L’industrie spatiale connaît une véritable révolution ces dernières années, portée par les ambitions démesurées de visionnaires comme Elon Musk et Jeff Bezos. Ce dernier, fondateur d’Amazon et de Blue Origin, vient d’annoncer une nouvelle cruciale pour l’avenir de son entreprise spatiale : le lanceur lourd New Glenn devrait effectuer son premier vol avant la fin de l’année 2024.
Une fusée géante pour révolutionner l’accès à l’espace
Avec ses 320 pieds de haut (environ 97 mètres), New Glenn est un véritable monstre comparé aux fusées actuellement en service. Capable d’emporter jusqu’à 45 tonnes de charge utile en orbite basse, elle surpasse en puissance la Falcon Heavy de SpaceX dans sa version réutilisable. Seul le Starship, encore en développement chez SpaceX, promet de faire mieux avec 100 à 150 tonnes en orbite basse.
Mais au-delà des chiffres, c’est bien une révolution que Jeff Bezos espère impulser avec New Glenn. Lors d’une interview au New York Times, le milliardaire a expliqué sa vision :
Je sais que cela peut sembler fantaisiste, alors je vous demande un peu d’indulgence. Mais ce n’est pas fantaisiste. Cela va arriver, et nous devons suffisamment baisser les coûts d’accès à l’espace, c’est tout l’enjeu de New Glenn, notre véhicule orbital.
– Jeff Bezos, fondateur de Blue Origin
L’objectif à long terme est de délocaliser toute l’industrie polluante dans l’espace, libérant ainsi la Terre de ce fardeau. Une ambition démesurée qui nécessitera des lanceurs toujours plus gros, plus fiables et moins chers. New Glenn n’est qu’une première étape.
Un test crucial avant le premier vol
Avant de pouvoir s’élancer vers les étoiles, New Glenn doit encore passer un test crucial appelé « hot fire ». Il s’agit d’allumer simultanément les 7 moteurs BE-4 du premier étage et de les pousser à pleine puissance, le tout en maintenant la fusée au sol. L’objectif est de reproduire les conditions d’un décollage grandeur nature.
Une fois ce test réussi, il ne restera plus qu’à intégrer la coiffe (la partie abritant la charge utile) pour que New Glenn soit fin prête pour son vol inaugural. Mais Blue Origin doit encore obtenir le feu vert de la FAA, l’agence fédérale supervisant l’aviation et le spatial aux États-Unis.
Certification militaire et satellite pour Mars au programme
Si tout se passe comme prévu, le premier vol de New Glenn ne se contentera pas d’une simple démonstration technologique. La fusée emportera un prototype de véhicule de transfert orbital développé en interne par Blue Origin. Baptisé Blue Ring, il doit répondre à une demande croissante pour déplacer et positionner rapidement des équipements et infrastructures sur diverses orbites.
New Glenn devra également réussir deux lancements de certification pour pouvoir prétendre à des missions militaires dans le cadre du programme NSSL (National Security Space Launch) de l’US Space Force. La NASA lui a aussi confié une paire de satellites scientifiques à destination de Mars, initialement prévue pour le vol inaugural mais reportée au printemps 2025 par sécurité.
La clé de la rentabilité pour Blue Origin
Au-delà des prouesses technologiques, c’est bien un enjeu économique majeur qui se profile pour Blue Origin. Bien que soutenue par la fortune personnelle de Jeff Bezos, l’entreprise doit rapidement trouver son équilibre financier. Lors de son interview au New York Times, le fondateur d’Amazon s’est dit confiant :
Je pense que ce sera la meilleure affaire dans laquelle j’ai jamais été impliqué, mais cela va prendre du temps.
– Jeff Bezos, fondateur de Blue Origin
Pour transformer cet espoir en réalité, Blue Origin mise énormément sur New Glenn et sa capacité à réduire drastiquement les coûts de lancement. Chaque mission réussie rapprochera un peu plus l’entreprise de la rentabilité. Un échec en revanche pourrait fragiliser durablement ses ambitions spatiales.
Course à l’espace entre milliardaires
Le paysage du NewSpace est aujourd’hui dominé par une poignée de milliardaires aux ego surdimensionnés. Outre Jeff Bezos et Blue Origin, on retrouve Elon Musk avec SpaceX et Richard Branson avec Virgin Galactic/Orbit. Chacun y va de sa vision grandiose pour l’avenir de l’humanité dans l’espace :
- Elon Musk rêve de coloniser Mars
- Jeff Bezos veut délocaliser l’industrie en orbite
- Richard Branson mise sur le tourisme spatial et les petits lanceurs
Derrière les effets d’annonce et les polémiques, il y a une vraie compétition industrielle et technologique qui se joue. Quel milliardaire réussira à tenir ses promesses le premier ? SpaceX semble avoir une longueur d’avance avec son Starship, mais Blue Origin et New Glenn pourraient créer la surprise. Les cartes sont rebattues à chaque innovation.
L’espace, nouvelle frontière des grandes ambitions humaines
Le premier vol de New Glenn sera donc scruté bien au-delà de la sphère spatiale. C’est un test grandeur nature pour les ambitions de Jeff Bezos et sa vision d’un avenir où l’humanité s’étendrait bien au-delà de son berceau terrestre. Un premier pas vers les étoiles qui en appelle beaucoup d’autres.
L’espace apparaît aujourd’hui comme un terrain de jeu et d’expérimentation sans limites où s’expriment les rêves les plus fous. Tourisme spatial, minage d’astéroïdes, centrales solaires orbitales… Les projets ne manquent pas mais restent pour la plupart au stade de la fiction. Pour les transformer en réalité, il faudra des moyens techniques et financiers colossaux dont seule une poignée d’acteurs disposent.
Dans ce contexte, l’émergence de géants comme SpaceX et Blue Origin est une chance autant qu’un défi. Une chance car ils ouvrent de nouveaux horizons et repoussent sans cesse les limites du possible. Un défi car leur puissance menace de verrouiller le marché et de freiner l’innovation par une concurrence accrue.
Il appartiendra aux régulateurs comme la FAA de trouver le bon équilibre entre soutien à la filière et encadrement des dérives. L’enjeu est de taille : façonner une industrie spatiale durable et ouverte, au service du plus grand nombre et non des seuls intérêts particuliers. Avec New Glenn, Blue Origin montre qu’elle a un rôle clé à jouer dans ce délicat exercice d’équilibriste. Rendez-vous dans quelques mois pour le verdict du premier lancement.