Imaginez : vos modèles d’IA tournent 24 h/24, consomment autant d’électricité qu’une ville moyenne et, demain, l’énergie qui les alimente pourrait provenir d’un petit réacteur nucléaire posé à quelques centaines de mètres de vos data centers. Ce n’est plus de la science-fiction. C’est exactement ce que vient d’accélérer le Département de l’Énergie américain en débloquant 800 millions de dollars pour deux projets de réacteurs modulaires de petite taille (SMR). Et derrière cette décision, on retrouve la même administration Trump qui, il y a quelques semaines, accordait déjà 1 milliard de dollars pour relancer Three Mile Island avec Microsoft. Le message est clair : le nucléaire est de retour, et il est taillé sur mesure pour la révolution IA.
Que s’est-il passé le 3 décembre 2025 ?
Deux lauréats se partagent la cagnotte :
- Tennessee Valley Authority (TVA) : 400 millions de dollars pour construire un réacteur GE Vernova Hitachi de 300 MW sur le site de Clinch River, dans le Tennessee.
- Holtec International : 400 millions supplémentaires pour déployer deux réacteurs SMR-160 de 300 MW chacun sur le site de Palisades, dans le Michigan.
Ces réacteurs appartiennent à la génération III+, c’est-à-dire des évolutions éprouvées des designs qui équipent déjà les centrales actuelles, mais miniaturisés et conçus pour être produits en série en usine. L’objectif ? Diviser par deux ou trois les coûts et les délais de construction.
Pourquoi les géants tech deviennent fous du nucléaire
La réponse tient en trois lettres : I-A-I.
Entre 2020 et 2025, la consommation électrique des data centers américains a explosé de plus de 50 %. Goldman Sachs estime que d’ici 2030, l’IA seule pourrait représenter jusqu’à 8 % de la consommation totale d’électricité des États-Unis. Google, Microsoft, Amazon et Meta ont tous signé des accords d’achat d’énergie nucléaire ces derniers mois. Pourquoi ? Parce que le renouvelable intermittent (solaire + éolien) ne suffit plus quand il faut garantir 99,999 % de disponibilité à des GPU qui valent des centaines de millions de dollars.
« On ne peut pas entraîner le prochain GPT-6 avec des panneaux solaires qui s’éteignent à 18 h. »
– Un ingénieur d’un grand cloud provider, sous couvert d’anonymat
Les SMR, la solution miracle pour les startups et les scale-ups tech ?
Pas encore, mais ça vient vite.
Voici pourquoi les fondateurs et investisseurs suivent ça de très près :
- Coût prévisible : un SMR de 300 MW coûte entre 1 et 2 milliards (contre 10 à 20 pour une centrale classique).
- Délai de 3-4 ans au lieu de 10-15 ans.
- Emprise au sol ridicule : un terrain de 10 hectares suffit.
- Possibilité de colocation : imaginez votre campus de data centers avec son propre réacteur derrière le parking.
Des startups comme Oklo (soutenue par Sam Altman), Nano Nuclear Energy ou encore Last Energy lèvent des centaines de millions précisément sur ce modèle : vendre de l’électricité « as a service » directement aux hyperscalers et aux gros consommateurs industriels.
Les chiffres qui font tourner la tête
Pour vous donner une idée de l’échelle :
- Un seul réacteur de 300 MW peut alimenter environ 250 000 foyers… ou 3 à 4 data centers hyperscale.
- Le coût du MWh nucléaire est estimé entre 60 et 90 $ sur la durée de vie, contre 120-150 $ pour le gaz et souvent plus pour le renouvelable + stockage.
- La durée de vie d’un SMR : 60 à 80 ans.
Et la sécurité dans tout ça ?
C’est LA question que tout le monde pose. Les designs Generation III+ intègrent la « sûreté passive » : même en cas de perte totale d’électricité, le réacteur s’arrête et se refroidit tout seul par gravité et convection naturelle. Plus de pompe, plus de diesel de secours. Holtec et GE Hitachi revendiquent un risque d’accident majeur inférieur à 1 sur 10 millions d’années-réacteur.
Et oui, il reste le sujet des déchets. Mais un SMR de 300 MW en produit environ 15 tonnes par an, contre 250 tonnes pour une centrale classique d’1 GW. C’est gérable, et certains designs (comme ceux d’Oklo) recyclent même les déchets existants.
Ce que ça change pour les entrepreneurs et les investisseurs
Concrètement :
- Les valorisations des startups du nucléaire nouvelle génération explosent (Oklo est passé de 500 M$ à plus de 3 milliards en valorisation en 18 mois).
- Les fonds climatetech réallouent massivement vers l’atome (Breakthrough Energy Ventures, TerraPower de Bill Gates, etc.).
- Les géants tech deviennent des « utilities » à part entière : Microsoft a déjà sa propre filiale nucléaire.
- Les coûts d’inférence et d’entraînement des modèles IA pourraient baisser de 30 à 50 % à horizon 2030 grâce à cette énergie bon marché et stable.
Et en Europe ? On est à la traîne ?
Disons-le franchement : oui. La France reste leader avec ses 56 réacteurs, mais les projets SMR patinent (Nuward, etc.). Le Royaume-Uni avance plus vite avec Rolls-Royce, la Pologne et la République tchèque ont signé des accords avec GE Hitachi. Pendant ce temps, les États-Unis viennent de passer en mode turbo.
Pour les startups européennes qui développent des modèles souverains ou des infrastructures IA, la facture énergétique risque de devenir un handicap compétitif majeur dans les 5 prochaines années.
Conclusion : le nucléaire n’est plus tabou, il est stratégique
Le 3 décembre 2025 marque un tournant. Le nucléaire n’est plus seulement une question d’écologie ou de politique énergétique nationale. C’est devenu un avantage compétitif technologique. Les pays et les entreprises qui sécuriseront une énergie abondante, décarbonée et à coût maîtrisé domineront la prochaine décennie de l’IA.
Si vous êtes fondateur, investisseur ou simplement passionné de tech, gardez un œil sur les SMR. Dans cinq ans, on parlera d’eux comme on parle aujourd’hui des GPU : un composant critique de la stack IA.
Et qui sait… votre prochaine levée de fonds inclura peut-être une ligne « partenariat énergétique » avec un fournisseur de réacteurs modulaires.






