La Commission européenne a infligé en 2016 une amende fiscale record de 13 milliards d’euros à Apple, suite à une enquête concluant que le géant technologique avait bénéficié d’avantages fiscaux illégaux en Irlande pendant près de deux décennies. Cette décision historique a été confirmée en 2023 par la Cour de justice de l’Union européenne, la plus haute instance judiciaire de l’UE. Retour sur une affaire qui ébranle le monde de la fiscalité des grandes entreprises.
Un « siège social » fantôme au cœur du problème
Pendant de nombreuses années, Apple a géré ses activités européennes via deux filiales irlandaises. Malgré d’immenses profits, l’entreprise payait un taux d’imposition dérisoire en Irlande, parfois aussi bas que 0,005%, grâce à un montage fiscal inhabituel. La clé ? Un soi-disant « siège social » établi en Irlande, mais n’existant que sur le papier, sans personnel ni locaux. La plupart des bénéfices européens d’Apple y étaient attribués, lui permettant d’échapper à l’impôt.
Enquête de la Commission et verdict sans appel
En 2014, la Commission européenne a commencé à se pencher sur cet arrangement, qu’elle a fini par qualifier d’ »aide d’État illégale« . Apple aurait en effet bénéficié d’un traitement de faveur déloyal par rapport aux autres entreprises. En 2016, Bruxelles a donc sommé Apple de rembourser 13 milliards d’euros d’impôts impayés à l’Irlande.
Après des années de rebondissements juridiques, la Cour de justice de l’UE a tranché en 2023 : le dispositif fiscal irlandais accordait bien un avantage indu à Apple, enfreignant les règles européennes sur les aides d’État. Le géant à la pomme doit donc s’acquitter de l’intégralité de l’amende, un montant colossal jamais vu dans ce type d’affaires.
Aujourd’hui est une grande victoire pour les citoyens européens et pour la justice fiscale.
Margrethe Vestager, Commissaire européenne à la Concurrence
Apple et l’Irlande se défendent
Sans surprise, Apple conteste la décision, affirmant avoir toujours payé sa juste part d’impôts. Selon la firme, l’enjeu n’est pas le montant dû, mais le pays habilité à le percevoir. Les bénéfices découlant de sa propriété intellectuelle, développée aux États-Unis, devraient y être taxés plutôt qu’en Irlande. Une argumentation balayée par la Commission.
Du côté de Dublin, on réfute aussi tout traitement de faveur et on s’inquiète de voir Bruxelles s’immiscer dans la politique fiscale irlandaise, réputée généreuse pour attirer les multinationales. Le gouvernement craint de perdre en attractivité, mais la justice européenne est formelle : ces pratiques sont illégales.
Une décision à l’impact majeur
Au-delà des 13 milliards d’euros, cette affaire est lourde de conséquences :
- La Commission prouve sa détermination à s’attaquer à l’optimisation fiscale des géants de la tech
- L’Irlande doit revoir son modèle fiscal pour éviter de nouveaux conflits avec l’UE
- Un précédent est créé, exposant d’autres entreprises à des redressements
Apple se dit déçu, mais minimise l’impact. Dublin aussi, espérant préserver ses atouts. Mais une chose est sûre : cette décision historique marque un tournant dans la lutte contre les stratégies d’évitement fiscal des multinationales en Europe. La Commission a frappé fort, et nul doute que d’autres dossiers suivront, pour une répartition plus équitable de l’impôt sur le Vieux Continent.