Quelques mois après avoir ouvert une enquête sur la conformité d’Apple au Digital Markets Act (DMA), la Commission européenne a partagé ses conclusions préliminaires avec la firme à la pomme. Le verdict est sans appel : les règles actuelles de l’App Store enfreignent le DMA. Les violations confirmées du DMA peuvent entraîner des amendes allant jusqu’à 10% du chiffre d’affaires annuel mondial.
« ‘Agir différemment’ devrait être leur nouveau slogan », a écrit sur X le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton. « Pendant trop longtemps, Apple a étouffé les entreprises innovantes, privant les consommateurs de nouvelles opportunités et de choix. »
– Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur
Promotion des canaux alternatifs par les développeurs
Dans ce cas précis, la Commission européenne estime que les développeurs tiers devraient pouvoir informer gratuitement les clients des possibilités d’achat alternatives. Actuellement, les développeurs qui ont publié des applications sur l’App Store ne peuvent pas faire la publicité de prix différents ou de canaux de distribution alternatifs dans leurs applications.
Même si Apple autorise désormais les développeurs à inclure un lien vers leur site, la Commission européenne estime qu’il y a trop de restrictions avec ce mécanisme de lien sortant. Même si les développeurs redirigent les utilisateurs vers leurs sites Web et gèrent les transactions sur ces derniers, ils doivent déclarer les transactions à Apple et payer une commission.
Une nouvelle enquête sur les conditions contractuelles d’Apple
En plus de ces conclusions préliminaires, la Commission européenne ouvre une troisième enquête sur les nouvelles conditions contractuelles d’Apple pour les développeurs de l’UE. Cette fois-ci, la Commission va se concentrer sur les controversés frais technologiques (CTF) et les app stores alternatifs.
Les développeurs européens peuvent conserver les conditions commerciales standard ou choisir de nouvelles conditions leur permettant de distribuer leurs applications en dehors de l’App Store. Cependant, ces nouvelles conditions entraînent des frais de 0,50 € par application installée après un million de téléchargements.
« Nous craignons qu’Apple ait conçu son nouveau modèle commercial pour décourager les développeurs d’applications et les utilisateurs finaux de profiter des opportunités offertes par le DMA. »
– Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission en charge de la politique de concurrence
Des ajustements possibles pour éviter une lourde amende
Concernant les conclusions préliminaires communiquées, Apple peut maintenant répondre par écrit à la Commission européenne. La décision finale est attendue un an après l’ouverture de l’enquête formelle, ce qui signifie qu’Apple peut négocier avec l’UE et ajuster une nouvelle fois ses conditions commerciales pour éviter une lourde amende.
Dans un communiqué, la société a déclaré : « Apple a apporté un certain nombre de changements pour se conformer au DMA en réponse aux commentaires des développeurs et de la Commission européenne. Nous sommes convaincus que notre plan est conforme à la loi et estimons que plus de 99 % des développeurs paieraient les mêmes frais ou moins à Apple dans le cadre des nouvelles conditions commerciales que nous avons créées. »
Le parcours multi-étapes pour installer un app store alternatif
Si vous avez essayé d’installer un app store tiers dans l’UE, comme AltStore, Setapp Mobile ou Aptoide, vous avez peut-être remarqué que cela nécessite plusieurs étapes. Vous obtenez d’abord une erreur dans votre navigateur, puis devez ouvrir l’application Paramètres, accepter les installations d’applications à partir de ce site, revenir au navigateur, télécharger à nouveau l’app store alternatif et accepter les fenêtres contextuelles sur les risques liés.
La Commission examinera ce « parcours utilisateur en plusieurs étapes » et sa conformité aux règles du DMA. Elle souligne que le DMA est clair :
« les contrôleurs d’accès doivent permettre aux app stores alternatifs de s’établir sur leurs plateformes et aux consommateurs d’être pleinement informés des offres qui leur sont proposées, afin qu’ils puissent choisir librement où ils veulent s’approvisionner en applications, et à quelles conditions. »
Un coup dur pour la stratégie d’Apple
Ces conclusions mettent à mal la stratégie d’Apple qui consiste à garder un fort contrôle sur son écosystème d’applications mobiles. L’ouverture forcée à la concurrence va obliger l’entreprise à revoir son modèle et potentiellement réduire ses marges sur l’App Store.
C’est une excellente nouvelle pour les développeurs et les consommateurs qui devraient bénéficier de plus de choix et d’innovation. De nombreuses start-ups et éditeurs d’applications se plaignaient depuis des années des restrictions et des commissions élevées de l’App Store.
Reste à voir comment Apple va s’adapter à ces nouvelles règles et si cela va significativement changer la donne sur le marché des applications mobiles. Une chose est sûre, le DMA marque un tournant majeur dans la régulation des géants du numérique en Europe, avec des conséquences importantes pour leurs modèles d’affaires.