700 millions d’euros. C’est le montant de l’offre non engageante déposée par l’État pour racheter les activités dites « souveraines » du groupe informatique français Atos. Une proposition qui risque fort de décevoir la direction et d’ouvrir la voie à d’âpres négociations, d’autant que de grands industriels comme Thales lorgnent également sur ces actifs stratégiques.
Un fleuron technologique en crise
Atos traverse une période turbulente. Le géant tricolore, en proie à des difficultés financières et des dissensions internes sur sa restructuration, doit maintenant arbitrer une opération majeure : la cession de certaines de ses activités les plus sensibles. Mercredi dernier, le conseil d’administration a tranché un premier dossier en acceptant l’offre de David Layani, fondateur de Onepoint, pour le rachat de la quasi-totalité du groupe. Mais une question restait en suspens : le sort des fameux actifs souverains.
Car au cœur de la débâcle d’Atos, de nombreuses voix se sont élevées pour s’inquiéter d’un possible passage sous pavillon étranger des activités touchant à l’énergie, la défense ou la cybersécurité. Des craintes partagées par le gouvernement, qui a donc annoncé son intention de racheter lui-même ces actifs à travers son Agence des participations. Une offre chiffrée entre 700 millions et 1 milliard d’euros était attendue.
Des actifs hautement stratégiques
Il faut dire que les systèmes concernés revêtent une importance cruciale pour la souveraineté nationale :
- Les supercalculateurs utilisés pour la dissuasion nucléaire et les opérations militaires
- Les solutions de cybersécurité déployées par les services de renseignement
- Les systèmes de communication critiques embarqués dans les avions de chasse Rafale
Au total, ce périmètre emploie 4000 personnes et génère un chiffre d’affaires de 900 millions d’euros. Pas étonnant donc que l’État souhaite en garder le contrôle. Mais à quel prix ? C’est là que le bât blesse.
Une offre jugée décevante
Car avec ses 700 millions mis sur la table, Bercy joue la carte du prix cassé. Un montant justifié, selon les Échos, par des coûts de restructuration plus élevés que prévu. Mais pour Atos, c’est une douche froide. La société espérait plus du double, comme en témoigne l’offre de plus d’1,5 milliard d’euros déposée il y a quelques mois par Airbus sur un périmètre équivalent.
Le prix proposé est décevant. Nous allons continuer à discuter pour le faire remonter.
– Un proche du dossier cité par Les Échos
Pour tenter d’améliorer son offre, Atos compte jouer la montre. Et laisser le temps à d’autres prétendants industriels de se manifester. Car si l’État a une préférence pour un rachat par une entreprise française, il refuse de le faire à n’importe quel prix. Quitte à laisser la concurrence s’engouffrer dans la brèche.
Thales et Airbus à l’affût
Parmi les acquéreurs potentiels, deux poids lourds tricolores : Thales et Airbus. Le premier lorgne notamment sur l’activité « Mission Critical Systems » d’Atos, qui équipe les Rafale. Mais Bercy lui aurait fait comprendre qu’un tel rachat ne serait possible qu’en reprenant aussi les supercalculateurs. Une exigence mal vécue par l’industriel.
Quant à Airbus, son intérêt pour Atos n’est pas nouveau. Le géant de l’aéronautique pourrait revenir dans la course, tout comme Dassault. Autant dire que les prochaines semaines s’annoncent agitées en coulisses, avec un État en position d’arbitre. Et au final, des actifs stratégiques cédés au rabais ? C’est tout le paradoxe de ce dossier industriel et politique hautement sensible.