Action Collective De 2,7 Milliards De Dollars Contre Facebook Au Royaume-Uni

Imaginez un instant : vous naviguez tranquillement sur un site web apparemment sans lien avec Facebook, mais en réalité, le réseau social collecte vos données en arrière-plan via des pixels, sans que vous en ayez pleinement conscience. C’est précisément ce type de pratique qui est au cœur d’une action collective antitrust de grande ampleur contre Meta, la maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp, qui vient d’être autorisée à aller de l’avant par un tribunal britannique.

2,7 milliards de dollars de dommages et intérêts réclamés

Déposée en janvier 2022 par l’experte en droit de la concurrence Dr Liza Lovdahl Gormsen, cette action collective allègue que Meta a exploité de manière déloyale les données personnelles de 46 millions d’utilisateurs britanniques de Facebook entre 2016 et 2023. Le montant des dommages et intérêts réclamés se situe entre 2,1 et 3,1 milliards de livres sterling (soit environ 2,7 milliards de dollars).

Selon la plaignante, Meta aurait imposé des conditions commerciales déloyales aux utilisateurs, les obligeant à céder leurs données collectées hors de Facebook comme condition d’accès à la plateforme, sans alternative réelle en raison de sa position dominante sur le marché des réseaux sociaux. Ces données étaient récoltées via des cookies et technologies de tracking sur des sites web tiers, ou fournies par des annonceurs et partenaires.

Facebook a conclu un marché déloyal avec ses utilisateurs en ce qui concerne la collecte de données sur leurs activités en dehors de Facebook (« Off-Facebook Data »). Facebook oblige les utilisateurs à donner des données Off-Facebook comme condition d’accès à la plateforme Facebook en vertu d’une offre « à prendre ou à laisser ».

– Extrait de la notification officielle du recours

Une étape clé dans la procédure

L’autorisation donnée par le Competition Appeal Tribunal, le tribunal britannique en charge des litiges antitrust, marque une étape clé dans cette procédure inédite à plusieurs égards :

  • Le montant colossal des dommages et intérêts réclamés, qui dépasse les plus grosses amendes infligées jusqu’ici en Europe pour violation de données
  • L’attribution d’une valeur réelle aux données personnelles, un concept encore débattu
  • Le potentiel impact sur la façon dont le droit de la concurrence peut être appliqué par des particuliers dans leurs propres actions en justice

Tous les utilisateurs britanniques de Facebook sont automatiquement inclus dans cette action « opt-out ». Ils doivent donc se retirer activement s’ils ne souhaitent pas faire partie des potentiels bénéficiaires de dommages et intérêts ou d’un accord financier.

De nouvelles règles du jeu pour les géants tech ?

Si elle aboutit, cette action pourrait créer un précédent majeur dans la façon dont le droit de la concurrence s’applique à l’exploitation des données par les géants technologiques. Alors que Meta fait déjà face à des enquêtes antitrust aux États-Unis et en Europe, ce nouveau front judiciaire renforce encore la pression.

Cette affaire révolutionnaire promet de redéfinir l’application du droit de la concurrence dans le contexte de l’exploitation des données. Elle établit un cadre juridique pour aborder cette question cruciale et représente un changement significatif dans la façon dont nous abordons les problèmes critiques associés.

– Kate Vernon, associée et responsable du contentieux concurrence chez Quinn Emanuel

Dans un contexte où les préoccupations concernant la collecte massive de données par les réseaux sociaux et applications ne cessent de croître, de la fuite de données Cambridge Analytica en 2018 aux récentes inquiétudes sur TikTok, cette action collective pourrait bien marquer un tournant. Si le montant final des dommages reste incertain, l’enjeu est clair : redéfinir les règles d’un jeu numérique où les données personnelles des utilisateurs ne seraient plus une monnaie d’échange imposée par des acteurs dominants.

À lire également