Le constructeur de véhicules électriques Fisker, actuellement en procédure de faillite au tribunal du Delaware, a trouvé un acheteur providentiel pour liquider son stock de 3231 SUV électriques Ocean. La société de leasing new-yorkaise American Lease est prête à les acquérir pour un montant global de 46,25 millions de dollars, soit environ 14 000 $ par véhicule en moyenne. Un prix bradé comparé au tarif de départ d’environ 70 000 $ pour certains modèles. Cette vente doit maintenant recevoir le feu vert du juge en charge du dossier de faillite de Fisker.
Une vente controversée pour rembourser une fraction des créanciers
Si le tribunal approuve la transaction, Fisker pourra donc écouler son stock de véhicules. Mais les 46 millions de dollars ne représentent qu’une goutte d’eau face à la dette abyssale du constructeur, qui s’élève à environ 1 milliard de dollars envers ses créanciers non garantis. Les avocats représentant ces derniers ont d’ailleurs exprimé leurs inquiétudes lors de la première audience le 21 juin, craignant de ne rien toucher du fruit de cette vente.
De plus, l’ampleur et la valeur des autres actifs de Fisker restent floues pour le moment. Lundi, les avocats de la startup ont demandé un délai pour fournir ces informations, car elles seraient encore en cours de compilation. Les différentes parties attendent donc d’y voir plus clair sur ce que pourront se partager les créanciers.
American Lease, repreneur opportuniste pour des VE bradés
La société American Lease, basée à New York, loue principalement ses véhicules à des chauffeurs VTC dans la région de New York, où les flottes devront être zéro émission d’ici 2030. Elle a initialement accepté de reprendre 2100 Ocean le 30 mai, deux semaines seulement avant que Fisker ne se déclare en faillite. Puis elle a augmenté son offre à 3231 véhicules le 30 juin, excluant ceux configurés pour le Canada.
American Lease achète les véhicules selon un barème : 16 500 $ pour ceux en bon état, 3200 $ pour ceux précédemment immatriculés et 2500 $ pour ceux endommagés. Elle s’engage à ne pas les revendre avant 12 mois et à attendre que les rappels soient effectués avant de les louer. Une bonne affaire pour constituer une flotte électrique à bas coût.
Course contre la montre pour boucler la vente et éviter la liquidation
Les avocats de Fisker sont maintenant engagés dans une course contre la montre pour faire accepter cette vente au plus vite par le tribunal des faillites. Ils affirment que sans une décision favorable d’ici le 12 juillet, la société ne pourra pas couvrir ses dépenses vitales pour assurer une liquidation ordonnée de ses actifs.
Nous ne pourrons pas financer les dépenses essentielles nécessaires pour effectuer une liquidation ordonnée si la vente n’est pas réalisée d’ici le 12 juillet.
– Les avocats de Fisker
Le dossier se complique aussi avec un nouveau problème signalé sur les pompes à eau des SUV Ocean. Les 179 employés restants, bientôt réduits à 138, devront le gérer en urgence. Le PDG Henrik Fisker et la directrice financière Geeta Gupta-Fisker font toujours partie des effectifs mais avec des salaires revus à la baisse.
Le spectre d’une liquidation directe plane
Plusieurs parties comme le bureau des syndics américains ou l’association des propriétaires de Fisker s’inquiètent de la précipitation de cette vente, alors que les créanciers ordinaires n’ont pas encore de représentation légale dans la procédure. Ils craignent que le dossier bascule vers une liquidation pure et simple au titre du chapitre 7, ce qui laisserait encore moins à se partager.
La dette colossale de Fisker et la faible valeur de ses actifs rendent très incertain le remboursement des créanciers non garantis. Le prêt de 500 millions de dollars consenti en 2023 par Heights Capital Management, principal créancier, n’était initialement garanti par aucun actif. Il l’est devenu ensuite quand Fisker a manqué une échéance de reporting financier à la SEC. Heights devrait donc récupérer en priorité une partie de sa mise, au détriment des autres créanciers.
La descente aux enfers d’un nouveau prétendant dans l’électrique
Cette vente au rabais des SUV Ocean sonne comme l’épilogue d’un échec industriel cuisant pour Fisker. La jeune marque ambitionnait de rivaliser avec Tesla sur le marché des véhicules électriques haut de gamme. Mais après des retards et des déconvenues, sa situation financière s’est vite dégradée, jusqu’à devoir se placer sous la protection du chapitre 11 le 13 juin dernier.
Les prochaines semaines seront décisives pour déterminer ce qu’il restera de l’aventure Fisker et ce que pourront espérer récupérer ses nombreux créanciers. Un nouveau symbole de la fragilité de certaines startups qui surfent sur la vague de l’électrification sans assez de fonds propres ni de revenus. La sortie de route du constructeur de l’Ocean risque de refroidir certains investisseurs quant aux perspectives du secteur.