Imaginez-vous un matin pluvieux à Philadelphie, coincé dans les embouteillages de Broad Street, et soudain une voiture sans chauffeur s’arrête parfaitement devant vous, ouvre sa portière et vous invite à monter. Ce qui ressemblait encore à de la science-fiction il y a cinq ans devient réalité : Waymo, la filiale d’Alphabet dédiée aux véhicules autonomes, vient d’annoncer le début des tests de ses robotaxis dans la ville de l’amour fraternel. Pour les entrepreneurs, investisseurs et passionnés de tech qui nous lisent, cette nouvelle n’est pas anecdotique. Elle signe l’entrée dans une phase décisive de la guerre des robotaxis.
Quatre nouvelles villes dans le viseur de Waymo
Le 3 décembre 2025, Waymo a frappé fort. Alors que beaucoup pensaient l’entreprise concentrée sur la consolidation de ses marchés phares (Phoenix, San Francisco, Los Angeles), elle annonce simultanément :
- Le lancement immédiat de tests avec opérateur de sécurité à Philadelphie
- Le début de la cartographie manuelle à Baltimore, Saint-Louis et Pittsburgh
En ajoutant ces quatre métropoles, Waymo dépasse désormais la barre symbolique des 20 villes où elle est soit déjà en service commercial, soit en phase de préparation active. Un rythme d’expansion qui laisse loin derrière Cruise (toujours en reconstruction post-accident) et qui met une pression énorme sur Tesla et son très attendu Robotaxi Cybercab.
Pourquoi Philadelphie change la donne
Philadelphie n’a pas été choisie au hasard. La ville présente un cocktail particulièrement corsé pour tout système de conduite autonome :
- Rues étroites et pavées du vieux quartier
- Trafic dense et imprévisible
- Hivers rigoureux avec neige et verglas
- Nombreux piétons, cyclistes et… les fameux « Philly drivers » réputés pour leur style… assertif
Si Waymo parvient à opérer de façon fluide et sûre dans cet environnement, elle aura démontré une robustesse qui balaiera beaucoup de doutes restantes chez les régulateurs et les investisseurs.
« Philadelphie est l’un des environnements urbains les plus complexes des États-Unis. Maîtriser cette ville, c’est envoyer un message clair : nous sommes prêts pour quasiment n’importe quelle grande métropole américaine. »
– Observation d’un analyste du secteur ayant requis l’anonymat
Le modèle économique qui accélère tout
Ce qui impressionne le plus dans cette expansion fulgurante, c’est la stratégie mise en place par les équipes de Tekedra Mawakana et Dmitri Dolgov (les co-CEOs de Waymo). Plutôt que de tout faire seule, l’entreprise a compris qu’elle pouvait démultiplier sa présence grâce à des partenariats malins.
Exemple concret : à Atlanta et Austin, Waymo ne déploie pas sa propre application. Les courses sont réservées via l’application Uber. Le client pense prendre un Uber X, mais c’est une Jaguar I-Pace Waymo qui arrive. Résultat ? Accès instantané à des millions d’utilisateurs et partage des coûts d’acquisition client.
On peut raisonnablement imaginer que le même schéma sera reproduit à Philadelphie, Baltimore ou Pittsburgh. Et pourquoi pas un partenariat avec Lyft sur la côte Est ? Les rumeurs vont bon train.
Les chiffres qui font tourner les têtes
Waymo ne communique plus seulement en « miles parcourus » comme à ses débuts. L’entreprise passe à l’offensive sur les métriques business :
- Objectif 2026 : 1 million de trajets par semaine
- Déjà autoroutes ouvertes à Los Angeles, Phoenix et dans la Bay Area
- Claim de sécurité : 5 fois plus sûr qu’un conducteur humain selon leurs dernières données
Pour un investisseur ou un fondateur de startup mobilité, ces chiffres signifient une chose : la monétisation à grande échelle est enfin à portée de main.
Les zones d’ombre qui persistent
Mais tout n’est pas rose dans le monde des robotaxis. Deux incidents récents rappellent que la route vers le niveau 5 reste semée d’embûches :
- En septembre 2025, une Waymo a été filmée contournant un bus scolaire arrêté à Atlanta
- La chaîne KXAN a révélé que plusieurs véhicules ont répété l’erreur même après une mise à jour logicielle censée corriger le problème
La NHTSA (l’autorité américaine de sécurité routière) a ouvert une enquête. Ces incidents, bien que rares statistiquement, font les gros titres et alimentent les craintes du public.
Ce que cela signifie pour les startups et investisseurs tech
Pour vous qui lisez ce blog – fondateurs, VC, growth hackers, CTO – voici les enseignements concrets à retenir :
- Le time-to-market dans la mobilité autonome se compte désormais en trimestres, pas en années
- Les partenariats B2B2C (avec Uber, potentiellement Lyft, ou même des constructeurs auto) deviennent la norme pour scaler rapidement
- La sécurité perçue reste le principal frein à l’adoption grand public – une seule vidéo virale peut faire reculer l’acceptation de plusieurs mois
- Les villes de seconde zone (Baltimore, Saint-Louis) deviennent des terrains d’expérimentation moins médiatisés mais stratégiques
Et la France dans tout ça ?
Question légitime. Pendant que Waymo roule à 120 km/h sur les freeways de Los Angeles sans personne au volant, l’Europe avance à pas de tortue. La réglementation, les tests limités à quelques zones (comme à Rambouillet pour Valeo/Verkor), et une acceptabilité publique encore frileuse freinent le déploiement.
Pourtant, les startups françaises et européennes ont des cartes à jouer : expertise en capteurs (LiDAR français avec Lumibird ou Valeo), excellence logicielle, et des villes à taille humaine qui pourraient servir de vitrine avant un saut vers les mégapoles.
Conclusion : la décennie des robotaxis a commencé
Waymo ne se contente plus de démontrer que la technologie fonctionne. L’entreprise est en train de construire un réseau national de mobilité autonome, ville par ville, partenariat par partenariat. Philadelphie n’est qu’une étape. Demain, ce sera Baltimore. Après-demain, peut-être une ville européenne.
Pour les entrepreneurs et investisseurs qui nous lisent : le train est en marche. Soit vous montez dedans, soit vous regardez les autres villes se transformer sous vos yeux. La mobilité de demain ne sera plus une option, mais la nouvelle norme.
Et vous, seriez-vous prêt à monter dans un robotaxi à Philadelphie dès aujourd’hui ?







