Imaginez commander vos courses en ligne et découvrir que votre voisin paie 23 % de moins pour exactement les mêmes produits, issus du même magasin. Cette situation n’est plus de la science-fiction : elle touche Instacart, la plateforme star de livraison de courses aux États-Unis. Fin 2025, la Federal Trade Commission (FTC) a envoyé une demande d’investigation civile à l’entreprise concernant son outil de tarification piloté par intelligence artificielle, Eversight. Ce qui semblait être une optimisation ingénieuse risque de devenir un cas d’école sur les limites éthiques et réglementaires du pricing algorithmique.
Dans un contexte où l’inflation alimentaire reste sensible et où les consommateurs scrutent chaque centime, cette affaire résonne particulièrement. Pour les professionnels du marketing digital, des startups et de l’e-commerce, elle soulève des questions cruciales : jusqu’où peut-on pousser la personnalisation des prix sans franchir la ligne rouge de la discrimination ?
Qu’est-ce qui a déclenché l’attention de la FTC ?
Tout est parti d’une étude indépendante qui a mis en lumière des écarts de prix significatifs sur des articles identiques. Certains clients se voyaient proposer des tarifs jusqu’à 23 % plus élevés que d’autres, sans justification apparente liée à la localisation ou au moment de la commande. Reuters a révélé que la FTC avait transmis une civil investigative demand à Instacart, signe avant-coureur d’une enquête approfondie.
La commission américaine, déjà très active sous la présidence de Lina Khan, s’intéresse depuis plusieurs années aux pratiques de surveillance pricing – ces algorithmes qui ajustent les prix en fonction des données comportementales des utilisateurs. Même si Instacart assure que son système ne fonctionne pas ainsi, le simple fait de tester des prix différents via l’IA suffit à attirer les projecteurs réglementaires.
Eversight : de l’A/B testing intelligent au soupçon de discrimination
L’outil incriminé, Eversight, permet aux retailers partenaires d’Instacart de mener des tests de prix randomisés. L’idée est simple : afficher temporairement des tarifs différents à des groupes d’utilisateurs sélectionnés aléatoirement pour observer quelle fourchette maximise les ventes ou la marge. Instacart insiste sur le caractère randomisé de ces tests et affirme ne jamais utiliser de données personnelles ou démographiques pour fixer les prix.
« Beaucoup de ce qui a été rapporté a mal caractérisé le fonctionnement des prix sur Instacart. Ces tests ne sont ni du dynamic pricing ni du surveillance pricing – les prix ne changent pas en temps réel et ne dépendent ni de l’offre ni de la demande. Nous n’utilisons jamais de données personnelles, démographiques ou comportementales individuelles pour fixer les prix. »
– Porte-parole d’Instacart
Cette défense repose sur une distinction importante : l’A/B testing traditionnel, pratiqué depuis des décennies par les enseignes physiques entre différents magasins, versus une personnalisation intrusive. Pourtant, dans l’univers digital, la frontière devient floue pour le grand public.
Le pricing dynamique : une pratique courante, mais controversée
La tarification variable n’est pas née avec l’intelligence artificielle. Les compagnies aériennes ajustent leurs billets depuis les années 1980, les hôtels pratiquent le yield management, et Uber a popularisé le surge pricing. Ces mécanismes visent à équilibrer offre et demande tout en maximisant les revenus.
Cependant, appliquer ces logiques aux produits de première nécessité change la donne. Quand il s’agit d’un trajet tardif un soir de réveillon, les consommateurs acceptent (à contrecœur) de payer plus. Mais pour des œufs, du lait ou des céréales ? L’alimentaire touche à la survie quotidienne et à l’équité sociale.
Des études académiques, notamment de la Harvard Business School, défendent le dynamic pricing comme un levier de compétitivité. Pourtant, lorsque l’algorithme frôle la personnalisation individuelle, il risque d’être perçu comme une forme de discrimination tarifaire.
Les risques réglementaires pour les plateformes e-commerce
La FTC n’en est pas à son premier coup d’essai. Elle a déjà scruté les pratiques de grandes enseignes et de plateformes utilisant des algorithmes de pricing. L’affaire Instacart s’inscrit dans une tendance plus large : les autorités américaines veulent empêcher que l’IA ne creuse les inégalités ou n’exploite les vulnérabilités des consommateurs.
En Europe, le RGPD et le Digital Markets Act imposent déjà des contraintes fortes sur l’utilisation des données personnelles à des fins commerciales. Aux États-Unis, même sans loi fédérale équivalente, la FTC peut agir via ses pouvoirs sur les pratiques déloyales ou trompeuses.
Pour les startups et scale-ups du secteur, cette enquête est un signal fort : innover en matière de pricing IA nécessite une transparence irréprochable et une documentation rigoureuse des processus.
Comment les retailers contrôlent-ils vraiment les prix sur Instacart ?
Instacart répète que les enseignes partenaires gardent la main sur leur stratégie tarifaire. La plateforme se contente de faciliter des tests en accord avec eux, en veillant à aligner autant que possible les prix en ligne et en magasin.
Cette collaboration soulève néanmoins des questions de responsabilité partagée. Si un retailer valide un test qui génère des écarts perçus comme injustes, qui porte le chapeau : la plateforme tech ou le commerçant traditionnel ?
Les bonnes pratiques pour un pricing IA éthique
Face à ces tensions, les entreprises du digital peuvent adopter plusieurs garde-fous :
- Maintenir une randomisation stricte et documentée des tests de prix
- Éviter toute utilisation de données sensibles (revenus estimés, historique d’achat individuel, localisation précise)
- Communiquer clairement auprès des utilisateurs sur l’existence de tests (même si cela peut biaiser les résultats)
- Fixer des plafonds d’écart raisonnables pour ne pas choquer la perception d’équité
- Préparer une audit trail complète en cas de demande réglementaire
Ces mesures ne freinent pas l’innovation mais construisent une relation de confiance durable avec les clients et les autorités.
Quel impact sur la confiance des consommateurs ?
Dans un monde où 70 % des consommateurs se disent préoccupés par l’utilisation de leurs données (selon diverses études récentes), découvrir des prix variables sur des produits essentiels peut briser la fidélité. Les réseaux sociaux amplifient rapidement ce type de controverses, transformant une optimisation technique en crise de réputation.
Pour les marques et plateformes, la transparence devient un avantage compétitif. Expliquer simplement les mécanismes, même complexes, peut désamorcer les craintes.
Perspectives pour l’avenir du pricing algorithmique
L’affaire Instacart n’est probablement que le début d’une vague de régulation plus stricte. Les législateurs, aux États-Unis comme ailleurs, cherchent à encadrer les algorithmes qui influencent directement le pouvoir d’achat des ménages.
Les acteurs les plus agiles sauront transformer cette contrainte en opportunité : développer des modèles de pricing qui allient performance économique et équité perçue. L’intelligence artificielle peut aussi servir à détecter les fraudes ou à proposer des promotions ciblées sur les produits proches de péremption, créant ainsi de la valeur partagée.
En conclusion, cette enquête de la FTC sur Instacart nous rappelle que la technologie, aussi puissante soit-elle, évolue dans un cadre sociétal. Pour les entrepreneurs et marketeurs, l’enjeu n’est plus seulement d’optimiser les marges, mais de concevoir des systèmes qui respectent la dignité et l’intelligence des consommateurs. L’innovation responsable n’est pas un frein : c’est le nouveau standard de compétitivité.
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