Comment Briller dans l’IA Saturée selon une VC

Imaginez-vous pitcher votre startup devant une salle remplie d’investisseurs blasés qui ont déjà entendu 47 fois la même phrase « notre IA fait 10× mieux que l’existant ». C’est exactement la réalité que vivent aujourd’hui des milliers de fondateurs dans l’intelligence artificielle. Et pourtant, certains arrivent encore à faire tilt. Comment ? Jennifer Neundorfer, co-fondatrice de January Ventures, a livré lors du dernier TechCrunch Disrupt une masterclass aussi lucide que salutaire sur la manière de sortir du lot dans ce marché ultra-concurrentiel.

Lassé des « 10× mieux », le nouveau graal c’est le « totalement différent »

Depuis deux ans, la promesse reine dans les pitchs IA c’était le fameux « 10× faster, 10× cheaper, 10× better ». Problème : tout le monde dit la même chose. Jennifer Neundorfer l’admet sans détour : elle-même et son fonds utilisent l’IA en interne pour accélérer la due diligence, mais quand il s’agit d’investir, ce qui la fait vibrer n’est plus l’amélioration incrémentale.

« Là où je m’emballe vraiment, c’est quand quelqu’un utilise l’IA non pas pour faire 10× mieux quelque chose qui existe déjà, mais pour créer une expérience, un workflow ou un comportement totalement nouveau. »

– Jennifer Neundorfer, January Ventures

En clair : arrêter de wrapper ChatGPT pour la 358e fois et commencer à inventer des usages que personne n’imaginait possibles il y a encore six mois.

La fatigue des investisseurs est réelle (et elle empire)

Neundorfer parle sans filtre d’une fatigue généralisée. Les boîtes de réception des VCs débordent de decks qui se ressemblent : même police, même slide « market size 300 milliards », même graphique d’adoption exponentielle. Résultat ? Les investisseurs deviennent ultra-sélectifs, presque cyniques.

Pour percer, il ne suffit plus d’avoir une bonne idée. Il faut démontrer, dès les 30 premières secondes du pitch, en quoi vous êtes radicalement différent des dizaines d’autres équipes qui attaquent le même problème avec les mêmes modèles open source.

Les 4 leviers qui font aujourd’hui la différence selon January Ventures

Voici, résumés et enrichis, les critères que Jennifer Neundorfer et son équipe scrutent avec la plus grande attention :

  • Création de nouveaux comportements – Pas juste plus rapide, mais une façon totalement inédite d’interagir, de travailler ou de consommer.
  • Équipe capable d’anticiper la prochaine vague – Ceux qui construisent à la frontière de ce qui est techniquement possible aujourd’hui, en gardant un œil sur ce qui arrivera dans 18-24 mois (raisonnement multimodal, agents autonomes, etc.).
  • Obsession client plutôt qu’obsession techno – Comprendre profondément ce que veut vraiment l’utilisateur final, même si ça contredit ce que la techno rend « facile » à construire.
  • Storytelling chirurgical – Savoir expliquer en une phrase pourquoi vous êtes les seuls à pouvoir réussir cette mission (et pourquoi les 47 autres équipes vont échouer).

Oui, une correction de marché arrive (et elle sera brutale)

Jennifer Neundorfer ne tourne pas autour du pot : beaucoup des startups IA qui lèvent des dizaines de millions aujourd’hui ne survivront pas à la prochaine vague. Les valorisations actuelles reposent souvent plus sur la hype que sur des métriques solides.

Les gagnants ? Ceux qui construisent des category-defining companies, c’est-à-dire des entreprises qui redéfinissent entièrement leur catégorie, comme l’ont fait Stripe pour les paiements ou Figma pour le design collaboratif.

« Les fondateurs qui sauront rester en avance de phase, construire à la limite du possible aujourd’hui tout en préparant demain, et surtout écouter vraiment leurs clients plutôt que courir après la dernière feature à la mode… ce sont eux qui domineront. »

– Jennifer Neundorfer

Le parcours atypique de Jennifer Neundorfer : de YouTube à 50+ investissements

Avant de co-fonder January Ventures, Jennifer a passé des années chez YouTube puis chez 21st Century Fox à rencontrer des entrepreneurs tech. C’est là qu’elle a attrapé le virus du deal-flow et compris que discuter technologie toute la journée était sa vraie passion.

Quand elle a basculé dans le venture, elle avoue avoir d’abord été trop interventionniste (« je commentais chaque slide »). Aujourd’hui, elle a trouvé le bon équilibre : soutien stratégique sans micro-management, accompagnement humain autant que business.

Résultat : plus de 50 investissements, plusieurs exits, et une réputation solide auprès des fondateurs, y compris ceux issus de minorités ou de régions hors Silicon Valley.

Son conseil d’or aux fondateurs divers ou hors grandes hubs

Dans un marché aussi bruyant, son mantra est simple :

« Ignorer le bruit. Tout le reste est hors de votre contrôle. Concentrez-vous uniquement sur construire une excellente entreprise. Le reste suivra – ou pas – mais l’énergie dépensée à s’inquiéter ne vaut jamais le coup. »

– Jennifer Neundorfer

Checklist concrète : 12 questions à vous poser avant votre prochain pitch IA

Pour vous aider à passer le filtre Neundorfer (et celui de beaucoup d’autres VCs en 2026), voici une checklist impitoyable :

  • Est-ce que mon produit crée un nouveau comportement ou juste une optimisation ?
  • Si j’enlève l’IA de l’équation, est-ce que mon produit a encore du sens ?
  • Est-ce que je peux nommer 5 concurrents directs qui lèvent en ce moment même ?
  • En une phrase, pourquoi eux échoueront et pas nous ?
  • Quel insight client propriétaire avons-nous que personne d’autre n’a ?
  • Est-ce que notre traction montre déjà un changement de comportement utilisateur ?
  • Avons-nous une vision claire de la prochaine génération de modèles (agents, multimodal, etc.) et comment elle impactera notre roadmap ?
  • Est-ce que notre deck commence par le problème client ou par la techno ?
  • Quand un investisseur lit notre one-pager, est-ce qu’il sourit ou baille ?
  • Est-ce que nous construisons une fonctionnalité… ou une catégorie ?
  • Si demain OpenAI ou Anthropic sort la même chose, est-ce que nous sommes morts en 3 mois ?
  • Enfin : est-ce que nous aimons assez ce problème pour y consacrer les 10 prochaines années, même si l’IA change complètement de paradigme d’ici là ?

Conclusion : 2026 sera l’année de la grande différenciation

Le message de Jennifer Neundorfer est clair : la fenêtre des « quick wins IA » se referme à toute vitesse. Ceux qui continueront à surfer sur les wrappers et les MVP low-effort risquent de se retrouver coincés quand les valorisations redescendront sur Terre.

À l’inverse, les fondateurs qui osent inventer de nouveaux paradigmes, qui écoutent leurs clients plutôt que les trending topics de Twitter, et qui savent raconter une histoire unique et crédible, auront encore de très belles années devant eux.

Comme elle le résume si bien : dans un monde où tout le monde a accès aux mêmes modèles open source, la vraie rareté, c’est l’imagination et l’exécution.

Alors la prochaine fois que vous préparerez votre pitch, demandez-vous : est-ce que je vends une amélioration… ou une révolution ?

La réponse déterminera probablement si vous ferez partie des survivants de la grande vague IA qui s’annonce.

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