Imaginez : vous êtes l’homme le plus riche du monde, vous obtenez carte blanche du président des États-Unis pour tailler dans le vif du budget fédéral avec une équipe de choc venue de Tesla, SpaceX et X. Pendant quelques mois, vous avez le pouvoir de supprimer des agences entières, d’accéder aux bases de données ultra-sensibles et de faire trembler Washington. Et puis, du jour au lendemain… plus rien. C’est exactement ce qui vient d’arriver à Elon Musk et à son Department of Government Efficiency, plus connu sous le nom de DOGE.
Fin novembre 2025, l’information tombe comme un couperet : l’équipe n’existe plus. Officiellement dissoute, sans tambour ni trompette, alors qu’elle avait encore plus d’un an de mandat devant elle. Pour les entrepreneurs, les investisseurs tech et tous ceux qui suivent la collision entre Silicon Valley et politique, c’est un cas d’école fascinant – et parfois effrayant.
Retour sur la Genèse d’un Projet Fou
Janvier 2025. Donald Trump signe un executive order créant le DOGE. Objectif affiché : traquer la fraude, le gaspillage et moderniser une administration fédérale jugée obèse. À la tête ? Elon Musk, évidemment, accompagné de Vivek Ramaswamy et d’une escouade de profils ultra-techniques recrutés chez SpaceX, Neuralink ou Tesla.
Le nom DOGE n’est pas choisi au hasard. Clin d’œil au mème Dogecoin que Musk adore, il annonce la couleur : on va faire les choses différemment, avec l’esprit startup. Exit les lourdeurs bureaucratiques, place à la culture du “move fast and break things” version Washington.
« Nous allons appliquer les méthodes qui ont fait le succès de Tesla et SpaceX au gouvernement fédéral. »
– Elon Musk, janvier 2025
Ce Que DOGE a Vraiment Réussi (ou Pas)
Les chiffres officiels brandis par l’équipe DOGE étaient impressionnants : plusieurs dizaines de milliards de dollars d’économies revendiquées. Fermeture ou fusion d’agences jugées redondantes, suppression de programmes considérés comme inefficaces, chasse aux contrats douteux… Sur le papier, c’était la révolution promise.
Mais dès le printemps 2025, les critiques ont fusé. Beaucoup de parlementaires, même républicains, ont dénoncé des coupes brutales sans étude d’impact sérieuse. Pire : la fermeture express de l’USAID a été pointée du doigt dans plusieurs rapports comme responsable indirect de milliers de morts dans des zones de crise humanitaire.
- Accès à des bases de données contenant les données personnelles de centaines de millions d’Américains
- Accusations de failles de sécurité majeures (certaines fuites auraient déjà eu lieu)
- Recrutement de profils très jeunes, parfois sans habilitation de sécurité
- Conflits d’intérêts évidents entre les missions DOGE et les entreprises de Musk
La Rupture Musk-Trump : le Début de la Fin
Le clash était inévitable. Deux ego surdimensionnés dans la même pièce, ça ne pouvait pas durer éternellement. Dès l’été 2025, les fuites dans la presse se multiplient : désaccords sur la méthode, sur les cibles, sur la communication. Musk veut aller toujours plus vite, Trump veut garder la main sur certains bastions républicains traditionnels.
Elon finit par claquer la porte publiquement. Sans lui, le DOGE perd son aura médiatique et son principal bouclier politique. Les équipes restantes se retrouvent exposées : certains parlent déjà de possibles poursuites judiciaires sans la protection présidentielle que Musk aurait pu négocier.
Les Leçons Business à Retenir pour Tout Entrepreneur Tech
Oui, l’histoire DOGE est un échec politique. Mais elle regorge d’enseignements pour quiconque veut faire entrer la culture startup dans des environnements ultra-réglementés (grandes entreprises, administrations, secteurs historiques…).
Voici les 7 grandes leçons que j’en tire :
- La vitesse n’est pas toujours une amie – “Move fast” fonctionne à Palo Alto, moins à Washington où chaque décision impacte des millions de vies.
- Le politique reste le politique – même avec le soutien du président, vous resterez un intrus si vous menacez les fiefs établis.
- La cybersécurité n’est jamais négociable – accéder à des données sensibles sans processus rigoureux, c’est jouer à la roulette russe réputationnelle.
- Conflits d’intérêts : anticipez-les – quand votre entreprise privée peut bénéficier directement de vos décisions publiques, préparez la défense dès le jour 1.
- Une équipe brillante ne remplace pas la légitimité institutionnelle – recruter les meilleurs ingénieurs ne suffit pas si personne ne comprend les rouages politiques.
- La communication de crise est vitale – DOGE a souvent répondu par le mème là où il fallait des rapports détaillés et sourcés.
- Préparez toujours une porte de sortie – plusieurs membres DOGE se retrouvent aujourd’hui sans protection juridique claire.
Et Maintenant ? L’Héritage DOGE Va-t-il Survivre ?
Officiellement, le DOGE “n’existe plus” depuis début novembre 2025, selon Scott Kupor, directeur de l’OPM. Mais certains principes continuent : dérégulation ciblée, chasse au gaspillage, digitalisation de certains services. Des équipes dispersées dans différents ministères poursuivent discrètement le travail.
Amy Gleason, ancienne administratrice par intérim, a même posté un mème Doge avec la légende “I’m alive”. Message clair : l’esprit persiste, même si la structure centrale a explosé.
Ce Que Cela Nous Dit de l’Avenir Tech x Politique
L’épisode DOGE marque probablement la fin d’une ère : celle où un milliardaire tech pouvait débarquer à Washington avec une équipe de 200 personnes et refaire le gouvernement en six mois. Trop naïf, trop brutal, trop exposé.
Mais il ouvre aussi une nouvelle phase : des interventions plus discrètes, plus préparées, souvent via des advisory boards ou des partenariats public-privé mieux encadrés. On voit déjà des anciens de DOGE rejoindre des think tanks ou créer des cabinets de conseil spécialisés “government efficiency as a service”.
Pour les startups et scale-ups qui regardent vers les marchés publics (défense, santé, énergie, éducation…), l’histoire DOGE est un signal fort : oui, les opportunités sont immenses, mais le terrain est miné. La prochaine génération d’entrepreneurs tech-politique sera forcément plus politique que tech.
Conclusion : le Mème Est Mort, Vive l’Efficacité ?
Le DOGE aura duré moins d’un an. Un feu de paille médiatique monumental qui laisse derrière lui des cicatrices, quelques économies réelles, beaucoup de polémiques et des leçons inestimables.
Pour nous entrepreneurs, investisseurs et passionnés de tech, c’est un rappel brutal : la disruption pure et dure fonctionne rarement quand on touche à l’État. L’avenir appartiendra à ceux qui sauront marier l’audace de la Silicon Valley avec la patience et la compréhension des institutions.
Le chien mème est peut-être retourné sur Internet, mais la quête d’un gouvernement plus efficace, elle, ne fait que commencer. Et cette fois, elle se fera probablement sans les projecteurs… et sans Elon Musk aux commandes.






