Trump Relaxe les Normes Auto : Impact Business

Imaginez : vous lancez enfin votre startup de mobilité électrique, vous avez levé 40 millions de dollars, vos précommandes explosent… et du jour au lendemain, l’administration américaine décide de diviser presque par deux les objectifs de consommation de carburant pour 2031. C’est exactement ce qui vient de se passer le 3 décembre 2025. Et si vous pensiez que les réglementations environnementales n’étaient qu’une histoire d’écologistes, détrompez-vous : elles sont devenues un levier stratégique majeur pour toute l’industrie tech et automobile.

Que s’est-il réellement passé le 3 décembre 2025 ?

Devant les PDG de Ford et Stellantis, le président Trump a annoncé une révision drastique des standards CAFE (Corporate Average Fuel Economy). L’objectif passe de 50,4 mpg en 2031 sous Biden à seulement 34,5 mpg. Traduction : les constructeurs auront beaucoup moins de pression pour rendre leurs flottes plus sobres.

Les mesures phares :

  • Reclassement des crossovers (ex-SUV légers) en catégorie « voitures » au lieu de « light trucks » → moins de contraintes
  • Suppression totale des crédits d’échange de véhicules électriques (les fameux ZEV credits)
  • Autorisation explicite de produire des « vraiment petites voitures » à l’asiatique

Sur le papier, la Maison Blanche vend cela comme une bouffée d’oxygène pour les consommateurs : « les normes Biden auraient ajouté 1 000 $ au prix de chaque voiture ». En réalité, le prix moyen d’un véhicule neuf dépasse déjà les 50 000 $ aux États-Unis… et continue de grimper depuis le premier rollback de 2020.

Pourquoi c’est un tremblement de terre pour les startups et la tech

Quand on parle mobilité, on ne parle plus seulement de constructeurs traditionnels. On parle de Tesla (évidemment), mais aussi de Rivian, Lucid, Fisker, Aptera, Lightyear, Sono Motors, et des centaines de jeunes pousses qui misaient sur les incitations réglementaires pour scaler.

Ce changement de cap envoie trois signaux brutaux :

  1. Le régulateur américain ne sera plus un allié de la transition électrique pendant quatre ans minimum
  2. Les constructeurs legacy (Ford, GM, Stellantis) vont pouvoir repousser leurs investissements massifs dans l’électrique
  3. La Chine et l’Europe, qui maintiennent des normes très strictes, vont creuser l’écart technologique

« Le reste du monde va continuer d’innover et de créer des voitures plus propres que les gens veulent acheter, pendant que nous serons coincés avec nos vieux tacots à payer plus cher l’essence et à polluer davantage. »

– Gina McCarthy, ancienne administratrice de l’EPA

Les chiffres qui contredisent le discours officiel

Regardons les faits plutôt que les slogans.

En 2024, les constructeurs ont largement dépassé les exigences CAFE : 35,4 mpg réalisés contre 30,1 mpg demandés. Preuve que l’industrie sait faire quand elle le veut.

Par ailleurs, les ventes d’hybrides explosent : +6 % en octobre 2025 par rapport au mois précédent. Les consommateurs votent avec leur portefeuille pour plus d’efficacité, pas moins.

Et les prix ? Depuis le premier rollback Trump en 2020, les constructeurs ont massivement abandonné les petites voitures abordables au profit de SUV et pick-up ultra-rentables. Résultat : le prix moyen a bondi de plus de 30 % en cinq ans.

Les gagnants et les perdants de ce rollback

Gagnants à court terme :

  • Ford (pause indéfinie du F-150 Lightning, retour aux V8)
  • Stellantis (réintroduction du Hemi V8 sur Ram 1500)
  • Les importateurs japonais et coréens de petites voitures (si les règles douanières suivent)

Perdants :

  • Tesla (moins de pression concurrentielle sur les autres → moins d’urgence à passer à l’électrique)
  • Toutes les startups EV américaines (Rivian, Lucid, etc.) qui perdaient déjà de l’argent sur chaque véhicule
  • Les fournisseurs de batteries et de composants électroniques (moins de volumes = prix unitaires plus élevés)
  • Les investisseurs qui avaient misé sur la « grande accélération EV » aux USA

L’angle que personne ne voit : l’IA et les véhicules autonomes

Il y a un effet secondaire que peu de médias tech relèvent : les véhicules autonomes (robotaxis, camions autonomes) sont presque tous électriques. Moins de pression sur l’électrification = moins d’urgence à déployer les infrastructures de recharge = ralentissement du business model de Waymo, Cruise, Zoox, Aurora, etc.

Or ces entreprises brûlent des centaines de millions par mois. Un report de deux ou trois ans de la massification peut être fatal.

Et l’Europe et la Chine dans tout ça ?

Pendant que les États-Unis font marche arrière, l’Europe maintient son objectif de 100 % zéro émission en 2035 et la Chine continue d’imposer des quotas EV parmi les plus stricts au monde.

Conséquence directe : les plateformes véhicules développées pour le marché mondial seront de toute façon électriques ou ultra-efficaces. Les constructeurs américains risquent de se retrouver avec des gammes « spécial USA » moins compétitives à l’export.

Que doivent faire les entrepreneurs et investisseurs maintenant ?

Voici cinq stratégies concrètes :

  • Pivoter vers les marchés qui maintiennent la pression réglementaire (Europe, Chine, Californie qui garde ses propres règles)
  • Miser sur les hybrides rechargeables : ils combinent l’autonomie thermique (utile aux USA) et les avantages fiscaux ailleurs
  • Développer des technologies « dual-fuel ready » : plateformes capables de passer rapidement d’essence/hybride à 100 % électrique selon les marchés
  • Se concentrer sur le software et les services (FSD, abonnement connectivité) plutôt que sur le hardware lourd
  • Préparer le retour de balancier : en 2029 une nouvelle administration pourra rétablir des normes très strictes → garder les développements EV sous le coude

Conclusion : un pari risqué sur le court terme

Ce rollback est un cadeau empoisonné pour l’industrie automobile américaine. À court terme, certains constructeurs vont améliorer leurs marges en vendant plus de pick-up gourmands. À moyen terme, ils risquent de se retrouver distancés technologiquement par la Chine et l’Europe, exactement comme dans les panneaux solaires ou les batteries il y a dix ans.

Pour les entrepreneurs tech et les investisseurs, le message est clair : les États-Unis redeviennent un marché « spécial », imprévisible réglementairement. Ceux qui sauront jouer sur plusieurs tableaux (hybrides, software-first, focus export) s’en sortiront. Les autres risquent de rejoindre la longue liste des startups EV qui ont brûlé leurs capitaux sur un pari réglementaire perdu.

La mobilité de demain ne se construira pas à Washington, mais à Shenzhen, Bruxelles… et peut-être encore en Californie. À vous de choisir votre terrain de jeu.

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