L’année 2024 a été marquée par une vague sans précédent de licenciements massifs dans le secteur de la technologie. Des géants établis aux startups prometteuses, peu d’entreprises ont été épargnées par cette crise qui a secoué l’industrie. Selon le site Layoffs.fyi qui recense les plans sociaux, ce sont plus de 130 000 emplois qui ont été supprimés à travers 457 entreprises technologiques rien que sur les premiers mois de l’année.
Les Raisons de cette Hécatombe
Comment expliquer une telle hémorragie d’emplois dans un secteur habituellement porteur et en plein essor ? Plusieurs facteurs se conjuguent :
- Un ralentissement de la croissance après les années fastes du Covid qui avaient dopé certains segments comme l’e-commerce ou les outils collaboratifs
- Des investissements massifs consentis dans des projets technologiques coûteux (voitures autonomes, métavers…) qui tardent à porter leurs fruits
- Une concurrence exacerbée avec l’irruption de nouveaux acteurs s’appuyant sur l’IA pour casser les prix
- Une pression des marchés financiers pour assainir les modèles économiques et revenir à la rentabilité
Nous assistons en ce moment à une forme de « reality check » pour l’industrie technologique après des années d’exubérance et d’embauches massives.
Un analyste financier cité par le Wall Street Journal
Les Grands Noms Impactés
Parmi les entreprises les plus touchées en ce début d’année, on retrouve sans surprise les mastodontes du secteur. Meta (Facebook) a supprimé plus de 11 000 postes soit 13% de ses effectifs. Son rival Twitter, fraîchement racheté par Elon Musk, a licencié environ 3 500 personnes, la moitié de ses salariés. Les champions de la tech chinoise souffrent aussi avec TikTok et Alibaba qui ont respectivement retranché 3 000 et 15 000 employés.
Les fleurons américains ne sont pas en reste. Microsoft a amorcé un vaste plan de restructuration avec 10 000 départs. Google va réduire ses effectifs de 12 000 personnes tandis qu’Amazon va supprimer plus de 18 000 postes, du jamais vu dans son histoire. La maison-mère d’Instagram compte aussi alléger son organisation de 13%. Le secteur des cryptomonnaies, en crise depuis plusieurs mois, paie aussi un lourd tribut avec les 2 800 licenciements de Coinbase.
Des Startups Egalement Fragilisées
Sans avoir le même nombre de salariés que les géants, de nombreuses startups et scale-up font aussi le choix douloureux de tailler dans leurs effectifs pour préserver leur trésorerie. C’est notamment le cas de la Fintech Brex qui a licencié 11% de son staff, du spécialiste de l’order-to-cash Upflow qui s’est séparé de 25% de ses employés, ou du champion du quick-commerce Getir qui clôt ses activités dans plusieurs pays européens.
Quelques pépites françaises sont également concernées avec par exemple Sorare, la plateforme d’échange de cartes de football NFT, qui a réduit ses équipes de 30 personnes, ou Jellysmack qui réorganise ses départements avec une vingtaine de postes en moins en Europe et aux Etats-Unis.
L’Impact de l’Intelligence Artificielle
Une tendance de fond semble accélérer cette vague de licenciements dans la tech : la montée en puissance de l’Intelligence Artificielle. Les progrès spectaculaires des modèles de langage comme ChatGPT ou les outils de génération d’images comme Midjourney rendent obsolètes de nombreuses tâches auparavant effectuées par des humains. Rédaction de contenus, modération, tests logiciels, support client… Des pans entiers de métiers sont menacés par ces IA de plus en plus performantes.
Nous allons observer un phénomène de destruction créatrice où l’IA va faire disparaître de nombreux emplois tout en générant de nouvelles opportunités. Mais à court terme, la balance risque d’être négative en termes de capital humain.
Prévient un expert cité par Les Echos
Certaines entreprises comme IBM assument même publiquement leur volonté de substituer l’IA à des milliers de postes dans les fonctions supports telles que les ressources humaines ou la comptabilité. Une tendance lourde qui risque de s’accentuer dans les prochains mois.
Des Reconversions à Prévoir
Face à cette conjoncture brutale, de nombreux salariés de la tech se retrouvent sur le carreau, parfois après des années de bons et loyaux services. Un phénomène cruel qui met en lumière la fragilité des emplois même dans un secteur longtemps considéré comme une valeur refuge. Pour les personnes impactées, c’est souvent l’heure du bilan de compétences et de la reconversion professionnelle.
Beaucoup envisagent de se diriger vers les nouveaux métiers en tension comme la cybersécurité, le cloud, la data ou la réalité virtuelle. D’autres optent pour l’entrepreneuriat avec la création de leur propre structure. Les plus chanceux rebondissent rapidement dans une autre entreprise technologique. Mais pour la majorité, la route s’annonce longue et incertaine.
Au final, cette vague de licenciements dans la tech nous rappelle une réalité trop souvent occultée : même dans un environnement ultradigitalisé, aucun emploi n’est à l’abri. L’innovation permanente est à double tranchant et exige une veille et un apprentissage constants pour rester employable. Un défi individuel et collectif qu’il va falloir relever pour ne pas laisser l’IA et les aléas économiques dicter leur loi au détriment de l’humain.