Le partenariat entre Apple et Goldman Sachs, lancé en grande pompe en 2019 avec l’Apple Card, semblait promettre un bel avenir à la banque d’affaires dans le secteur grand public. Pourtant, à peine quatre ans plus tard, le géant technologique vient de proposer à son partenaire de mettre fin à leur collaboration, suite aux lourdes pertes accumulées par Goldman Sachs. Retour sur un échec cuisant et ses conséquences pour les deux entreprises.
Un partenariat ambitieux mais risqué
En s’alliant avec Apple en 2019, Goldman Sachs voyait une opportunité en or de se diversifier dans la banque de détail, après une première expérience mitigée avec sa néobanque Marcus. L’Apple Card, une carte de crédit aux couleurs de la marque, devait lui permettre de toucher une large clientèle et de générer des revenus substantiels grâce aux taux d’intérêt élevés pratiqués aux États-Unis.
Mais ce pari s’est avéré risqué. Dès le départ, des tensions sont apparues entre les deux partenaires, Apple insistant pour que la quasi-totalité des demandes soit acceptée, au risque de faire grimper le taux de défaut. La banque a aussi dû faire face à un afflux d’appels de clients mécontents, Apple ayant imposé une facturation en début de mois pour tous.
Des pertes abyssales pour Goldman Sachs
Résultat : l’Apple Card a entraîné plusieurs milliards de dollars de pertes pour Goldman Sachs. Le taux de défaut est presque deux fois plus élevé que pour les autres cartes de crédit. Si les dirigeants de la banque reconnaissent des erreurs opérationnelles, ils mettent aussi en cause certaines pratiques d’Apple qui ont compliqué leur tâche.
Malgré ces difficultés, Goldman Sachs a persisté dans son partenariat avec Apple, participant au lancement en avril dernier d’Apple Savings, un compte d’épargne qui a attiré 10 milliards de dollars en seulement quatre mois. Mais en coulisses, certains cadres de la banque n’hésitent pas à qualifier cette collaboration d’ »erreur monumentale ».
Vers une séparation en bonne et due forme
Face à l’ampleur des pertes, Goldman Sachs a commencé dès la fin 2022 à chercher un repreneur pour ces activités. Des discussions ont été menées avec plusieurs acteurs, dont American Express et Synchrony Financial, sans succès pour le moment. C’est dans ce contexte qu’Apple vient d’envoyer une proposition pour mettre fin au partenariat, dans un délai de 12 à 15 mois.
Si la banque accepte, Apple devra trouver un nouvel émetteur pour sa carte de crédit. Un défi de taille, au regard des conditions imposées par la marque et des risques encourus. De son côté, Goldman Sachs devra gérer la transition en interne, en tentant de conserver ses employés dédiés à ces produits jusqu’à leur transfert.
Un coup dur pour les deux entreprises
Cet échec est un revers pour Apple, qui misait de plus en plus sur les services pour compenser le ralentissement des ventes d’iPhone. Même si l’Apple Card ne représentait qu’une petite partie de cette activité, elle participait à l’écosystème de la marque et à la fidélisation des clients.
Mais c’est surtout un camouflet pour Goldman Sachs, dont la coûteuse tentative de diversification dans la banque de détail se solde par un fiasco retentissant. Après avoir vendu GreenSky et mis fin à son partenariat avec General Motors, la banque fait maintenant machine arrière pour se recentrer sur ses métiers historiques de banque d’affaires et de gestion de fortune.
Les leçons d’un partenariat raté
Au-delà du cas d’Apple et Goldman Sachs, cet échec illustre les difficultés des partenariats entre entreprises de secteurs différents. Malgré des intérêts a priori convergents, les divergences culturelles et les rapports de force peuvent rapidement miner la collaboration. Il montre aussi les limites de la diversification à tout-va pour les banques, dans un environnement réglementaire de plus en plus strict.
Enfin, il rappelle que même les plus grandes entreprises ne sont pas à l’abri d’erreurs stratégiques coûteuses. Apple et Goldman Sachs ont parié gros sur ce partenariat, mais ont sous-estimé les risques et les défis opérationnels d’un tel projet. Une leçon d’humilité qui devrait inciter les autres acteurs à la prudence dans leurs velléités de disruption.