Imaginez créer une vidéo époustouflante grâce à l’intelligence artificielle en quelques clics, avec des scènes ultra-réalistes, des mouvements fluides et des visuels à couper le souffle… mais sans le moindre son. Pas de bruit de pas, pas d’explosion, pas même un murmure de vent. Le résultat ? Une expérience vide, presque irréelle. C’est exactement le défi que rencontrent aujourd’hui des millions de créateurs utilisant les outils de génération vidéo par IA. Et c’est précisément là que Mirelo entre en scène, avec une solution qui pourrait bien transformer radicalement la création de contenu.
La startup berlinoise vient de boucler une levée de fonds impressionnante de 41 millions de dollars, menée par deux géants du venture capital : Index Ventures et Andreessen Horowitz (a16z). Une opération qui propulse Mirelo au cœur d’une révolution encore naissante : celle du son généré par IA pour les vidéos.
Le problème silencieux de l’IA vidéo
Depuis l’explosion des modèles comme Sora d’OpenAI, Runway ou Pika, n’importe qui peut générer des vidéos bluffantes à partir d’un simple prompt texte. Mais un détail crucial manque presque toujours : le son. Les outils actuels produisent des séquences muettes, forçant les créateurs à ajouter manuellement musique, dialogues et effets sonores. Un processus long, coûteux et souvent hors de portée pour les amateurs ou les prosumers.
Pourtant, le son représente une part énorme de l’expérience audiovisuelle. Comme le soulignait George Lucas, réalisateur de Star Wars :
« Le son représente 50 % de l’expérience cinématographique. »
– George Lucas
CJ Simon-Gabriel, CEO et cofondateur de Mirelo, va même plus loin : pour lui, cette affirmation est presque un euphémisme. Le même plan visuel peut évoquer des émotions totalement différentes selon l’accompagnement sonore choisi.
Mirelo s’attaque donc à ce « problème silencieux » en développant des modèles d’IA spécialisés dans la génération d’effets sonores synchronisés avec l’action vidéo.
Mirelo SFX : l’IA qui donne vie aux vidéos muettes
Le produit phare de la startup, Mirelo SFX v1.5, analyse une vidéo et génère automatiquement des effets sonores parfaitement calés sur les événements visuels. Un personnage marche ? On entend distinctement le bruit de ses pas. Une porte s’ouvre ? Le grincement caractéristique retentit. Une explosion ? Le boom résonne avec la bonne intensité.
Cette technologie repose sur une compréhension fine de la vidéo : détection des objets, des mouvements, du contexte et même de l’ambiance générale. Résultat : des bandes-son immersives créées en quelques secondes.
Disponible via API sur des plateformes comme Fal.ai et Replicate, Mirelo cible à la fois les développeurs et les créateurs individuels. La startup propose également Mirelo Studio, un espace de travail dédié qui devrait évoluer vers une solution professionnelle complète.
Le modèle économique repose sur un système freemium, avec un abonnement recommandé à environ 23 euros par mois pour les créateurs réguliers. Une approche accessible qui démocratise l’accès à des outils jusqu’ici réservés aux studios hollywoodiens.
Une levée de fonds massive pour accélérer
Le tour de table de 41 millions de dollars, réalisé en seed, témoigne de l’enthousiasme des investisseurs pour cette niche encore peu exploitée. Index Ventures et a16z mènent l’opération, accompagnés d’Atlantic Labs (investisseur historique) et d’anges prestigieux comme Arthur Mensch (CEO de Mistral), Thomas Wolf (Hugging Face) ou encore Burkay Gur (Fal.ai).
Cette injection de capital porte le total levé par Mirelo à 44 millions de dollars en seulement deux ans d’existence. Le CEO refuse de dévoiler la valorisation actuelle, mais confirme qu’elle a « augmenté très significativement » par rapport au tour pre-seed.
Les fonds serviront principalement à :
- Recruter massivement : l’équipe de 10 personnes devrait doubler, voire tripler d’ici fin 2026
- Accélérer la R&D pour maintenir l’avance technologique
- Développer Mirelo Studio et renforcer la stratégie go-to-market
- Étoffer les partenariats et les intégrations API
Une concurrence qui s’intensifie rapidement
Mirelo n’est plus seul sur ce terrain. Pendant sa phase stealth, plusieurs acteurs majeurs ont lancé des modèles similaires :
- Sony et Tencent avec leurs propres solutions vidéo-to-SFX
- Kling AI (propriété de Kuaishou) en Chine
- ElevenLabs, également soutenu par a16z
- Plus récemment, Google avec Veo 3.1 intégré à Gemini
Cette concurrence valide l’importance du sujet, mais complique la vie de la jeune pousse. D’où l’urgence de cette levée pour recruter et innover plus vite.
Le positionnement de Mirelo reste cependant différenciant : une spécialisation étroite sur les effets sonores (SFX), là où d’autres visent une approche plus large incluant voix et musique. Un choix stratégique selon CJ Simon-Gabriel : « Il y a moins de recherche dans ce domaine, il est plus facile d’y construire un vrai fossé concurrentiel. »
Les fondateurs : quand chercheurs en IA rencontrent musiciens
Derrière Mirelo, on trouve deux profils complémentaires : CJ Simon-Gabriel et Florian Wenzel. Tous deux sont à la fois chercheurs en intelligence artificielle et musiciens passionnés. Une double casquette qui explique la sensibilité particulière de la startup pour le son.
Cette expertise hybride leur permet de comprendre à la fois les contraintes techniques de l’IA générative et les attentes créatives des artistes sonores. Un atout précieux dans un domaine où la qualité subjective joue un rôle majeur.
À plus long terme, la génération de musique par IA figure sur la roadmap. Mais la priorité reste les effets sonores, où la demande est la plus forte et la concurrence la moins dense.
Éthique et données : un sujet sensible
Comme toutes les entreprises d’IA générative, Mirelo doit naviguer dans les eaux troubles des droits d’auteur et de l’utilisation des données d’entraînement.
Georgia Stevenson, partner chez Index Ventures ayant mené l’investissement, assure que les modèles ont été entraînés exclusivement sur des bibliothèques sonores publiques et achetées légalement. La startup signe également des accords de partage de revenus avec les détenteurs de droits.
Pour l’instant, Mirelo ne vise pas à remplacer les sound designers professionnels, mais plutôt à aider les créateurs amateurs et prosumers à produire des vidéos plus abouties. Un positionnement qui limite (temporairement) les tensions avec la profession.
Pourquoi cette levée marque un tournant
Cette opération de 41 millions n’est pas anodine. Elle signale plusieurs tendances fortes :
- Les investisseurs anticipent une explosion du marché de la création vidéo par IA
- Le son devient un différenciateur clé dans la guerre des modèles vidéo
- Les niches spécialisées attirent des valorisations élevées, même en early stage
- L’Europe, et particulièrement Berlin, reste un vivier de talents en deep tech
En comparaison, peu de startups européennes lèvent de tels montants en seed dans l’IA. Mirelo rejoint le club très fermé des pépites deep tech du vieux continent.
Quelles opportunités pour les créateurs et les marques ?
Pour les professionnels du marketing digital et de la communication, l’arrivée de Mirelo ouvre des perspectives fascinantes.
Les marques pourront produire rapidement des vidéos publicitaires courtes (Reels, TikTok, Stories) avec un rendu professionnel, sans passer par des studios de post-production coûteux. Les influenceurs et créateurs indépendants gagneront en productivité et en qualité.
Dans le gaming, secteur particulièrement visé par les investisseurs, les développeurs indépendants pourront enrichir leurs prototypes avec des bandes-son immersives dès les premières démos.
Enfin, les agences de contenu vidéo pourront scaler leur production tout en maintenant un haut niveau de finition.
Vers la fin des vidéos muettes ?
CJ Simon-Gabriel compare la situation actuelle à celle du cinéma muet face aux films parlants : « C’est comme passer des films muets aux talkies. Ça change tout. »
Avec l’entrée de géants comme Google dans la course au son intégré, on assiste probablement au début d’une nouvelle ère pour la vidéo générative. Une ère où le son ne sera plus une option, mais une évidence.
Mirelo, avec son avance technologique et ses nouveaux moyens, est idéalement positionnée pour jouer un rôle majeur dans cette transformation. Reste à voir si la startup parviendra à conserver son avance face aux mastodontes du secteur.
Une chose est sûre : les vidéos générées par IA ne resteront pas silencieuses bien longtemps. Et quand le son deviendra la norme, Mirelo aura probablement contribué à écrire cette nouvelle page de l’histoire de la création numérique.
(Article mis à jour le 27 décembre 2025 – environ 3200 mots)
