Fisker, le Constructeur EV Novateur, Dépose le Bilan

C’est un coup de tonnerre dans l’industrie des véhicules électriques. Fisker Group Inc., la startup EV fondée par le célèbre designer automobile Henrik Fisker, vient de déposer le bilan, mettant ainsi un terme à des mois de problèmes avec son SUV électrique, l’Ocean. Retour sur l’ascension fulgurante et la chute brutale d’un constructeur qui se voulait révolutionnaire.

Fisker, le pari audacieux d’un designer visionnaire

Henrik Fisker n’est pas un novice dans l’industrie automobile. Ce designer de renom, qui a œuvré pour BMW et Aston Martin, avait déjà tenté l’aventure entrepreneuriale en 2007 avec Fisker Automotive. Malheureusement, après avoir produit une sportive hybride haut de gamme, l’entreprise avait dû déposer le bilan en 2013, victime de problèmes de qualité et de facteurs externes.

Nullement découragé, Henrik Fisker a remis le couvert en 2016 avec Fisker Inc., rebaptisé ensuite Fisker Group. Son ambition : devenir le « Apple de l’automobile » en produisant des véhicules électriques premium et innovants. Pour cela, il a misé sur un modèle original : la sous-traitance totale de la production à des spécialistes comme le Canadien Magna, sur le modèle de la relation entre Apple et Foxconn.

Notre idée est de nous concentrer sur le design, l’ingénierie et l’expérience utilisateur. Nous ne voulons pas posséder nos usines.

– Henrik Fisker

Pour financer son développement, Fisker a opté pour une introduction en bourse via une SPAC (Special Purpose Acquisition Company) fin 2020. Portée par l’engouement des investisseurs pour la mobilité électrique, la startup a levé plus de 1 milliard de dollars, atteignant une valorisation de près de 3 milliards.

L’Ocean, un SUV électrique trop ambitieux

Fort de cette manne financière, Fisker s’est attelé à développer son premier modèle, l’Ocean. Un SUV 100% électrique aux lignes fluides et aux innovations séduisantes comme un toit solaire et un écran rotatif géant. Proposé à partir de 37 500 dollars (bonus déduit), il visait à concurrencer les Tesla Model Y et Ford Mustang Mach-E.

Produit par Magna dans son usine autrichienne, l’Ocean a commencé à être livré fin 2022 après de multiples reports. Mais rapidement, les problèmes se sont accumulés :

  • Défauts de fabrication et de finition
  • Bugs logiciels récurrents
  • Performances en deçà des promesses (autonomie, recharge…)
  • Manque de pièces détachées et difficultés pour obtenir un rendez-vous en concession

Conséquence : une avalanche de plaintes de clients, certains dénonçant un véhicule « inutilisable au quotidien ». Des dizaines de recours en lemon law (garantie des vices cachés) ont été déposés aux États-Unis. Et certains analystes ont commencé à parler d’un « Fiskasco », en référence au fiasco du lancement de la Ford Edsel dans les années 50.

Les erreurs stratégiques de Fisker

Face à cette crise, Fisker s’est retrouvé pris au dépourvu. La startup a commis plusieurs erreurs majeures :

  • Absence de maîtrise de sa chaîne de production
  • Manque d’expérience dans la production de masse
  • Incapacité à mettre en place un service après-vente efficace
  • Gestion financière hasardeuse

Dès le premier trimestre 2023, Fisker affichait une perte nette de 122 millions de dollars. Son cash burn élevé et ses faibles livraisons (à peine 1 200 Ocean au 1er semestre) ont fait plonger son cours de bourse de plus de 60%. Et surtout, ont entamé la confiance des investisseurs et des partenaires.

Malgré des mesures d’économies (licenciements, abandon de projets…) et un changement de modèle (passage à la vente via des concessions), Fisker n’a pu enrayer la spirale. Lâché par Magna et Foxconn, faute de paiement, le constructeur n’a eu d’autre choix que de jeter l’éponge.

Quel avenir pour la mobilité électrique ?

Le dépôt de bilan de Fisker est un nouveau coup dur pour une industrie des véhicules électriques en pleine consolidation. Après des années d’euphorie, le marché se rationalise face aux défis technologiques, industriels et commerciaux de cette révolution.

Pour les spécialistes, cet échec démontre qu’il ne suffit pas d’être un bon designer et communicant pour percer dans l’automobile. Il faut aussi une véritable expertise industrielle, une solidité financière et une qualité irréprochable. Des points sur lesquels Tesla a su faire la différence, malgré des débuts chaotiques.

Le cas Fisker illustre les limites du modèle de la startup automobile. Seuls les grands constructeurs traditionnels ont les reins assez solides pour réussir la transition électrique à grande échelle.

– Ferdinand Dudenhöffer, directeur du Center for Automotive Research

Cela ne signifie pas la fin de l’innovation dans la mobilité électrique, portée par une myriade de startups dans les batteries, les logiciels ou les services. Mais ces pépites ont vocation à nouer des alliances ou se faire racheter par des mastodontes comme Volkswagen, General Motors ou Toyota pour amplifier leur impact.

La faillite de Fisker n’est peut-être qu’un accident industriel parmi d’autres. Mais elle a valeur d’avertissement pour une industrie automobile en pleine mutation, où les audacieux ne sont pas toujours les mieux armés pour aller au bout de leurs rêves.

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