Et si l’une des figures les plus emblématiques de la Silicon Valley décidait de revenir sur le devant de la scène avec un projet qui pourrait redéfinir notre rapport quotidien à la technologie ? Marissa Mayer, ancienne CEO de Yahoo et l’une des premières employées de Google, ne compte pas rester en retrait face à l’explosion de l’intelligence artificielle générative. Après six années passées à tenter de faire décoller Sunshine, elle ferme cette aventure pour lancer Dazzle, une nouvelle startup résolument tournée vers les assistants personnels dopés à l’IA. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les investisseurs croient à son retour.
En cette fin décembre 2025, l’annonce fait parler : Dazzle lève 8 millions de dollars en seed à une valorisation de 35 millions. Une opération menée par Kirsten Green de Forerunner Ventures, une investisseuse reconnue pour son flair sur les marques consumer iconiques. Ce comeback mérite que l’on s’y attarde, surtout dans un écosystème où les secondes chances sont rares pour les fondateurs ayant connu des échecs médiatisés.
Un retour en force porté par une vision consumer de l’IA
L’intelligence artificielle a d’abord conquis les entreprises avec des outils comme ChatGPT en version pro ou les solutions de Microsoft Copilot. Mais aujourd’hui, les regards se tournent vers le grand public. Et c’est précisément là que Marissa Mayer veut frapper fort.
Dazzle ambitionne de créer la prochaine génération d’assistants personnels intelligents. Pas de détails techniques pour l’instant – la startup reste encore en mode stealth –, mais l’objectif est clair : concevoir un produit capable de transformer profondément nos habitudes quotidiennes, à l’image de ce que Google Search ou Google Maps ont réalisé en leur temps.
« J’ai eu le rare privilège d’être dans deux entreprises qui ont vraiment changé la façon dont les gens font les choses. Yahoo a défini l’internet pour beaucoup. Google, avec la recherche et Maps, a tout changé. Je rêve de construire à nouveau un produit avec ce type d’impact. »
– Marissa Mayer
Cette citation résume parfaitement l’ambition de Mayer : elle ne veut pas simplement lancer une application de plus. Elle vise l’impact massif, celui qui redéfinit une catégorie entière.
Kirsten Green : la caution qui change tout
Dans l’univers du venture capital, certains noms font figure de graal. Kirsten Green en fait partie. Fondatrice de Forerunner Ventures, elle a investi très tôt dans des succès comme Dollar Shave Club, Warby Parker, Chime ou encore Glossier. Son flair pour détecter les futures marques consumer phares est légendaire.
En choisissant de mener cette levée de fonds, elle envoie un signal fort au marché. Comme elle l’avait confié précédemment, l’IA consumer est un « late bloomer » : après la domination des outils enterprise, c’est maintenant au tour du grand public de bénéficier de produits vraiment disruptifs.
Aux côtés de Forerunner, on retrouve Kleiner Perkins, Greycroft, Offline Ventures, Slow Ventures et Bling Capital. Un casting solide qui montre que, malgré l’échec de Sunshine, Marissa Mayer conserve une crédibilité importante auprès des investisseurs.
Sunshine : les leçons d’un échec assumé
Pour comprendre l’importance de Dazzle, il faut revenir sur Sunshine. Lancée en 2018 sous le nom Lumi Labs, la startup proposait initialement une application de gestion de contacts enrichis automatiquement. Le concept était intéressant, mais la méthode – récupérer des adresses postales depuis des bases publiques – a rapidement suscité la polémique sur la vie privée.
Ensuite, l’entreprise a pivoté vers le partage de photos et la gestion d’événements, avec notamment « Shine », un outil de partage photo boosté à l’IA. Malgré une levée totale de 20 millions de dollars, Sunshine n’a jamais vraiment décollé. Design jugé daté, manque de viralité, problèmes de polish… les critiques ont été nombreuses.
Marissa Mayer a été transparente sur cet épisode :
« Je ne pense pas que nous ayons atteint le niveau de finition et d’accessibilité que je souhaitais vraiment. »
– Marissa Mayer
Elle ajoute que les problèmes abordés par Sunshine étaient finalement trop « banals » pour générer un impact majeur. Une autocritique rare dans la tech, où l’on préfère souvent parler de « learnings » plutôt que d’échec.
Lors de la fermeture de Sunshine, les investisseurs ont reçu 10 % de l’équity de Dazzle. Un geste élégant qui montre une certaine éthique dans la gestion de l’échec.
Pourquoi les assistants personnels IA sont le prochain grand chantier
Nous utilisons déjà Siri, Google Assistant ou Alexa depuis des années, mais ces outils restent limités. Avec l’arrivée des grands modèles de langage (LLM), tout change. Un assistant peut désormais comprendre le contexte, anticiper les besoins, gérer des tâches complexes et interagir de façon naturelle.
Le marché est en pleine ébullition. Des startups comme Rabbit ou Humane tentent de créer de nouveaux appareils dédiés. D’autres misent sur le logiciel pur, comme Inflection (racheté par Microsoft) ou Character.AI. Mais peu ont l’expérience consumer de Marissa Mayer.
Ce qui rend Dazzle intéressant, c’est la combinaison :
- Une fondatrice ayant conçu l’interface de Google Search et supervisé Maps et AdWords
- Une vision produit centrée sur l’utilisateur final
- Un timing parfait : l’IA consumer commence seulement à émerger
- Le soutien d’investisseurs spécialisés dans les marques grand public
Ces éléments pourraient permettre à Dazzle de se démarquer dans un secteur qui va devenir ultra-concurrentiel en 2026.
Les défis à venir pour Dazzle
Bien sûr, tout n’est pas gagné. Le premier défi sera de sortir du mode stealth avec un produit qui surprend positivement. Après l’expérience Sunshine, les attentes seront élevées – et la tolérance aux imperfections faible.
Ensuite, il faudra trouver le bon positionnement. Trop ambitieux, et le produit risque d’être complexe. Trop simple, et il sera perçu comme un simple wrapper autour de modèles existants. L’équilibre est délicat.
Enfin, la question de la privacy sera cruciale. Après les polémiques autour de Sunshine Contacts, Mayer sait que la confiance des utilisateurs ne se gagne pas facilement. Un assistant personnel a accès à des données très sensibles : calendrier, messages, photos, localisation… La transparence et la sécurité devront être irréprochables.
Ce que ce comeback nous dit sur l’écosystème startup
L’histoire de Marissa Mayer avec Dazzle rappelle une vérité souvent oubliée : dans la tech, les échecs ne sont pas forcément définitifs. Surtout quand on a un track record comme le sien. Chez Google, elle a contribué à façonner des produits utilisés par des milliards de personnes. Chez Yahoo, malgré les critiques, elle a tenté de transformer un géant en déclin.
Aujourd’hui, les investisseurs parient sur sa capacité à apprendre de ses erreurs et à appliquer son expertise produit à l’un des domaines les plus prometteurs du moment : l’IA consumer.
C’est aussi un signal encourageant pour tous les entrepreneurs. Même après un projet qui n’a pas fonctionné, une nouvelle opportunité peut émerger – surtout quand elle s’aligne parfaitement avec une vague technologique majeure.
Vers une sortie de stealth en 2026
Dazzle devrait dévoiler son produit début 2026. D’ici là, l’équipe (issue en grande partie de Sunshine) continue de prototyper et d’affiner la vision. L’été 2025 a marqué un tournant : les premiers prototypes d’assistant IA ont rapidement éclipsé l’intérêt pour les anciens projets.
Comme Mayer l’a confié, l’excitation autour de Dazzle est bien plus forte que tout ce qu’elle a ressenti depuis longtemps. Et quand une fondatrice de ce calibre parle d’un « impact beaucoup plus grand », il y a de quoi être attentif.
Dans un monde où l’IA transforme chaque aspect de notre vie, l’arrivée d’un assistant personnel vraiment intelligent et intuitif pourrait changer la donne. Et si c’était Marissa Mayer qui le rendait possible ? Réponse dans quelques mois.
En attendant, cette levée de fonds nous rappelle que la Silicon Valley adore les histoires de rédemption. Et que, parfois, les plus grands comebacks naissent des échecs les plus douloureux.
(Article rédigé à partir des informations publiées par TechCrunch le 23 décembre 2025)







