Imaginez poster une vidéo que vous avez passé des heures à monter, pleine de valeur pour votre audience… et constater que seuls 5 % de vos abonnés la voient. Ce scénario, autrefois exceptionnel, est devenu la norme en 2025. Les algorithmes ont pris le pouvoir total sur les plateformes sociales, reléguant le nombre de followers au rang de simple vanité métrique. Pour les entrepreneurs, marketeurs et créateurs qui construisent leur business autour du digital, cette évolution change profondément la donne.
Les dirigeants du secteur de l’économie des créateurs s’accordent sur un point : jamais le compteur d’abonnés n’a eu aussi peu d’importance. Cette mutation, accélérée par l’explosion de l’intelligence artificielle et des feeds algorithmiques, force les acteurs du marché à repenser entièrement leurs stratégies de croissance et de monétisation.
L’algorithme a définitivement pris le contrôle
En 2025, les plateformes comme Instagram, TikTok ou YouTube ne fonctionent plus sur le modèle chronologique. L’algorithme décide seul ce qui apparaît dans le fil d’actualité de chaque utilisateur. Résultat : même avec des centaines de milliers d’abonnés, rien ne garantit que votre contenu atteigne votre communauté.
Amber Venz Box, PDG de LTK – plateforme majeure d’affiliation pour influenceurs – résume parfaitement la situation :
« Je pense que 2025 a été l’année où l’algorithme a complètement pris le pouvoir, rendant les abonnements totalement obsolètes. »
– Amber Venz Box, CEO de LTK
Cette réalité n’est pas nouvelle pour les pionniers comme Jack Conte, fondateur de Patreon, qui alerte depuis des années sur la fragilité des relations créateur-audience sur les grandes plateformes. Mais en 2025, l’industrie entière a dû s’adapter à cette fragmentation.
La confiance envers les créateurs humains s’envole face à l’IA
Paradoxalement, l’invasion de contenus générés par intelligence artificielle – souvent qualifiés de « slop » – a renforcé la valeur des créateurs authentiques. Les consommateurs, saturés de publications impersonnelles et automatisées, se tournent vers des voix humaines qu’ils perçoivent comme fiables.
Une étude commandée par LTK à l’université Northwestern révèle une augmentation de 21 % de la confiance accordée aux créateurs d’une année sur l’autre. Un chiffre surprenant dans un contexte où l’industrie de l’influence est de plus en plus professionnalisée.
Amber Venz Box explique ce phénomène inattendu :
« L’IA a poussé les gens à reporter leur confiance vers de vrais humains ayant de vraies expériences de vie. »
– Amber Venz Box
Conséquence directe : 97 % des directeurs marketing prévoient d’augmenter leur budget en marketing d’influence l’année prochaine. Les marques comprennent que les recommandations de créateurs authentiques convertissent mieux que jamais.
Le clipping : la nouvelle arme de croissance virale
Face à l’impossibilité de toucher directement leurs abonnés, les créateurs les plus malins ont développé une stratégie radicale : le clipping massif. Le principe ? Payer des armées d’adolescents sur Discord pour découper leurs contenus longs en centaines de clips courts, diffusés ensuite sur des comptes anonymes pour maximiser la portée algorithmique.
Eric Wei, cofondateur de Karat Financial (solution bancaire pour créateurs), observe ce phénomène depuis plusieurs années :
« Drake le fait. Les plus grands streamers comme Kai Cenat le font. Cela génère des millions d’impressions. Quand tout est déterminé par l’algorithme, le clipping devient logique car il peut provenir de n’importe quel compte. »
– Eric Wei, cofondateur de Karat Financial
Cette technique ressemble à l’évolution des comptes de memes : inonder les plateformes de variations du même contenu pour capter l’attention algorithmique. Reed Duchscher, ancien manager de MrBeast et fondateur de Night Media, confirme son efficacité tout en nuançant son potentiel à long terme.
Le risque ? À force de saturation, cette pratique pourrait être perçue comme du spam et perdre en efficacité. Mais pour l’instant, tout le monde y gagne : les créateurs augmentent leur visibilité, les clippers adolescents sont rémunérés, et les plateformes diffusent du contenu engageant.
Vers des communautés plus niches et plus engagées
Autre conséquence majeure de l’ère algorithmique : l’explosion des communautés de niche. Plus de 94 % des utilisateurs estiment que les réseaux sociaux ne sont plus « sociaux », poussant la moitié d’entre eux à migrer vers des espaces plus restreints et authentiques.
On observe ainsi un transfert massif de temps passé vers des plateformes comme Strava (sport), LinkedIn (professionnel) ou Substack (newsletters). Ces environnements offrent des interactions réelles et moins soumises aux algorithmes capricieux.
Reed Duchscher prédit la fin de l’ère des « macro-créateurs » généralistes type MrBeast ou Charli D’Amelio :
« Les algorithmes sont devenus tellement bons pour nous donner exactement ce que nous voulons que percer dans tous les niches devient presque impossible. »
– Reed Duchscher, CEO de Night Media
Les succès récents d’Alix Earle (lifestyle authentique) ou Outdoor Boys (aventure familiale) illustrent parfaitement cette tendance : des audiences massives mais ultra-ciblées.
L’économie des créateurs dépasse largement le divertissement
Sean Atkins, PDG de Dhar Mann Studios, insiste sur un point crucial : réduire l’économie des créateurs au seul divertissement est une erreur stratégique. Comme internet ou l’IA, ce modèle impacte tous les secteurs.
L’exemple d’Epic Gardening est parlant. Parti d’une simple chaîne YouTube sur le jardinage, ce créateur a fini par racheter la troisième plus grande entreprise de semences aux États-Unis. Un cas concret de transformation digitale d’une industrie traditionnelle.
Atkins va plus loin :
« Je parie qu’il existe un créateur expert en mélange de ciment pour gratte-ciel. Les créateurs impactent littéralement tout. »
– Sean Atkins, CEO de Dhar Mann Studios
Quelles stratégies adopter en 2026 pour les entrepreneurs et marketeurs ?
Face à ces bouleversements, voici les leviers actionnables pour rester compétitif dans l’économie des créateurs :
- Diversifier les canaux de distribution : ne plus dépendre d’une seule plateforme mais combiner YouTube, newsletters, communautés privées et apps dédiées.
- Investir dans la confiance authentique : privilégier la qualité et l’humanité du contenu face à la production de masse IA.
- Construire des relations directes : développer des listes email, espaces membres payants ou applications propriétaires pour contourner les algorithmes.
- Cibler des niches précises : mieux vaut dominer un micro-segment passionné que viser une audience générale diluée.
- Expérimenter le clipping intelligent : tester cette technique tout en surveillant les évolutions des algorithmes pour éviter la saturation.
- Mesurer les bonnes métriques : se concentrer sur l’engagement réel, les conversions et la rétention plutôt que sur le nombre brut d’abonnés.
L’économie des créateurs reste un secteur résilient, habitué à naviguer les changements de plateformes depuis plus de quinze ans. Ceux qui sauront s’adapter à cette nouvelle réalité – où la profondeur des relations prime sur la largeur des audiences – sortiront renforcés de cette transition.
En définitive, 2025 marque la fin d’une illusion : celle qu’accumuler des followers garantissait le succès. L’avenir appartient aux créateurs capables de cultiver des communautés engagées, authentiques et prêtes à les suivre quel que soit le canal. Une opportunité immense pour les entrepreneurs visionnaires qui comprendront que la vraie valeur réside désormais dans la qualité des connexions humaines, pas dans les chiffres affichés sur un profil.






