité des accidents graves impliquant des systèmes d’assistance avancés.
En autorisant le texting, Tesla mise sur le fait que son IA sera bientôt assez bonne pour compenser l’inattention humaine. Un pari à plusieurs dizaines de milliards de dollars… et potentiellement quelques vies.
Que retenir pour les entrepreneurs tech ?
Cette histoire offre plusieurs leçons brutales mais précieuses :
- Le move fast and break things fonctionne… jusqu’à un certain point
- La viralité peut se retourner en cauchemar judiciaire
- Les régulateurs finissent toujours par rattraper les licornes
- La confiance des utilisateurs est fragile : un accident médiatisé peut tout faire basculer
En 2025, disrupter n’est plus seulement coder plus vite que les autres. C’est aussi anticiper les réactions des États, des assureurs et de l’opinion publique.
Et maintenant ?
Plusieurs scénarios possibles pour les prochains mois :
- Tesla fait machine arrière sous la pression (peu probable)
- La fonction reste mais géobloquée dans les États les plus stricts
- Une mise à jour force à nouveau l’alerte… mais laisse une option cachée pour les plus audacieux
- Le Congrès américain ouvre une commission d’enquête sur la sécurité des véhicules autonomes
Une chose est sûre : 2026 s’annonce comme l’année de vérité pour la conduite autonome grand public. Et Tesla, comme toujours, sera au centre du cyclone.
En attendant, si vous possédez une Tesla avec la dernière mise à jour FSD : oui, vous pouvez techniquement envoyer des SMS au volant. Mais la question reste entière : devriez-vous vraiment le faire ?







