OpenAI Recule Face au Mécontentement des Utilisateurs

Imaginez : vous posez une question technique pointue à ChatGPT sur le chiffrement BitLocker de Windows et, au lieu d’une réponse claire, l’IA vous balance une pub pour faire du shopping chez Target. C’est exactement ce qui est arrivé à des milliers d’utilisateurs payants début décembre 2025. La réaction ne s’est pas fait attendre : tollé général, captures d’écran virales et menace de désabonnement massive. OpenAI a fini par battre en retraite en 48 heures. Retour sur un épisode qui en dit long sur les dilemmes de monétisation des géants de l’IA.

Ce qui s’est réellement passé dans ChatGPT

Tout a commencé avec une fonctionnalité annoncée en octobre 2025 lors de la sortie du **GPT Store** et de la plateforme d’applications tierces pour ChatGPT. OpenAI voulait permettre à l’IA de suggérer des “GPTs” ou applications partenaires pertinents en fonction du contexte de la conversation.

Jusque-là, rien de choquant. Sauf que le modèle a commencé à pousser des suggestions pour des marques grand public (Peloton, Target, Coca-Cola…) avec des formulations du type « Vous pourriez aussi essayer l’application Target pour gérer vos courses ». Le tout sans mention claire qu’il s’agissait de contenu promu et, surtout, en plein milieu de conversations sérieuses.

« Je paye 20 $ par mois pour avoir des réponses propres, pas pour qu’on me vende des serviettes en papier pendant que je debug un serveur. »

– Benjamin De Kraker, utilisateur ChatGPT Plus, 3 décembre 2025

La réponse (très) rapide d’OpenAI

Moins de quatre jours après les premières plaintes, Mark Chen, Chief Research Officer, et Nick Turley, responsable produit ChatGPT, montent au créneau sur X.

« Nous avons merdons sur ce coup-là. Tout ce qui ressemble à une pub doit être manipulé avec précaution, et nous avons échoué. Nous avons désactivé ce type de suggestion le temps d’améliorer la précision du modèle. »

– Mark Chen, 6 décembre 2025

La société insiste : il ne s’agissait pas de publicité rémunérée, mais de suggestions d’applications du GPT Store. Problème : aucune transparence sur le fait que certaines apps pouvaient être boostées et, surtout, l’expérience utilisateur était désastreuse.

Pourquoi cette polémique tombe si mal pour OpenAI

Le contexte est explosif. OpenAI traverse une période charnière :

  • Coûts d’inférence colossaux (plusieurs milliards par an)
  • Arrivée de concurrents gratuits très agressifs (Grok, Claude Instant, Gemini)
  • Recrutement en 2025 de Fidji Simo, ex-Facebook et Instacart, comme CEO des Applications – perçue comme la future madame publicité de l’entreprise
  • Memo interne « Code Red » de Sam Altman début décembre repoussant les projets secondaires (dont l’advertising) pour se concentrer sur la qualité produit

Autrement dit, l’entreprise est soupçonnée depuis des mois de préparer l’introduction progressive de la publicité. Cette maladresse a confirmé les pires craintes des utilisateurs.

Les trois modèles de monétisation possibles pour les IA grand public

Face à des coûts d’exploitation astronomiques, toutes les IA conversationnelles cherchent le Graal économique. Voici les pistes sérieusement envisagées :

1. Abonnement premium renforcé
Actuel modèle d’OpenAI et Anthropic. Avantage : revenus récurrents propres. Inconvénient : plafond limité (estimé à 100-150 millions d’abonnés max dans le monde).

2. Publicité contextuelle
Modèle Google Search / Meta. Très rentable à l’échelle mais risque énorme de perte de confiance. Google a mis 15 ans à introduire les ads dans Gmail et reste extrêmement prudent.

3. Marketplaces d’applications tierces avec commission
Modèle Apple App Store (30 %) ou Shopify. C’est la voie officiellement choisie par OpenAI avec le GPT Store lancé en 2025. Les créateurs peuvent faire payer l’usage de leurs GPT et OpenAI prend une commission.

Le problème ? Le GPT Store peine à décoller : moins de 3 millions de GPTs créés un an après le lancement et seulement quelques centaines génèrent des revenus significatifs.

Le précédent Perplexity et la stratégie « ads light »

Perplexity AI a tenté une approche intermédiaire : des « Related Questions » sponsorisées en bas de page, clairement identifiées et non intrusives. Résultat : peu de plaintes et revenus publicitaires estimés à plusieurs dizaines de millions en 2025.

Cette stratégie « publicité non intrusive + transparence absolue » semble être celle qu’OpenAI veut désormais adopter. Mark Chen a d’ailleurs annoncé l’arrivée prochaine de contrôles granulaires pour désactiver complètement les suggestions.

Ce que ça nous dit sur l’avenir des assistants IA

Cet incident révèle une vérité brutale : les utilisateurs sont prêts à payer pour une IA « sans pub » existent… mais ils sont ultra-sensibles à toute forme de commercialisation perçue.

Conséquences probables à moyen terme :

  • Segmentation plus forte : version 100 % sans pub à prix premium (probablement 50-100 $/mois)
  • Version gratuite financée par de la publicité très ciblée et opt-in
  • Explosion des IA open source auto-hébergées (Llama 3, Mistral) pour les puristes
  • Course à l’efficacité énergétique des modèles pour réduire les coûts et retarder le besoin de pub

Leçons business pour les startups IA et SaaS

Si vous développez un produit IA ou SaaS grand public, retenez ces enseignements :

  • La confiance est l’actif le plus précieux : une seule mauvaise expérience peut détruire des années de construction de marque
  • Testez les fonctionnalités monétisantes sur de petits cohorts avant tout déploiement large
  • Soyez transparent à l’extrême : même si ce n’est pas de la pub rémunérée, dites-le clairement
  • Offrez toujours une option « zéro suggestion commerciale » même payante
  • Surveillez les communautés (Reddit, X, Discord) en temps réel – la viralité négative va à la vitesse de la lumière

Et maintenant ?

OpenAI a promis des améliorations rapides : meilleure précision des suggestions, contrôles utilisateurs poussés et communication transparente. Reste à voir si la confiance est restaurée.

Une chose est sûre : dans la guerre de l’attention que se livrent les géants de l’IA, l’expérience utilisateur reste l’ultime champ de bataille. Celui qui trouvera l’équilibre parfait entre monétisation et respect de l’utilisateur dominera la décennie.

Affaire à suivre de très près.

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