Imaginez une entreprise qui, il y a encore quelques années, faisait rêver des milliers de citadins avec ses vélos électriques abordables et stylés, et qui se retrouve aujourd’hui contrainte de déposer le bilan. C’est exactement ce qui arrive à Rad Power Bikes, l’un des leaders américains du marché des e-bikes. Cette nouvelle, tombée le 17 décembre 2025, n’est pas seulement une mauvaise nouvelle pour les amateurs de mobilité douce : elle envoie un signal fort à toutes les startups technologiques qui évoluent dans des secteurs en hyper-croissance.
Dans un contexte où la hype post-pandémie s’est essoufflée et où les conditions économiques se durcissent, de nombreuses entreprises de la micromobilité se retrouvent au bord du gouffre. Rad Power Bikes n’est pas un cas isolé, mais son histoire est particulièrement instructive pour les entrepreneurs, les investisseurs et les marketeurs qui travaillent dans l’univers tech et startup.
Une ascension fulgurante suivie d’un brutal retournement
Rad Power Bikes a longtemps incarné le succès du direct-to-consumer dans le secteur des vélos électriques. Fondée en 2007, l’entreprise a connu une croissance explosive pendant la pandémie, portée par la demande massive pour des alternatives de transport individuelles et écologiques. Les citadins, confinés ou lassés des transports en commun, se sont rués sur ces vélos électriques accessibles, souvent vendus autour de 1 500 à 2 000 dollars.
Mais après l’euphorie, la réalité a rattrapé le marché. La concurrence s’est intensifiée, les coûts de production ont augmenté, et la demande s’est tassée. Rad Power Bikes, comme beaucoup d’autres acteurs, a dû faire face à une équation économique devenue intenable.
« Cette étape nous permet de continuer à opérer normalement tout en recherchant la meilleure issue possible pour toutes les personnes qui dépendent de Rad au quotidien. »
– Porte-parole de Rad Power Bikes
Le dépôt de bilan sous Chapter 11 (protection contre les créanciers tout en continuant l’activité) est une stratégie courante aux États-Unis pour tenter de restructurer une entreprise en difficulté. Rad Power espère ainsi vendre ses actifs dans les 45 à 60 prochains jours, idéalement en bloc, pour préserver l’emploi et la marque.
Les facteurs qui ont précipité la chute
Plusieurs éléments se sont combinés pour mettre Rad Power Bikes en danger :
- Une demande post-pandémie en net recul
- Une concurrence accrue de la part de marques chinoises low-cost
- Des coûts logistiques et de production en forte hausse
- Des dettes importantes, dont plus de 8 millions de dollars de tarifs douaniers impayés aux États-Unis
- Une transition stratégique mal chronométrée vers un modèle retail
Le point le plus sensible reste sans doute les tarifs douaniers imposés sur les importations chinoises. Une grande partie des composants des vélos électriques provient de Chine, et les surtaxes instaurées sous l’administration Trump ont pesé lourdement sur la marge des acteurs du secteur. Ironiquement, ces mêmes mesures avaient déjà contribué à la faillite de Boosted Boards, autre acteur emblématique de la micromobilité.
Le marché des e-bikes : un boom suivi d’un crash prévisible ?
Le marché des vélos électriques a connu une croissance annuelle à deux chiffres pendant plusieurs années. Selon certaines estimations, les ventes mondiales ont dépassé les 40 millions d’unités en 2024. Mais cette croissance s’est faite sur des bases fragiles :
- Subventions et aides publiques dans certains pays
- Demande artificielle liée aux confinements
- Entrée massive de nouveaux acteurs peu expérimentés
Aujourd’hui, le marché se consolide. Les acteurs les plus solides (comme Specialized, Trek ou Giant) renforcent leur position, tandis que les pure-players comme Rad Power, VanMoof ou Juice Bikes se retrouvent en difficulté.
Les parallèles avec d’autres faillites emblématiques
Rad Power n’est pas un cas isolé. D’autres entreprises de micromobilité ont connu des destins similaires :
- VanMoof (Pays-Bas) : sauvée par un rachat après son dépôt de bilan
- Cake (Suède) : restructuration réussie sous nouveau propriétaire
- Boosted Boards : liquidation définitive en 2020
- Luminar (lidar) : dépôt récent pour restructuration
Ces exemples montrent que le Chapter 11 peut être une opportunité de renaissance, à condition d’avoir un actif suffisamment attractif (marque forte, clientèle fidèle, technologie propriétaire).
Les leçons stratégiques pour les startups tech
Pour les entrepreneurs et les dirigeants de startups dans les secteurs tech, mobilité, hardware ou e-commerce, l’histoire de Rad Power Bikes est riche d’enseignements :
1. Diversifier les canaux de distribution
Rad Power a longtemps misé sur le direct-to-consumer. Cette stratégie a ses limites quand les coûts d’acquisition explosent et que la concurrence se déplace vers les réseaux physiques.
2. Anticiper les risques géopolitiques
Les tarifs douaniers et les tensions commerciales sino-américaines ne sont pas des risques marginaux. Toute entreprise qui dépend fortement d’un seul pays pour sa chaîne d’approvisionnement doit avoir un plan B.
3. Ne pas sous-estimer la gestion de trésorerie
Avec 73 millions de dollars de dettes contre 32 millions d’actifs, Rad Power a manqué de cash. Un burn rate élevé et un modèle économique non rentable sont des signaux d’alerte qu’il faut traiter très tôt.
4. La marque ne suffit pas toujours
Malgré une communauté fidèle et une marque forte, Rad Power n’a pas réussi à transformer cette popularité en rentabilité durable. La fidélité client est un atout, mais elle doit s’accompagner d’une vraie marge.
Perspectives pour Rad Power Bikes
Le dépôt de bilan n’est pas nécessairement la fin. Plusieurs scénarios sont possibles :
- Rachat par un grand acteur du cyclisme (Trek, Specialized, Giant)
- Reprise par un fonds d’investissement spécialisé dans le turnaround
- Vente des actifs par lots (marque, brevets, stock)
- Liquidation totale (scénario le moins probable)
La marque Rad Power reste très connue aux États-Unis et dispose d’une base de clients loyaux. Cela en fait une cible intéressante pour un repreneur qui souhaite entrer rapidement sur le marché des e-bikes.
Impact sur l’écosystème startup et investissement
Cette faillite intervient dans un contexte où les investisseurs sont de plus en plus prudents. Les valorisations ont chuté, les tours de financement se font rares, et les startups hardware sont particulièrement scrutées.
Pour les fondateurs qui cherchent à lever des fonds dans la mobilité ou le hardware, il faudra désormais démontrer :
- Une marge brute solide
- Une diversification des fournisseurs
- Une stratégie omnicanale
- Une vraie récurrence de revenus
Conclusion : La mobilité électrique n’est pas morte, elle mûrit
La faillite de Rad Power Bikes ne signe pas la fin du marché des vélos électriques. Au contraire, elle marque probablement le début d’une phase de consolidation. Les acteurs qui survivront seront ceux qui auront su allier innovation produit, gestion rigoureuse et adaptation rapide aux nouvelles réalités économiques et géopolitiques.
Pour les entrepreneurs, investisseurs et marketeurs qui évoluent dans la tech et les startups, cette histoire est un rappel puissant : même dans les secteurs les plus prometteurs, la survie ne tient parfois qu’à un fil. Et ce fil s’appelle résilience stratégique.
Et vous, pensez-vous que Rad Power Bikes va rebondir sous une nouvelle direction ? Ou est-ce le début d’une vague de consolidations dans la micromobilité ?







