Fusion Nucléaire en Mer : La Startup Qui Révolutionne l’Énergie

Imaginez un porte-conteneurs traversant le Pacifique sans jamais faire escale pour ravitailler en carburant, alimenté par une source d’énergie pratiquement illimitée, propre et sans risque de meltdown. Cela ressemble à de la science-fiction ? Pourtant, une startup toute fraîche sortie de Y Combinator est en train de rendre cela possible. Maritime Fusion veut construire le premier réacteur à fusion nucléaire… directement sur un bateau.

Oui, vous avez bien lu. Alors que la plupart des acteurs de la fusion se battent pour allumer leur premier réacteur sur la terre ferme, Justin Cohen, CEO de Maritime Fusion, a décidé de prendre la mer. Et il vient de lever 4,5 millions de dollars pour prouver que son pari fou est tout sauf insensé.

Pourquoi la mer et pas la terre ? L’argument économique qui change tout

Sur le réseau électrique terrestre, la concurrence est féroce. Le solaire et l’éolien ont vu leurs coûts chuter de façon spectaculaire ces dernières années. Un réacteur à fusion de première génération, même s’il fonctionne, aura du mal à être compétitif face à des panneaux à 20 $/MWh.

En haute mer, c’est une tout autre histoire.

« Compétitionner contre le solaire et l’éolien sur le grid est extrêmement difficile d’un point de vue coût. À l’inverse, l’ammoniac vert et l’hydrogène sont parmi les carburants les plus chers du marché maritime. C’est précisément là que la fusion de première génération peut être compétitive dès le départ. »

– Justin Cohen, CEO et cofondateur de Maritime Fusion

Le transport maritime représente près de 3 % des émissions mondiales de CO₂. L’IMO (Organisation Maritime Internationale) impose désormais des objectifs drastiques de décarbonation : –40 % d’émissions d’ici 2030, neutralité carbone en 2050. Les armateurs sont prêts à payer cher pour une solution zéro carbone crédible.

Un précédent historique qui rassure : la fission a déjà navigué

Les sous-marins nucléaires américains et les porte-avions de la classe Nimitz fonctionnent depuis des décennies avec des réacteurs à fission. Ils traversent les océans pendant 20 à 30 ans sans ravitaillement. Le NS Savannah, premier cargo civil nucléaire, a même navigué dans les années 1960.

La fusion apporte exactement les mêmes avantages… en mieux :

  • Zéro risque de meltdown (la réaction s’arrête instantanément si le confinement est perdu)
  • Pas de déchets radioactifs à longue vie
  • Aucune matière fissile, donc zéro risque de prolifération
  • Carburant extrait de l’eau de mer (deutérium + tritium produit à partir de lithium)

Le projet Yinsen : 30 MW en 2032 pour 1,1 milliard de dollars

Le premier réacteur de Maritime Fusion s’appellera Yinsen. Caractéristiques annoncées :

  • Dorgane>Puissance : environ 30 MW électriques
  • Diamètre du tokamak : ~8 mètres
  • Mise en service prévue : 2032
  • Coût estimé : 1,1 milliard de dollars

À titre de comparaison, Commonwealth Fusion Systems (CFS), leader incontesté du secteur, a levé près de 3 milliards de dollars et vise une démonstration de gain net (Sparc) en 2026, puis une centrale commerciale (Arc) début 2030. Maritime Fusion prend donc un chemin radicalement différent : pas de démonstrateur intermédiaire, directement un réacteur qui produit de l’électricité pour un client réel.

La technologie au cœur : les câbles supraconducteurs HTS

Comme la majorité des projets sérieux aujourd’hui, Maritime Fusion mise sur des aimants haute température (HTS) à base de ruban REBCO. La startup fabrique déjà ses propres câbles supraconducteurs dans son atelier et les teste rigoureusement.

Ces câbles seront à la fois :

  • organe>Utilisés pour construire leur propre tokamak
  • Vendus à d’autres acteurs de la fusion pour générer du chiffre d’affaires dès aujourd’hui

Stratégie maligne : transformer un poste de coût (l’achat de ruban japonais) en source de revenus immédiate.

Une levée de fonds impressionnante pour une idée aussi audacieuse

4,5 millions de dollars en seed, ça peut paraître modeste face aux milliards de CFS ou Helion. Pourtant, le tour de table est exceptionnel par sa qualité :

  • Lead : Trucks Venture Capital (spécialisé… transport)
  • Aera VC, Alumni Ventures
  • Paul Graham (fondateur de Y Combinator) en personne
  • Y Combinator (batch hiver 2025)
  • Une ribambelle d’anges de la tech

Quand Paul Graham investit dans une idée d’énergie aussi hardcore, on écoute.

Les défis techniques (et ils sont énormes)

Mettre un tokamak sur un bateau n’est pas une promenade de santé. Parmi les obstacles :

  • Stabilité du plasma malgré le roulis et le tangage
  • Refroidissement en milieu marin (mais l’eau de mer à disposition aide…)
  • Systèmes de support compacts (extraction de chaleur, conversion en électricité)
  • Réglementation maritime nucléaire (l’AIEA et les pavillons vont adorer)

Maritime Fusion compte simplifier en déportant certaines fonctions à terre (traitement du combustible, par exemple).

Et l’IA dans tout ça ?

Le boom actuel de la fusion doit énormément aux progrès en intelligence artificielle. Contrôle en temps réel du plasma, optimisation des champs magnétiques, prédiction des instabilités : tout repose sur des modèles d’IA entrainés sur des dizaines de millions d’heures de données de tokamaks existants.

Maritime Fusion, comme tous les acteurs sérieux, s’appuie massivement sur ces outils. Et c’est aussi ce qui rend crédible l’idée qu’une petite équipe puisse rattraper des années de retard : les algorithmes font une grande partie du travail lourd.

Ce que ça change pour les investisseurs et entrepreneurs tech

Maritime Fusion nous rappelle une leçon essentielle : dans les deep techs, le premier marché n’est pas toujours le plus évident.

Beaucoup de fondateurs se focalisent sur le marché le plus grand (l’électricité terrestre) alors qu’un marché plus petit, plus cher, mais avec une douleur immense (le shipping zéro carbone) peut être la porte d’entrée parfaite.

C’est exactement la même logique qui a permis à SpaceX de démarrer avec des lancements gouvernementaux avant de viser le Starlink grand public.

Conclusion : un pari fou… ou visionnaire ?

En 2032, soit nous rirons de cette startup qui voulait mettre un soleil en bouteille sur un bateau, soit nous assisterons au lancement du premier navire à propulsion nucléaire propre de l’histoire moderne.

Une chose est sûre : dans un secteur où tout le monde copie les mêmes roadmaps terrestres, Maritime Fusion ose une stratégie radicalement différente. Et dans les technologies de rupture, c’est souvent celui qui prend le chemin le moins fréquenté qui arrive le premier.

À suivre de très près.

author avatar
MondeTech.fr

À lire également