L’UE Investit 11 Milliards d’Euros dans une Constellation de Satellites Souveraine

Une nouvelle ère s’annonce pour la souveraineté numérique européenne. L’Union Européenne (UE) vient de franchir un pas décisif en signant un accord de 10,6 milliards d’euros pour lancer sa propre constellation de satellites, baptisée Iris². Cette initiative ambitieuse vise non seulement à concurrencer le géant américain Starlink d’Elon Musk, mais surtout à renforcer l’indépendance stratégique de l’Europe dans le domaine spatial et des communications sécurisées.

Un Projet d’Envergure pour la Souveraineté Européenne

Annoncé initialement en 2022, le programme Iris² (Infrastructure for Resilience, Interconnectivity and Security by Satellite) a connu une hausse significative de son coût estimé, passant de 6 milliards à 10,6 milliards d’euros. Malgré cette augmentation, l’UE maintient le cap et s’engage à financer 61% du projet sur fonds publics. Le reste sera pris en charge par un consortium industriel appelé SpaceRise, sélectionné en octobre dernier. Ce groupement comprend notamment le géant français des satellites Eutelsat, qui avait fusionné avec son rival européen OneWeb en 2022.

D’ici 2030, près de 300 satellites seront lancés en orbites basse et moyenne autour de la Terre dans le cadre d’Iris². L’objectif : fournir des communications sécurisées aux gouvernements et renforcer la souveraineté numérique du bloc européen face aux puissances étrangères. Cette constellation made in Europe se positionnera ainsi comme une alternative crédible à Starlink, qui compte déjà plus de 6000 satellites en orbite et plus de 4 millions d’abonnés.

Un Défi de Taille face à la Concurrence

Si l’Europe veut rattraper son retard sur les États-Unis et la Chine dans la course aux constellations de satellites, elle devra mettre les bouchées doubles. Starlink, lancé dès 2019 par SpaceX, a déjà pris une longueur d’avance considérable en termes de couverture et de nombre d’utilisateurs. La société d’Elon Musk multiplie les partenariats stratégiques, comme avec Royal Caribbean pour la connectivité en mer ou United Airlines pour le wifi à bord des avions. Elle s’apprête même à lancer un service de connexion directe aux smartphones en collaboration avec l’opérateur T-Mobile.

Face à ce mastodonte américain, l’Europe mise sur ses atouts : une expertise reconnue dans le spatial, avec des acteurs de premier plan comme Airbus, Thales Alenia Space ou encore Arianespace. Elle s’appuie aussi sur un écosystème dynamique de startups et de PME innovantes, à l’image de la jeune pousse allemande Isar Aerospace qui développe des micro-lanceurs. Enfin, l’UE met en avant sa vision d’un « espace européen » fondé sur des valeurs de coopération, de transparence et de respect de la vie privée, par opposition au modèle plus commercial et hégémonique incarné par les États-Unis.

Un Enjeu Crucial pour l’Autonomie Stratégique de l’Europe

Au-delà de l’enjeu économique et technologique, c’est bien la souveraineté de l’Europe qui est en jeu avec Iris². En se dotant de sa propre infrastructure spatiale sécurisée, l’UE cherche à s’émanciper de sa dépendance envers les systèmes américains comme le GPS ou les réseaux de satellites commerciaux. Il s’agit d’une question cruciale pour garantir l’autonomie stratégique européenne dans un contexte géopolitique tendu.

L’espace est un domaine stratégique pour l’Europe. Il est essentiel que nous ayons notre propre capacité souveraine pour assurer nos communications sécurisées et notre autonomie d’action.

– Thierry Breton, Commissaire européen au marché intérieur

Avec Iris², l’Europe entend aussi promouvoir ses valeurs et ses standards en matière de cybersécurité, de protection des données personnelles et de développement durable. La constellation sera conçue pour répondre aux besoins spécifiques des États membres en termes de résilience, d’interopérabilité et de sécurité. Elle sera complémentaire du programme Galileo (le GPS européen) et du système de surveillance de la Terre Copernicus.

Un Projet Fédérateur pour l’Industrie Spatiale Européenne

La mise en place d’Iris² représente une opportunité unique pour fédérer et dynamiser l’industrie spatiale européenne. Le consortium SpaceRise, qui regroupe des leaders comme Airbus, Thales, Eutelsat et Arianespace, va devoir relever le défi de produire et de lancer les centaines de satellites prévus dans un temps record. Cela impliquera des investissements massifs en R&D, la création de nombreux emplois qualifiés et le renforcement des chaînes d’approvisionnement sur tout le continent.

Le projet profitera aussi à tout l’écosystème des startups et des PME du « New Space » européen, qui pourront proposer des services innovants basés sur Iris². On pense par exemple à des solutions de surveillance maritime, de gestion des catastrophes naturelles, d’optimisation agricole ou encore de mobilité connectée. De quoi stimuler l’entrepreneuriat et l’innovation Made in Europe dans un secteur en plein essor.

Iris² est une formidable opportunité pour l’Europe de se positionner comme un acteur majeur du New Space mondial. Nous allons mobiliser toute la chaîne de valeur, des grands groupes aux startups, pour construire une infrastructure spatiale au service de nos citoyens et de nos entreprises.

– André-Hubert Roussel, Président exécutif d’Ariane Group

Un Pari Audacieux pour l’Avenir

Malgré les défis techniques et financiers, l’Europe a décidé de se lancer à corps perdu dans l’aventure Iris². C’est un pari audacieux sur l’avenir, qui témoigne de la volonté du Vieux Continent de peser dans la compétition spatiale mondiale et de préserver sa souveraineté numérique. Reste à transformer l’essai en respectant les délais et les budgets, tout en offrant un service de qualité aux utilisateurs finaux.

L’enjeu est de taille, car au-delà des aspects stratégiques et économiques, c’est aussi l’image et le rayonnement de l’Europe spatiale qui sont en jeu. Avec Iris², l’UE a l’occasion de démontrer son savoir-faire et sa capacité d’innovation dans un domaine clé pour le futur. Un test grandeur nature pour la crédibilité et l’autonomie de l’Europe sur l’échiquier géopolitique du XXIe siècle.

Une chose est sûre : la bataille des constellations ne fait que commencer et elle promet d’être passionnante à suivre dans les années à venir. L’Europe a désormais son cheval de bataille avec Iris². Reste à en faire un atout maître pour s’imposer dans le grand jeu spatial mondial. L’avenir nous dira si ce pari visionnaire était le bon, mais une chose est sûre : l’UE ne pouvait pas se permettre de rester à quai dans cette nouvelle ruée vers l’espace.

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