Géo-ingénierie : Make Sunsets Défie l’EPA de Trump

Et si une startup de deux personnes pouvait changer le climat mondial avec des ballons remplis de dioxyde de soufre ? Cette idée audacieuse, portée par Make Sunsets, une entreprise basée à Silicon Valley, a attiré l’attention – et les foudres – de l’Agence de Protection de l’Environnement (EPA) sous l’administration Trump. Alors que le monde lutte pour réduire les émissions de carbone, cette initiative de géo-ingénierie soulève des questions cruciales : innovation salvatrice ou expérimentation risquée ? Dans cet article, nous plongeons dans cette saga technologique, explorant les motivations de Make Sunsets, les critiques de l’EPA, et les implications pour les startups et les politiques environnementales.

Make Sunsets : Une Vision Audacieuse pour le Climat

Fondée par Luke Iseman et Andrew Song, deux entrepreneurs sans formation scientifique formelle, Make Sunsets propose une solution radicale pour contrer le réchauffement climatique. Leur méthode ? Lancer des ballons météorologiques remplis d’hydrogène et de dioxyde de soufre (SO₂) dans la stratosphère, à plus de 20 kilomètres d’altitude. Une fois là-haut, les ballons éclatent, libérant des particules qui réfléchissent la lumière du soleil, réduisant ainsi légèrement la température terrestre. Cette technique, inspirée par des phénomènes naturels comme l’éruption du volcan Pinatubo en 1991, qui a temporairement refroidi la planète, est connue sous le nom d’aerosol injection stratosphérique.

Leur modèle économique est tout aussi innovant : ils vendent des crédits de refroidissement, permettant aux clients d’acheter l’équivalent d’une réduction de réchauffement climatique. Selon leurs données, un gramme de SO₂ injecté dans la stratosphère peut compenser l’effet d’une tonne de CO₂ pendant un an. Avec 147 ballons lancés et 128 000 crédits vendus depuis 2023, Make Sunsets a déjà attiré 750 000 dollars d’investissements de fonds comme Boost VC et Draper Associates. Mais cette ambition ne passe pas inaperçue, surtout auprès des régulateurs.

Nous sommes une startup de deux personnes, et fiers que l’EPA nous prête attention. L’injection d’aérosols dans la stratosphère a un effet incroyable : une tonne de SO₂ compense un million de tonnes de CO₂.

– Make Sunsets, réponse sur X

L’EPA de Trump Passe à l’Action

En avril 2025, l’EPA, dirigée par Lee Zeldin, a lancé une enquête sur Make Sunsets, accusant la startup de pollution atmosphérique. Selon Zeldin, le dioxyde de soufre, un polluant réglementé par le Clean Air Act, menace la qualité de l’air. L’agence a exigé des informations détaillées sur les lancements de ballons, y compris les dates, lieux, et quantités de SO₂ libérées, sous peine de sanctions financières ou pénales. Cette démarche intervient dans un contexte où l’administration Trump promeut des politiques favorables aux énergies fossiles, notamment le charbon, qui génère des quantités massives de SO₂.

Pour mettre les choses en perspective, un ballon de Make Sunsets libère environ 1,7 kg de dioxyde de soufre, tandis que les centrales électriques américaines ont émis 650 000 tonnes de SO₂ en 2023, principalement via le charbon. Cela équivaut à l’impact de 343 millions de ballons de la startup ! Cette disproportion soulève des questions sur la cohérence de l’EPA : pourquoi cibler une petite startup alors que les grandes industries polluantes bénéficient de dérégulations massives ?

L’idée que des individus, soutenus par des capital-risqueurs, injectent des polluants dans l’air pour vendre des crédits de refroidissement montre à quel point l’extrémisme climatique a supplanté le bon sens.

– Lee Zeldin, Administrateur de l’EPA

Géo-ingénierie : Science ou Risque Incontrôlé ?

La géo-ingénierie divise profondément les experts. D’un côté, ses défenseurs soutiennent qu’elle pourrait être une solution d’urgence face à l’inaction climatique. La science derrière l’injection de SO₂ est solide : en 2020, la réduction du soufre dans les carburants maritimes a accidentellement démontré son rôle dans la réflexion solaire. Un climatologue de renom a même plaidé pour son utilisation contrôlée. De l’autre côté, les critiques mettent en garde contre des effets secondaires imprévisibles : modification des régimes de pluie, sécheresses dans certaines régions, ou encore dommages à la couche d’ozone.

Si les particules de SO₂ descendent trop bas, elles pourraient également aggraver des problèmes respiratoires comme l’asthme. Ces incertitudes expliquent pourquoi des pays comme le Mexique ont interdit les activités de Make Sunsets dès 2023, après des lancements non autorisés à Baja California. Les scientifiques appellent à une gouvernance internationale stricte, mais aucun cadre global n’existe pour réguler la géo-ingénierie.

Une Réglementation Floue et Controversée

Make Sunsets affirme que ses actions sont légales, se référant à la Weather Modification Act de 1976, qui oblige à signaler les activités de modification météorologique à la NOAA. Cependant, cette loi visait principalement le cloud seeding (ensemencement des nuages) pour provoquer la pluie, et non la modification climatique à grande échelle. Cette ambiguïté juridique place la startup dans une zone grise, où l’EPA pourrait avoir du mal à appliquer des sanctions claires.

Par ailleurs, l’approche de l’EPA sous Trump semble paradoxale. Alors que Zeldin cible Make Sunsets, son administration a annoncé en mars 2025 la plus grande vague de dérégulation environnementale de l’histoire américaine, supprimant 31 règles sur la pollution de l’air et de l’eau. Ces mesures favorisent les industries fossiles, qui émettent des polluants bien plus massifs que les ballons de la startup. Cette incohérence alimente les soupçons d’une action motivée par des considérations politiques plutôt que scientifiques.

Les Enjeux pour les Startups Technologiques

Pour les entrepreneurs et investisseurs, l’affaire Make Sunsets est un cas d’école. Elle illustre les défis de l’innovation dans des domaines sensibles comme l’environnement. D’un côté, la startup incarne l’esprit disruptif de Silicon Valley : une petite équipe, un budget modeste, et une vision ambitieuse pour résoudre un problème mondial. De l’autre, elle montre les risques de contourner les régulations et de s’aventurer dans des territoires scientifiques mal compris.

Les startups technologiques doivent naviguer entre innovation et responsabilité. Les investisseurs, comme Boost VC ou Draper Associates, soutiennent des projets audacieux, mais ils doivent aussi anticiper les réactions des régulateurs et du public. Dans le cas de Make Sunsets, l’absence de validation scientifique tierce et de transparence sur les lancements a alimenté la méfiance, rendant l’entreprise vulnérable aux critiques.

Perspectives et Débats Futurs

Le conflit entre Make Sunsets et l’EPA met en lumière des questions fondamentales pour l’avenir de la géo-ingénierie et des technologies climatiques. Alors que le changement climatique s’accélère, les solutions non conventionnelles pourraient gagner en popularité, mais elles nécessitent un encadrement rigoureux. Voici les principaux points à retenir :

  • La géo-ingénierie, bien que prometteuse, comporte des risques environnementaux et sociaux mal compris.
  • Les startups doivent collaborer avec les scientifiques et les régulateurs pour établir la confiance.
  • Les politiques environnementales doivent évoluer pour encadrer les innovations climatiques sans étouffer l’innovation.

À mesure que le débat sur la géo-ingénierie s’intensifie, des initiatives comme celle de Make Sunsets continueront de provoquer des remous. Leur audace pourrait inspirer d’autres entrepreneurs, mais elle rappelle aussi l’importance d’une approche équilibrée entre ambition technologique et responsabilité sociétale. L’EPA, de son côté, devra clarifier ses priorités : protéger la santé publique ou soutenir une transition énergétique cohérente ?

En conclusion, l’histoire de Make Sunsets est plus qu’un simple affrontement entre une startup et un régulateur. Elle incarne les tensions entre innovation, science, et politique dans la lutte contre le changement climatique. Pour les entrepreneurs, marketeurs, et technologues, elle offre une leçon précieuse : disrupter, oui, mais avec prudence et transparence. Le climat de demain dépendra de notre capacité à allier audace et sagesse.

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