Dans un coup de théâtre qui a laissé les employés de Cruise « sidérés », GM a annoncé mardi son intention d’abandonner le programme de robotaxis de sa filiale pour se recentrer sur le développement de véhicules autonomes personnels. Cette décision soulève de nombreuses questions sur l’avenir de la mobilité autonome et la stratégie des constructeurs automobiles dans ce domaine.
Une annonce brutale pour les équipes de Cruise
C’est par un simple message Slack que Marc Whitten, le PDG de Cruise nommé en juin dernier, a appris aux employés que GM ne financerait plus l’entreprise, mettant fin à une mission sur laquelle des centaines d’ingénieurs travaillaient depuis des années. Lors d’une réunion à la hâte, peu de détails supplémentaires ont été fournis, laissant le personnel dans l’incertitude quant à leur avenir professionnel.
Plusieurs employés de Cruise ont confié à TechCrunch avoir été « surpris » et « pris de court » par cette décision, apprenant la nouvelle en même temps que les médias. Un témoignage poignant de la brutalité de ce revirement stratégique.
GM mise sur les véhicules autonomes personnels
Alors que Cruise devait être absorbé par GM, la technologie développée par la startup sera réorientée vers la création de fonctionnalités d’aide à la conduite et, à terme, de véhicules personnels entièrement autonomes. Un pari audacieux de la part du géant automobile, qui semble ainsi prendre le contrepied de concurrents comme Waymo (Alphabet) ou Tesla, toujours engagés dans la course aux robotaxis.
Ce changement de cap intervient après des années de pression pour que Cruise commercialise ses robotaxis et génère enfin des revenus. Malgré des ambitions élevées et des progrès notables, comme l’obtention d’un permis pour opérer commercialement à San Francisco en août 2023, l’entreprise a dû repousser ses échéances et faire face à des défis de taille.
En 2021, GM prévoyait que Cruise aurait des dizaines de milliers de robotaxis Origin sur les routes, générant 50 milliards de dollars de revenus annuels d’ici la fin de la décennie.
– Projections de GM en 2021
Un accident qui a tout changé
Le tournant décisif semble avoir été l’accident du 2 octobre 2023, où un piéton est resté coincé sous un robotaxi Cruise avant d’être traîné. Cet incident, et la gestion de Cruise dans les instants qui ont suivi, ont entraîné :
- La perte des permis d’exploitation en Californie
- L’immobilisation de toute la flotte américaine
- La démission du co-fondateur et PDG Kyle Vogt
- Des vagues de licenciements
- Une reprise en main plus directe par GM
Malgré une tentative de redressement, avec notamment une bouée de sauvetage de 850 millions de dollars accordée par GM en juin pour relancer les tests à Phoenix, Dallas et Houston, le constructeur automobile a finalement décidé de jeter l’éponge.
Quelles leçons tirer de l’échec de Cruise ?
Au-delà du cas particulier de Cruise, cette décision de GM pose la question de la viabilité du modèle des robotaxis et de la maturité réelle de la technologie de conduite autonome. Malgré des investissements colossaux et des progrès indéniables, le chemin vers une adoption massive des véhicules autonomes semble encore long et semé d’embûches.
L’accident mortel d’Uber en 2018, et maintenant les déboires de Cruise, montrent que la sécurité reste un défi majeur. Les régulateurs et l’opinion publique seront-ils prêts à accepter les inévitables ratés d’une technologie encore en développement ? La question de la responsabilité en cas d’accident est également épineuse.
Sur le plan économique, la rentabilité des services de robotaxis reste à démontrer. Les coûts de développement et d’exploitation sont énormes, tandis que le prix que les utilisateurs sont prêts à payer pour ces services reste incertain. La concurrence des VTC avec chauffeur, bien implantés dans de nombreuses villes, est également féroce.
Quel avenir pour la conduite autonome ?
Malgré ce revers pour Cruise et les robotaxis, il serait prématuré d’enterrer la conduite autonome. De nombreux acteurs restent engagés dans cette voie, à l’image de Waymo, Argo AI (racheté par Ford et VW) ou Aurora. Tesla, avec son Autopilot controversé, propose également des fonctionnalités de conduite autonome de plus en plus poussées à ses clients.
Le pari de GM de se concentrer sur les véhicules autonomes personnels est intéressant. Plutôt que de viser directement un service de robotaxis, le constructeur mise sur une adoption progressive de la technologie, en commençant par des fonctions d’aide à la conduite de plus en plus sophistiquées. Une approche qui pourrait s’avérer payante à long terme, en familiarisant les conducteurs avec ces systèmes et en contournant certaines des difficultés rencontrées par les robotaxis.
Une chose est sûre : malgré les obstacles, la disruption du secteur automobile par la conduite autonome est en marche. Les constructeurs traditionnels l’ont bien compris et adaptent leurs stratégies en conséquence, à l’image de ce revirement de GM. Les prochaines années s’annoncent passionnantes et riches en rebondissements dans ce domaine. Affaire à suivre !