Imaginez un monde où votre abonnement Netflix finance directement la création de séries canadiennes. C’est exactement ce qui va se passer au Canada dès septembre. Le régulateur canadien de l’audiovisuel a en effet annoncé que les plateformes de streaming comme Netflix, Disney+ et Spotify seront dans l’obligation de consacrer 5% de leurs revenus générés au Canada au financement de contenus locaux.
Une nouvelle loi pour soutenir la création canadienne
Adoptée en 2023, la Loi sur la diffusion continue en ligne crée un cadre légal pour réglementer les plateformes numériques. Son objectif : les obliger à contribuer financièrement à la création, la production, la distribution et la promotion de contenus canadiens, qu’il s’agisse de musique, d’émissions télévisées ou de séries.
Cette mesure soumet les plateformes de streaming aux mêmes règles que les radiodiffuseurs canadiens traditionnels. Selon les estimations du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), elle devrait permettre d’injecter 200 millions de dollars canadiens (environ 134 millions d’euros) par an dans le secteur audiovisuel du pays.
Le financement sera consacré à des domaines où le système canadien de radiodiffusion a des besoins immédiats.
CRTC
Parmi les secteurs prioritaires, le régulateur cite notamment :
- L’actualité locale
- Les contenus autochtones
- Les contenus francophones
Une « taxe discriminatoire » pour les plateformes de streaming ?
Sans surprise, cette nouvelle réglementation ne fait pas l’unanimité chez les géants du streaming. Pour Graham Davies, président de la Digital Media Association qui représente Amazon Music, Apple Music et Spotify, il s’agit d’une « taxe discriminatoire » qui pourrait aggraver « la crise du pouvoir d’achat » touchant actuellement le Canada, en particulier chez les jeunes qui sont les principaux utilisateurs de ces plateformes.
De son côté, l’Association cinématographique – Canada, qui regroupe les grands studios hollywoodiens comme Disney, Netflix ou Warner Bros., souligne que cette décision « va compliquer la tâche des diffuseurs internationaux qui souhaitent collaborer directement avec les créateurs canadiens ». Pourtant, selon l’association, ces studios et services de streaming dépenseraient déjà plus de 6,7 milliards de dollars canadiens (4,5 milliards d’euros) dans l’industrie canadienne.
Un rééquilibrage nécessaire pour la ministre du Patrimoine canadien
Face à ces critiques, la ministre du Patrimoine canadien Pascale St-Onge défend cette taxe en assurant que l’argent récolté « sera réinvesti dans la création canadienne, qu’il s’agisse de musique, de séries télévisées ou de films, et sera très probablement réinjecté dans les plateformes (de streaming) ».
De plus, le CRTC a précisé que les plateformes bénéficieront d’une certaine souplesse leur permettant d’allouer directement une partie de leurs contributions. Une manière de leur laisser un peu de contrôle sur leurs investissements.
Le Canada, pionnier de la réglementation des géants du web
Avec cette loi, le Canada s’inscrit dans une tendance de fond visant à mieux réguler les géants du numérique. Ces dernières années, le gouvernement canadien a en effet multiplié les mesures en ce sens.
- En 2021, Ottawa a conclu un accord avec Facebook (Meta) pour le forcer à rémunérer les médias pour leurs contenus partagés sur la plateforme.
- En 2022, le Canada a adopté une loi visant à réguler les contenus en ligne, notamment pour lutter contre la désinformation.
Nul doute que d’autres pays suivront avec attention l’exemple canadien et pourraient s’en inspirer pour rééquilibrer les rapports de force avec les GAFAM. La France, qui a déjà imposé une taxe sur les revenus publicitaires des géants du numérique, pourrait-elle être la prochaine à franchir le pas pour le streaming ? Réponse dans les prochains mois.