Imaginez-vous en train de discuter avec un client important, une idée brillante fuse, et… impossible de vous souvenir des détails deux heures plus tard. C’est exactement le problème que Limitless voulait résoudre avec son pendentif IA capable d’enregistrer, transcrire et rendre recherchables toutes vos conversations. Vendredi 5 décembre 2025, Meta a annoncé le rachat de cette startup prometteuse. Un mouvement qui en dit long sur l’avenir des assistants personnels portables et sur la consolidation express du marché de l’IA embarquée.
De Rewind à Limitless : l’incroyable pivot d’une startup visionnaire
Retour en 2020. Dan Siroker (ex-CEO d’Optimizely) et Brett Bejcek lancent Rewind, un logiciel controversé qui enregistrait absolument tout ce qui se passait sur votre Mac : écran, micro, webcam. L’objectif ? Créer une mémoire parfaite de votre vie numérique. Le produit soulève immédiatement des débats éthiques, mais séduit aussi une niche d’utilisateurs prêts à tout pour ne plus rien oublier.
En 2024, face à la montée en puissance des grands modèles de langage et à l’explosion des devices IA (Humane Ai Pin, Rabbit R1, Friend…), l’équipe opère un pivot audacieux : elle abandonne partiellement le logiciel pour se concentrer sur un objet physique, le Limitless Pendant. Prix de lancement : 99 $. Un micro élégant que l’on clipse à sa chemise ou que l’on porte en collier, toujours à l’écoute, capable de résumer une réunion, de retrouver une phrase prononcée trois jours plus tôt ou de répondre à des questions contextuelles.
« Quand nous avons commencé Limitless il y a cinq ans, le monde était très différent. L’IA était un rêve pour beaucoup. Les startups hardware étaient considérées comme infondables. Faire les deux à la fois relevait du délire. Aujourd’hui, tout a changé. »
– Dan Siroker, cofondateur de Limitless
Que va réellement récupérer Meta ?
Officiellement, Meta parle d’une acquisition d’équipe (« acqui-hire ») et d’un renfort pour accélérer le développement de ses wearables IA. Concrètement :
- Une équipe d’une trentaine de personnes ultra-compétente en traitement audio temps réel et en IA embarquée
- Des brevets sur la compression et la recherche dans de très longues séquences audio
- Un savoir-faire hardware (design, autonomie, micro de qualité dans un format minuscule)
- Une base de plusieurs dizaines de milliers d’utilisateurs déjà habitués à l’idée d’être enregistrés 24/7
Mais surtout, Meta met la main sur une technologie qui pourrait parfaitement s’intégrer à ses lunettes connectées Ray-Ban Meta et aux futures Meta Ray-Ban Display (les vraies lunettes AR prévues pour 2027).
Pourquoi Limitless jette l’éponge sur le hardware grand public
Dans son billet d’adieu, Dan Siroker est honnête : la concurrence est devenue écrasante. Quand OpenAI tease son propre wearable, quand Google travaille sur des lunettes avec Gemini intégrée, quand Apple prépare (selon les rumeurs) des AirPods avec caméras et IA… un acteur de 33 millions de dollars levés ne fait plus le poids.
Conséquences immédiates pour les clients :
- Fin de la commercialisation du pendentif
- Support maintenu pendant 12 mois
- Abonnement gratuit à vie (plan Unlimited) pour tous les utilisateurs actuels
- Possibilité d’exporter ou de supprimer toutes ses données
- Arrêt progressif de l’application desktop Rewind
Meta et la course aux « personal superintelligence » wearables
Depuis 2023, Mark Zuckerberg répète que l’avenir de l’IA passe par des objets que l’on porte toute la journée : lunettes, montres, voire bagues. L’acquisition de Limitless s’inscrit dans cette vision.
Ce que cela pourrait donner concrètement dans les 18-24 mois :
- Des Ray-Ban Meta capables d’écouter en permanence et de répondre à voix basse dans vos oreilles
- Une fonction « Ask my meeting » qui résume automatiquement une réunion Zoom ou physique
- La possibilité de rechercher n’importe quelle phrase entendue dans la semaine (« Qu’a dit Pierre sur le budget marketing mardi ? »)
- Une intégration native avec Meta AI (Llama) pour des réponses contextuelles ultra-précises
Les leçons business pour les fondateurs de startups IA/hardware
Cette acquisition est un cas d’école. Voici les enseignements à retenir :
- Le timing est (presque) tout – Limitless a été pionnier, mais trop tôt. Les grands ont eu le temps de rattraper leur retard avec des moyens infiniment supérieurs.
- La distribution reste reine – Vendre un objet à 99 $ en direct-to-consumer face à des géants qui ont des millions de clients dans leurs stores… mission impossible à long terme.
- Acqui-hire ou exit honorable – 33 M$ levés auprès d’a16z, NEA, First Round… on ne connaît pas le montant du rachat, mais l’équipe part chez Meta avec un beau chèque et la satisfaction d’avoir influencé un géant.
Et les questions éthiques dans tout ça ?
On ne peut pas parler de Limitless sans aborder le sujet sensible de l’enregistrement permanent. Avec Meta comme nouveau propriétaire, les inquiétudes risquent de s’amplifier :
- Que deviennent les données des utilisateurs actuels ?
- Meta va-t-il activer l’écoute permanente par défaut sur ses futures lunettes ?
- Comment gérer le consentement quand votre voisin porte des lunettes qui vous enregistrent potentiellement ?
Des questions qui vont accompagner tous les futurs wearables IA, qu’ils viennent de Meta, Google ou Apple.
Conclusion : la fin d’une ère, le début d’une autre
Limitless n’aura vécu que quelques mois en tant que produit grand public, mais son héritage est immense. Le pendentif IA était peut-être trop en avance, ou simplement né dans le mauvais garage. En rejoignant Meta, l’équipe de Dan Siroker et Brett Bejcek va contribuer à intégrer cette « mémoire augmentée » dans des objets que des centaines de millions de personnes porteront bientôt.
Pour les entrepreneurs, le message est clair : dans l’IA grand public aujourd’hui, soit vous êtes un géant, soit vous vous faites racheter (quand vous avez de la chance). La course à la superintelligence personnelle ne fait que commencer, et elle se jouera désormais sur vos lunettes, pas autour de votre cou.
À suivre de très près en 2026-2027.
