L’IA Devient Inassurable : Le Risque qui Effraie les Assureurs

Imaginez : vous lancez enfin votre startup IA, vous levez des millions, vos clients adorent le produit… et soudain, impossible de trouver une assurance qui accepte de couvrir vos risques. Pas parce que vous êtes une petite structure, mais parce que l’intelligence artificielle elle-même est devenue « trop dangereuse » aux yeux des assureurs. C’est exactement ce qui est en train d’arriver en ce moment même, et ça pourrait bien changer la donne pour toute l’industrie tech.

Le 23 novembre 2025, le Financial Times (cité par TechCrunch) a lâché une bombe : des géants comme AIG, Great American et WR Berkley demandent officiellement aux régulateurs américains l’autorisation d’exclure purement et simplement les sinistres liés à l’IA de leurs contrats corporate. En clair ? Si votre chatbot invente une promo fantaisiste ou si votre modèle génère une diffamation millionnaire, vous serez seul face aux tribunaux.

Pourquoi les assureurs paniquent-ils autant ?

Le métier d’un assureur, c’est de chiffrer l’incalculable. Ils adorent les ouragans, les cyberattaques classiques, même les explosions d’usine. Mais l’IA ? C’est une autre paire de manches.

« Les modèles d’IA sont trop opaques, trop une boîte noire. On ne peut pas modéliser le risque quand ni le comment ça va mal tourner. »

– Un souscripteur senior cité par le Financial Times

Le vrai cauchemar n’est pas une grosse perte isolée (400 millions, ils savent gérer), mais le risque systémique : qu’un même modèle défectueux, utilisé par des milliers d’entreprises, provoque simultanément des dizaines de milliers de sinistres. Un peu comme si toutes les voitures Tesla du monde freinaient en même temps pour un fantôme sur la route.

Les cas concrets qui ont fait trembler la profession

Les exemples ne manquent pas et ils font froid dans le dos :

  • Google AI Overview – Mars 2025 : l’outil accuse à tort une entreprise solaire de fraude. Résultat ? Chute de 30 % du cours et plainte à 110 millions de dollars.
  • Air Canada – 2024 : le chatbot invente une réduction inexistante. Le tribunal oblige la compagnie à l’honorer. Coût : plusieurs dizaines de milliers de dollars, mais surtout un précédent juridique terrifiant.
  • Arup – 2024 : un deepfake vocal ultra-réaliste d’un dirigeant permet de voler 25 millions de dollars lors d’un faux call Zoom. L’entreprise n’a jamais récupéré l’argent.
  • Caisse d’épargne américaine – 2025 : un client utilise ChatGPT pour prouver qu’un conseiller lui a donné un mauvais conseil boursier. L’IA a « halluciné » une réglementation… et la banque a perdu le procès.

Ces cas, isolés aujourd’hui, pourraient devenir la norme demain dès qu’un modèle leader (OpenAI, Anthropic, Google, Meta…) commet une erreur massive.

Le risque systémique : le mot qui terrorise Lloyd’s of London

Lloyd’s of London, le temple mondial de l’assurance, a publié un rapport alarmiste dès 2024 : un scénario « Black Swan IA » pourrait générer jusqu’à 1 000 milliards de dollars de pertes assurantielles en une seule journée si un modèle de langage majeur produit une information toxique relayée mondialement.

Un exécutif d’Aon résume parfaitement la situation :

« On sait assurer un avion qui s’écrase. On ne sait pas assurer 10 000 entreprises qui se font simultanément attaquer en justice parce que le même LLM a inventé la même connerie. »

Quelles conséquences concrètes pour les startups et scale-ups ?

Si les exclusions IA deviennent la norme, voici ce qui vous attend :

  • Impossibilité de lever des fonds institutionnels (les VCs exigent presque toujours une assurance RC Pro couvrante)
  • Refus de signature par les grands comptes (CAC40, Fortune 500) qui exigent une couverture minimum de 10-20 M€
  • Explosion des primes pour les rares assureurs qui accepteront encore de couvrir (x10 à x20 selon les estimations actuelles)
  • Création d’un marché parallèle d’assureurs spécialisés… mais hors de prix et souvent basés aux Bermudes ou à Gibraltar

En résumé : l’IA pourrait devenir le nouveau nucléaire civil – ultra-puissant, ultra-utile, mais quasi inassurable sans intervention étatique massive.

Les tentatives de solutions (pour l’instant timides)

Face à cette fuite des assureurs traditionnels, quelques initiatives émergent :

  • Coalition et Beazley proposent des polices « AI-limited » avec des plafonds très bas (1-5 M€)
  • Création de captives d’entreprise (Tesla et OpenAI étudieraient la création de leurs propres assureurs internes)
  • Demande croissante de transparence algorithmique pour permettre l’audit des modèles (projet de loi californien SB 1047)
  • Apparition de réassureurs spécialisés IA (Munich Re et Swiss Re planchent sur des produits dès 2026)

Et en Europe ? La France est-elle plus protégée ?

Pas vraiment. Le marché français suit la tendance mondiale. AXA et Allianz ont déjà commencé à insérer des clauses d’exclusion « technologie émergente » dans leurs nouveaux contrats. La FFSA (Fédération Française de l’Assurance) a même créé un groupe de travail « Risques IA » dès septembre 2025.

Seul espoir : l’AI Act européen qui impose dès 2026 une assurance obligatoire pour les systèmes IA à haut risque. Mais les détails restent flous et les capacités du marché bien insuffisantes.

Que faire dès aujourd’hui si vous êtes fondateur ou dirigeant ?

Voici une checklist pragmatique :

  • Vérifiez dès maintenant vos contrats d’assurance en cours (beaucoup contiennent déjà des exclusions cachées)
  • Négociez des extensions cyber + erreurs & omissions avant que le marché ne se ferme complètement
  • Mettez en place une gouvernance IA interne (logs, audit trail, human in the loop)
  • Prévoyez un fonds de réserve juridique dédié (les experts conseillent 5 à 10 % du CA pour les startups IA)
  • Diversifiez vos modèles (ne pas mettre tous les œufs dans le même LLM)

Conclusion : vers un avant et un après 2026 ?

L’année 2026 pourrait bien marquer la fin de l’insouciance dans l’IA. Soit les États créent des mécanismes de garantie publique (comme pour le terrorisme ou les catastrophes naturelles), soit une partie des innovations IA deviendra tout simplement… interdite aux entreprises normales.

En attendant, une chose est sûre : le temps où on déployait un modèle « move fast and break things » sans se poser de questions est révolu. Bienvenue dans l’ère de l’IA responsable… ou inassurable.

Et vous, avez-vous déjà vérifié si votre assurance couvre (encore) vos outils IA ? Les commentaires sont ouverts.

author avatar
MondeTech.fr

À lire également