Imaginez une source d’énergie capable d’alimenter un data center entier, un porte-conteneurs en haute mer ou même une base lunaire, le tout dans un container de la taille d’un camion. Ce n’est plus de la science-fiction : c’est exactement ce que promet la startup Antares avec son microréacteur R1. Et quand on vous dit qu’elle vient de lever 96 millions de dollars en Series B, on comprend mieux pourquoi les investisseurs se bousculent soudainement autour du nucléaire de nouvelle génération.
Une levée de fonds qui en dit long sur le momentum du secteur
96 millions de dollars, dont 71 M$ en equity et 25 M$ en dette, menés par Shine Capital et rejoints par Alt Capital, Caffeinated Capital ou encore Industrious Ventures. Ce n’est pas une petite opération pour une startup qui, il y a encore quelques mois, évoluait dans l’ombre des géants historiques du nucléaire.
Mais 2025 marque clairement un tournant. Le nucléaire compact, longtemps considéré comme trop risqué ou trop réglementé, devient le nouveau Graal des investisseurs tech. Pourquoi maintenant ? Parce que les hyperscalers (Amazon, Microsoft, Google, Meta) ont un problème colossal : leurs data centers IA engloutissent désormais plus d’électricité que certains pays européens. Et les énergies renouvelables seules ne suivent plus.
Le R1 d’Antares : petit par la taille, géant par les ambitions
Le microréacteur R1 est conçu pour produire entre 100 kW et 1 MW d’électricité continue, 24h/24, 7j/7, sans émissions de CO₂. Sa particularité ? Il utilise du combustible TRISO (TRi-structural ISOtropic), ces petites billes ultra-résistantes composées d’uranium enrichi encapsulé dans du carbone et de la céramique, puis intégrées dans du graphite. Ce design est considéré comme l’un des plus sûrs jamais conçus : même en cas d’accident majeur, les particules TRISO retiennent la radioactivité.
Antares ne se contente pas du terrestre. La startup vise trois marchés distincts :
- Les data centers isolés ou en colocation directe avec les réacteurs
- Les applications maritimes (navires militaires ou commerciaux zéro carbone)
- Les missions spatiales longue durée (bases lunaires, Mars, satellites géants)
Cette polyvalence explique en grande partie l’engouement des investisseurs.
Un contexte ultra-favorable : quand Big Tech et États-Unis misent tout sur le nucléaire
Depuis six mois, les annonces s’enchaînent à un rythme jamais vu :
- Amazon injecte des centaines de millions dans X-Energy (700 M$ en Series D la semaine dernière)
- Microsoft relance la centrale de Three Mile Island avec 1 milliard de dollars de prêt DOE
- Google signe avec NextEra pour redémarrer une centrale en Iowa
- Meta achète les attributs carbone d’une centrale Constellation Energy
- Nvidia participe à la méga-levée de 650 M$ de TerraPower (Bill Gates)
« Nous assistons à la plus grande renaissance technologique du nucléaire depuis les années 70 »
– Observateur anonyme du secteur, décembre 2025
Et l’administration Trump, qui entre en fonction en janvier 2026, a déjà annoncé vouloir faire du small modular reactor (SMR) et du microréacteur une priorité nationale. Objectif : redevenir leader mondial de l’énergie propre tout en sécurisant l’indépendance énergétique.
Antares dans la course contre la montre du Department of Energy
Août 2025 : Antares est sélectionnée parmi les 11 finalistes du programme pilote du DOE qui exige qu’au moins trois réacteurs démarrent avant le 4 juillet 2026. Un calendrier totalement fou pour l’industrie nucléaire traditionnelle, habituée à des délais de 10-15 ans.
La startup annonce vouloir démontrer son réacteur dès 2026 et atteindre la pleine puissance en 2027. Si elle y parvient, elle deviendra l’une des toutes premières entreprises privées à faire fonctionner un réacteur de nouvelle génération sur le sol américain.
Pourquoi les investisseurs misent des centaines de millions sur ces startups
Le calcul est simple : les data centers IA vont consommer 8 % de l’électricité mondiale d’ici 2030 selon l’AIE. Or les réseaux électriques actuels sont déjà saturés dans de nombreuses régions (Virginie du Nord, Irlande, Singapour…). Construire de nouvelles lignes haute tension prend 10 ans. Installer un microréacteur derrière un data center ? Quelques mois.
Ajoutez à cela :
- Une pression réglementaire croissante pour décarboner à 100 %
- Des coûts de construction divisés par 10 par rapport aux grands réacteurs
- Une sécurité passive (pas besoin d’opérateurs humains en continu)
- Une modularité permettant de multiplier les unités comme des Lego
Le modèle économique devient soudainement très attractif, surtout quand vos clients s’appellent Amazon Web Services ou Microsoft Azure.
La concurrence s’organise, mais Antares a plusieurs cartes en main
Le terrain est encombré : Oklo (Sam Altman), Nano Nuclear, Deep Fission, Aalo Atomics, X-Energy, Last Energy… Tous lèvent des centaines de millions. Pourtant Antares se distingue par sa cible « tri-market » (terre, mer, espace) et par l’utilisation déjà mature du TRISO, combustible que la NASA teste depuis des années pour ses missions spatiales.
Autre avantage : la startup a déjà passé avec succès les premières revues de conception du Department of Energy, ce qui n’est pas le cas de tous ses concurrents.
Ce que cela signifie pour les entrepreneurs et investisseurs tech
Le retour en force du nucléaire compact valide une tendance lourde : les infrastructures énergétiques redeviennent un terrain de jeu pour les startups deep tech. Après les logiciels, le cloud, l’IA, c’est désormais l’atome qui attire les meilleurs ingénieurs et les capitaux les plus audacieux.
Pour les founders, la leçon est claire : les problèmes perçus comme « trop durs » ou « trop réglementés » (énergie, défense, santé, espace) sont précisément ceux où la valeur créée est la plus massive quand on arrive à les résoudre.
Pour les investisseurs, c’est le moment ou jamais de se positionner sur une classe d’actifs qui combine rendement potentiel énorme et impact climatique réel.
Conclusion : vers une nouvelle ère énergétique pilotée par les startups
Avec cette levée de 96 millions, Antares ne fait pas que développer un réacteur : elle participe à redessiner toute la chaîne de valeur de l’énergie du XXIe siècle. Dans cinq ans, il sera peut-être aussi banal d’installer un microréacteur à côté d’un data center que d’ouvrir un nouveau compte AWS aujourd’hui.
Et quelque part, entre la Silicon Valley et les laboratoires nationaux américains, une poignée d’ingénieurs est en train de rendre possible ce que tout le monde considérait comme impossible il y a encore deux ans.
L’atome est de retour. Et cette fois, c’est une startup qui tient le volant.







