Nikola, le constructeur de camions électriques, se déclare en faillite

Qui aurait pu prédire une telle chute de grâce pour Nikola, l’ambitieuse startup de camions électriques autrefois valorisée à 30 milliards de dollars ? Après une série de scandales impliquant son fondateur Trevor Milton et l’échec de trouver un repreneur, l’entreprise vient de se déclarer en faillite. Retour sur l’ascension fulgurante et la descente aux enfers de celui qui devait révolutionner le transport de marchandises.

Nikola, l’étoile montante de la Silicon Valley

Fondée en 2014 par Trevor Milton, Nikola avait pour ambition de développer des camions électriques et à hydrogène à zéro émission. Surfant sur l’engouement pour les véhicules propres, la startup connaît une croissance fulgurante. En juin 2020, son introduction en bourse via un SPAC (Special Purpose Acquisition Company) lui permet d’atteindre une valorisation record de 30 milliards de dollars, faisant de Trevor Milton un milliardaire sur le papier.

Fort de ce succès, Nikola multiplie les partenariats prestigieux. General Motors investit 2 milliards de dollars en échange d’une participation de 11%. La startup signe également des accords avec des géants comme Anheuser-Busch ou Republic Services pour la fourniture future de camions. Tout semble sourire à Trevor Milton et ses équipes, qui promettent de révolutionner le transport routier avec leurs technologies de pointe.

Les premiers doutes et accusations de fraude

Mais en septembre 2020, un rapport accablant du fonds activiste Hindenburg Research accuse Nikola d’être une « fraude complexe » reposant largement sur le mensonge et la tromperie. Selon Hindenburg, Trevor Milton aurait fait de nombreuses déclarations mensongères sur les avancées technologiques de l’entreprise. Un exemple frappant : une vidéo promotionnelle montrant un camion Nikola en apparente autonomie, qui était en réalité simplement tracté dans une descente.

Trevor Milton est l’archi-promoteur des temps modernes. Il a réussi à qualifier le camion Nikola One de « fonctionnel » et de « véritable » en dépit du fait que ce n’était qu’une vulgaire maquette.

– Rapport de Hindenburg Research

Suite à ces révélations, le cours de l’action Nikola s’effondre et Trevor Milton démissionne de son poste de président exécutif. Plusieurs enquêtes sont ouvertes par le gendarme boursier américain et le ministère de la Justice. General Motors et d’autres partenaires prennent leurs distances. C’est le début de la descente aux enfers pour la pépite de la tech.

Condamnation de Trevor Milton et tentatives de sauvetage

En octobre 2022, Trevor Milton est reconnu coupable de fraude par un tribunal de New York. Selon les procureurs, le fondateur de Nikola a délibérément trompé les investisseurs depuis 2019 sur l’avancement des technologies de l’entreprise. Il est condamné à quatre ans de prison et 125 millions de dollars d’amende, mais fait appel de la décision.

Malgré le départ de son sulfureux fondateur, Nikola tente de se maintenir à flot et de mener à bien ses projets industriels. Mais malgré plusieurs levées de fonds, l’entreprise peine à assurer sa pérennité financière. Fin 2024, elle doit se résoudre à chercher un repreneur pour éviter la faillite.

Le dépôt de bilan, dernière étape d’une chute inévitable

Las, les tentatives de rachat échouent et Nikola est contraint de se déclarer en banqueroute en février 2025. Son CEO Steve Girsky pointe du doigt les difficultés rencontrées par l’ensemble de l’industrie des véhicules électriques. L’entreprise et ses actifs, dont ses camions à hydrogène, ses technologies de batteries et son réseau de stations de recharge, seront bientôt mis aux enchères.

Nous avons tout tenté pour lever des fonds, réduire notre passif et assurer la continuité de nos opérations. Malheureusement, nos meilleurs efforts n’ont pas suffi face à l’ampleur des défis.

– Steve Girsky, CEO de Nikola

Cette faillite signe la fin d’un rêve pour Nikola, qui promettait de révolutionner le transport avec des poids lourds zéro émission. Elle illustre aussi les dérives de certaines startups portées aux nues malgré des technologies immatures et des objectifs irréalistes. Pour nombre d’observateurs, Nikola est avant tout une créature des SPACs, ces véhicules financiers très en vogue permettant de s’introduire en bourse sans les contrôles d’une IPO classique.

Leçons et perspectives pour l’industrie des véhicules électriques

Au-delà du cas Nikola, cette banqueroute interroge sur la solidité de certains acteurs de la mobilité électrique. Si Tesla a réussi à s’imposer comme un leader incontesté, d’autres startups aux ambitions similaires peinent à passer à l’échelle industrielle. Les coûts élevés de développement, les défis technologiques et une concurrence féroce ont eu raison de plusieurs d’entre elles ces dernières années.

Cela ne remet pas en cause l’avenir du transport électrique et à hydrogène, qui semble désormais inéluctable face à l’urgence climatique. Mais cela montre que la route est encore longue et semée d’embûches. Seules les entreprises capables d’allier vision long terme, rigueur d’exécution et solidité financière pourront transformer l’essai. Les autres risquent de rester au bord du chemin, à l’image de Nikola.

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