Amazon Lance les AI Factories On-Premises

Imaginez une seconde : votre entreprise possède des données ultra-sensibles – données de santé, secrets industriels, informations défense – et vous voulez profiter de la révolution de l’intelligence artificielle sans jamais les faire sortir de vos murs. Jusqu’à présent, c’était presque mission impossible. Eh bien, Amazon vient de faire basculer la donne.

Le 2 décembre 2025, lors de la conférence re:Invent, AWS a dévoilé les AI Factories, des usines d’intelligence artificielle clés en main que l’on installe directement dans vos data centers. Le concept est simple sur le papier, révolutionnaire en pratique : vous fournissez l’électricité et le bâtiment, Amazon apporte toute la stack hardware et software, l’installe, la gère et la connecte si besoin au cloud public. Résultat ? Vous avez la puissance d’un cloud IA… sans jamais envoyer la moindre donnée à l’extérieur.

Pourquoi les entreprises en rêvaient depuis des années

La souveraineté des données n’est plus une lubie de juriste. C’est devenu un impératif stratégique. Banques centrales, laboratoires pharmaceutiques, armées, gouvernements… tous se retrouvent coincés entre deux feux : d’un côté l’envie (le besoin) d’utiliser les grands modèles d’IA, de l’autre l’impossibilité réglementaire ou politique de confier leurs données aux géants américains ou chinois.

Jusqu’ici, les solutions existaient mais restaient partielles :

  • Modèles open-source hébergés en interne → manque cruel de performance
  • Cloud souverain → souvent moins puissant et plus cher
  • Contrats ultra-verrouillés avec les clouds publics → toujours une part de confiance aveugle

Avec les AI Factories, Amazon propose enfin une troisième voie : la même puissance que dans ses régions publiques, mais 100 % on-premises.

Nvidia inside : le retour du roi du GPU… partout

Le nom « AI Factory » n’a pas été choisi au hasard. C’est exactement le terme qu’utilise Nvidia pour désigner ses racks ultra-denses bourrés de GPU, de switchs InfiniBand et de tout l’écosystème nécessaire à l’inférence et au training massif.

Et devinez quoi ? Cette AI Factory AWS est bel et bien une collaboration officielle avec Nvidia. Vous avez le choix :

  • Les tout nouveaux GPU Blackwell (les B200 et GB200) – ceux qui font saliver toute l’industrie
  • Ou les puces maison d’Amazon, les Trainium3, qui promettent déjà plusieurs milliards de dollars de chiffre d’affaires selon Andy Jassy

Dans les deux cas, tout le reste est made in AWS : networking Nitro, stockage EBS, bases de données, sécurité, et surtout l’accès direct à Bedrock et SageMaker pour gérer les modèles comme on le fait dans le cloud.

« Les clients fournissent l’énergie et le bâtiment, nous installons l’usine d’IA complète et nous la gérons pour eux »

– AWS, communiqué officiel re:Invent 2025

Microsoft dans le rétroviseur… ou pas

Il faut être honnête : Amazon n’est pas le premier à parler d’AI Factories. Microsoft a dégainé en octobre 2025 en montrant ses propres méga-data centers bardés de technologie Nvidia pour faire tourner les modèles d’OpenAI.

Mais il y a une différence de taille : Microsoft mettait l’accent sur ses propres infrastructures publiques et sur « Azure Local » (une offre déjà ancienne). Rien n’avait été annoncé officiellement sur la possibilité de poser une AI Factory complète chez le client final.

Amazon, lui, va droit au but : on-premises, gestion déléguée, souveraineté totale. Et ça change tout pour les appels d’offres publics et les grands comptes ultra-sensibles.

Le grand retour du cloud privé (mais en mieux)

On pensait le cloud privé mort et enterré depuis 2015. Raté. L’IA le ressuscite sous une forme bien plus sexy.

Ce n’est plus le private cloud « parce qu’on a peur du cloud public ». C’est le private cloud parce qu’on veut le meilleur des deux mondes :

  • Puissance et scalabilité du cloud public
  • Contrôle absolu du cloud privé
  • Possibilité de faire du burst vers le cloud public quand on a besoin d’encore plus de puissance
  • Tarification prévisible (pas de surprise à l’usage)

On revient vingt ans en arrière… mais avec des GPU qui consomment autant qu’une petite ville et des modèles qui pèsent des téraoctets. Le paradoxe est savoureux.

Ce que ça change concrètement pour les startups et les scale-ups

Vous pensez que les AI Factories sont réservées aux États et aux banques ? Détrompez-vous.

Une scale-up européenne dans la santé, la défense ou la finance qui lève 200-300 M€ peut désormais sérieusement envisager d’acheter ou de louer sa propre usine d’IA plutôt que de tout confier à OpenAI ou Anthropic via un cloud américain. C’est un changement de paradigme pour le financement aussi : on passe d’Opex pur à Capex + Opex hybride.

Et pour les investisseurs ? Une nouvelle ligne dans les due-diligence : « Avez-vous déjà budgété votre future AI Factory ? »

Les questions que tout le monde se pose (et les réponses qu’on a)

Combien ça coûte ?
AWS reste très discret mais on parle de plusieurs centaines de millions de dollars pour une usine complète. C’est le prix de l’indépendance.

Quelle taille minimum ?
Probablement plusieurs racks complets (des dizaines de milliers de GPU). Pas pour une PME, clairement pour des entités de taille nationale ou des très gros corporates.

Et la consommation électrique ?
Énorme. On parle de dizaines de mégawatts. Seuls ceux qui ont déjà des data centers (ou qui peuvent en construire) sont concernés.

Google et Microsoft vont répliquer ?
Ils n’ont pas le choix. Google a déjà ses TPU on-prem via la gamme Cloud Enterprise, et Microsoft va forcément accélérer sur Azure Stack HCI + Nvidia. La guerre des usines d’IA privées ne fait que commencer.

Conclusion : bienvenue dans l’ère de l’IA souveraine

En lançant ces AI Factories, Amazon ne fait pas que vendre du hardware. Il redéfinit les règles du jeu pour toute une catégorie d’entreprises et d’États qui étaient jusqu’ici exclus de la révolution IA ou qui prenaient des risques inconsidérés.

On assiste peut-être à la naissance d’un nouveau marché à plusieurs dizaines de milliards de dollars : celui des usines d’intelligence artificielle souveraines.

Et vous, dans quel camp serez-vous ? Celui qui continue à tout envoyer dans le cloud public… ou celui qui construira sa propre usine à penser ?

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