Unacademy : Chute de 85% de Valorisation

Imaginez une startup qui atteint les sommets à plus de 3,5 milliards de dollars de valorisation, portée par la vague du distanciel pendant la pandémie, pour ensuite voir sa valeur chuter de plus de 85 % en quelques années. C’est l’histoire d’Unacademy, l’un des fleurons de l’edtech indien, qui illustre parfaitement la volatilité du monde des startups tech. En cette fin 2025, son fondateur Gaurav Munjal a publiquement admis que l’entreprise vaut désormais moins de 500 millions de dollars et qu’elle explore activement des options de fusion ou d’acquisition. Une confession rare qui résonne comme un avertissement pour tous les entrepreneurs et investisseurs dans le secteur du numérique.

Cette trajectoire descendante n’est pas isolée : elle reflète les soubresauts d’un marché entier, l’edtech indien, qui a connu un boom exceptionnel avant de retomber brutalement une fois les écoles rouvertes. Pour les professionnels du marketing digital, des startups et de la tech, cette affaire offre des enseignements précieux sur la gestion de la croissance explosive, l’adaptation aux changements de marché et la résilience face aux crises.

Le boom pandémique : une croissance fulgurante mais fragile

Retour en 2020-2021. La Covid-19 force des millions d’élèves indiens à rester chez eux. Les plateformes d’apprentissage en ligne deviennent soudain indispensables. Unacademy, fondée en 2015 initialement comme une chaîne YouTube de préparation aux examens, saisit l’opportunité à bras-le-corps. L’entreprise lève des fonds massifs : près de 854 millions de dollars au total, auprès de géants comme SoftBank, Tiger Global ou General Atlantic.

La valorisation explose jusqu’à 3,5 milliards de dollars. Embauches massives, investissements publicitaires colossaux, partenariats avec des célébrités… Tout semble réussir. Mais cette croissance repose sur un contexte exceptionnel : les confinements. Dès que les classes physiques reprennent, la demande pour les cours en ligne pure s’effrite rapidement.

Ce phénomène n’est pas unique à l’Inde. Partout dans le monde, les acteurs edtech ont surfé sur la même vague avant de déchanter. Cependant, en Inde, où le marché de l’éducation est immense et hyper concurrentiel, les conséquences ont été particulièrement brutales.

La confession publique de Gaurav Munjal : transparence ou signal d’alarme ?

À l’occasion des 10 ans d’Unacademy, Gaurav Munjal a publié une note détaillée sur X (anciennement Twitter). Un message poignant où il reconnaît ouvertement la chute drastique de la valorisation et confirme les discussions en cours pour une fusion ou une acquisition.

« Personnellement, pour nous fondateurs, ce furent les trois années les plus difficiles de notre vie car jusqu’en 2021, nous n’avions jamais connu un seul mois de décroissance. Mais ces dernières années, nous avons vu perdre des parts de marché dans le jeu que nous avions littéralement inventé, et ça fait mal. »

– Gaurav Munjal, CEO et cofondateur d’Unacademy

Cette transparence est rare dans l’écosystème startup, où l’on préfère souvent masquer les difficultés. Munjal pointe du doigt plusieurs facteurs : une complaisance interne, un manque d’innovation sur les prix face à des concurrents plus agressifs, et un retour massif des étudiants vers l’offline.

Pour les entrepreneurs, cette prise de parole publique peut être vue comme une démarche courageuse qui humanise le leadership, ou comme un signal envoyé aux potentiels acquéreurs. Dans tous les cas, elle met en lumière la pression psychologique immense sur les fondateurs lors des downturns.

Le secteur edtech indien en pleine tempête

Unacademy n’est pas seule dans la tourmente. Byju’s, qui fut la startup la plus valorisée d’Inde (22 milliards à son pic), voit aujourd’hui sa valeur estimée proche de zéro. Procédures d’insolvabilité, dettes colossales, scandales judiciaires impliquant son fondateur… L’effondrement est spectaculaire.

À l’opposé, Physics Wallah, longtemps considéré comme l’outsider, s’est imposé en devenant rentable et en réalisant une introduction en bourse réussie récemment. Preuve que des modèles plus sobres, centrés sur la qualité pédagogique et des prix accessibles, peuvent résister mieux à la normalisation post-pandémie.

Le marché indien de l’éducation en ligne se consolide donc violemment. Les acteurs ayant brûlé trop de cash en marketing agressif peinent à pivoter, tandis que ceux restés frugaux gagnent du terrain.

Les mesures drastiques prises par Unacademy

Face à la crise, Unacademy a opéré un virage à 180 degrés ces deux dernières années. Réduction massive des coûts, licenciements, recentrage sur le business model subscription… Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

  • Réduction du burn rate annuel de 14 milliards de roupies (environ 155 millions d’euros) en 2022 à moins de 1,75 milliard (environ 19,5 millions) aujourd’hui.
  • Coupes significatives dans le marketing et les effectifs.
  • Retour aux fondamentaux : focus sur les abonnements premium et la qualité des contenus.

Ces ajustements montrent qu’il est possible de redresser partiellement la barre, même après des années d’expansion débridée. Mais le mal est fait : la valorisation reste plombée.

Vers une consolidation : les rumeurs d’acquisition

Des discussions seraient en cours avec plusieurs acteurs, notamment UpGrad, pour une acquisition potentielle entre 300 et 400 millions de dollars. Bien loin des sommets passés, mais peut-être la meilleure option pour assurer la pérennité de la plateforme.

Dans le monde des startups, les M&A sont souvent la sortie de secours quand la croissance organique patine. Pour les investisseurs, c’est l’occasion de limiter les pertes. Pour les employés et utilisateurs, une incertitude supplémentaire.

Cette consolidation attendue du secteur edtech pourrait déboucher sur quelques champions régionaux plus solides, capables d’investir dans l’innovation long terme plutôt que dans la guerre des prix.

Le pivot vers l’IA : AirLearn, le nouveau pari de Munjal

Parallèlement, Gaurav Munjal consacre beaucoup d’énergie à AirLearn, une application d’apprentissage des langues basée sur l’IA, inspirée du modèle gamifié de Duolingo. Ce projet personnel crée des tensions avec certains investisseurs, qui estiment que le core business d’Unacademy est négligé.

Cette diversification montre toutefois une volonté d’innover et de capitaliser sur les tendances actuelles : l’IA dans l’éducation. Les plateformes capables d’offrir des expériences personnalisées, interactives et engageantes pourraient bien être les gagnantes de demain.

Pour les marketeurs digitaux, c’est un rappel : l’innovation produit reste clé, même (et surtout) en période de crise.

Quelles leçons pour les entrepreneurs tech et les investisseurs ?

L’histoire d’Unacademy regorge d’enseignements concrets pour quiconque évolue dans l’univers des startups :

  • Ne pas confondre croissance conjoncturelle et structurelle : la pandémie a dopé artificiellement la demande edtech.
  • Éviter la complaisance : même leader, il faut continuer à innover sur le pricing, le produit et l’expérience utilisateur.
  • Gérer le cash avec prudence : les burns rates extravagants pendant les bonnes années se paient cher ensuite.
  • Anticiper les pivots : hybridation offline/online, intégration IA, diversification intelligente.
  • Communiquer avec transparence : la franchise de Munjal peut aider à restaurer la confiance.
  • Penser long terme : la rentabilité et la solidité financière priment sur les valorisations folles.

Pour les VC et anges investisseurs, c’est aussi un rappel que les méga-rounds dans les secteurs cycliques comportent des risques énormes. Mieux vaut privilégier les modèles durables dès le départ.

Et demain pour l’edtech en Inde et ailleurs ?

Le marché indien de l’éducation reste gigantesque : des centaines de millions de jeunes en quête de formation de qualité. L’online garde un rôle complémentaire majeur, surtout dans les zones rurales ou pour la préparation aux concours.

Les survivants seront probablement ceux qui combineront :

  • Modèles hybrides (online + centres physiques).
  • Utilisation massive de l’IA pour personnaliser l’apprentissage.
  • Prix accessibles et focus sur la rétention plutôt que l’acquisition massive.
  • Partenariats avec institutions traditionnelles.

La consolidation en cours pourrait déboucher sur 3-4 acteurs dominants en Inde d’ici quelques années, plus matures et profitables.

Pour les entrepreneurs français ou européens observant ce marché, il y a aussi des parallèles : les plateformes comme OpenClassrooms, 360Learning ou autre doivent veiller à ne pas reproduire les excès du boom 2020-2021.

Conclusion : la résilience comme maître-mot

L’histoire d’Unacademy, de son ascension fulgurante à sa chute brutale, puis à sa tentative de renaissance, incarne les montagnes russes du monde startup. Dans un écosystème tech où les licornes naissent et meurent vite, la capacité à pivoter, réduire les coûts et innover reste la clé de la survie.

Pour tous les acteurs du digital – fondateurs, marketeurs, investisseurs – cette saga indienne rappelle qu’aucune croissance n’est éternelle sans fondations solides. L’avenir appartient aux entreprises résilientes, capables de s’adapter aux réalités changeantes du marché plutôt que de courir après les valorisations éphémères.

Une chose est sûre : l’edtech continuera d’évoluer, portée par les progrès de l’IA et les besoins éducatifs immenses des pays émergents. Reste à voir si Unacademy, sous sa forme actuelle ou intégrée à un plus grand ensemble, saura rebondir durablement.

(Article basé sur les déclarations publiques de Gaurav Munjal et les informations rapportées par TechCrunch en décembre 2025. Le secteur évolue rapidement, suivez les prochaines annonces.)

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