Les constructeurs chinois de véhicules électriques font face à un nouveau défi dans leur quête de conquête du marché américain. Un projet de loi déposé à la Chambre des représentants vise en effet à limiter, voire interdire, l’introduction aux États-Unis de leurs véhicules connectés. Cette initiative législative intervient dans un contexte de guerre commerciale exacerbée entre Washington et Pékin, suite à la décision de l’administration Biden de quadrupler les droits de douane sur les véhicules électriques chinois importés, les portant à 100%.
Une percée limitée sur le marché américain
Jusqu’à présent, les constructeurs chinois de véhicules électriques n’ont pas réussi à s’implanter significativement aux États-Unis, contrairement à leur percée en Europe. L’objectif du projet de loi semble être de freiner ces acteurs avant qu’ils ne puissent inonder le marché américain avec des voitures intelligentes et bon marché.
Si on les laisse entrer sur nos marchés, les véhicules connectés chinois offrent au gouvernement chinois une mine d’or de renseignements précieux sur les États-Unis.
Elissa Slotkin, représentante démocrate du Michigan
Elissa Slotkin, ancienne analyste de la CIA et ex-responsable du Pentagone, met en garde le Congrès contre la menace que représentent selon elle les véhicules connectés fabriqués en Chine. Dans un discours à la Chambre, elle a expliqué comment Pékin subventionne massivement son industrie automobile pour vendre des véhicules électriques sophistiqués et peu coûteux, équipés de capteurs (lidar, radar, caméras) capables de collecter et transmettre des données aux autorités chinoises.
Collecter des données sensibles
Selon la représentante démocrate, ces véhicules pourraient permettre au gouvernement chinois de recueillir des informations sur :
- Les bases militaires américaines
- Les infrastructures critiques (réseau électrique, systèmes de transport)
- La localisation de dirigeants américains spécifiques
La semaine dernière, des dispositions défendues par Elissa Slotkin, comme l’interdiction des véhicules connectés chinois sur les bases militaires américaines, ont été intégrées au budget annuel de défense du gouvernement.
Examiner toutes les transactions
Le projet de loi « Connected Vehicle National Security Review Act » ne se limiterait pas aux véhicules électriques, mais s’appliquerait aussi aux véhicules autonomes. Plusieurs entreprises liées à la Chine, comme WeRide et Pony.ai, testent actuellement leurs technologies en Californie.
S’il est adopté, le texte donnerait au Département du Commerce le pouvoir d’examiner toute vente, importation ou transaction impliquant un véhicule connecté « conçu, fabriqué ou fourni » par une entreprise ayant un lien quelconque avec la Chine ou un pays considéré comme préoccupant. Une mesure qui va au-delà des outils traditionnels de restriction commerciale comme les droits de douane.
Renforcer la sécurité nationale
La proposition législative donnerait une base juridique claire au Département du Commerce et à d’autres agences fédérales pour renforcer les protections en matière de sécurité nationale. Elle vise aussi à empêcher de futures administrations de revenir sur ces mesures, une hypothèse qu’Elissa Slotkin juge plausible au vu des revirements de Donald Trump sur l’application TikTok.
Ce projet de loi s’inscrit dans un contexte de préoccupations accrues des États-Unis face à la puissance chinoise en matière de données, alors même que Pékin assouplit les règles régissant les flux transfrontaliers de données. Le constructeur Tesla chercherait à obtenir le feu vert pour envoyer les données de ses véhicules connectés aux États-Unis afin d’entraîner ses algorithmes de conduite autonome.
Quid des constructeurs européens ?
Si le projet de loi cible principalement les entreprises chinoises, qu’en est-il des constructeurs automobiles européens présents aux États-Unis mais appartenant à des groupes chinois, comme Volvo et Polestar (propriété de Geely) ? Un porte-parole de Polestar a assuré que l’entreprise, basée en Suède, ne partageait pas les données personnelles de ses clients nord-américains et européens avec la Chine, conformément au RGPD.
Néanmoins, le texte proposé ne dispenserait pas de contrôle les véhicules fabriqués dans des pays alliés ou sur le sol américain. Une mesure qui pourrait viser des constructeurs comme BYD, dont la PDG envisage d’ouvrir une usine au Mexique pour servir le marché nord-américain.
Alors que la compétition s’intensifie dans le secteur des véhicules électriques et connectés, ce projet de loi illustre la volonté des États-Unis de se prémunir contre les risques d’espionnage et d’ingérence étrangère, quitte à dresser de nouvelles barrières commerciales. Une tendance au protectionnisme technologique qui risque de compliquer les ambitions des constructeurs chinois outre-Atlantique.