Paramount Lance une OPA Hostile sur Warner Bros

Imaginez la scène : vendredi soir, Netflix célèbre sa victoire après avoir remporté Warner Bros Discovery face à Paramount et Comcast. Moins de 72 heures plus tard, bam ! Paramount revient par la grande porte avec une offre hostile à 108,4 milliards de dollars. On ne parle plus de négociations feutrées dans les salons dorés d’Hollywood, mais d’une véritable guerre ouverte pour le contrôle d’un des derniers grands studios indépendants. Ce retournement spectaculaire mérite qu’on s’y arrête, surtout quand on sait que le futur du streaming et des médias traditionnels se joue là, sous nos yeux.

Que s’est-il réellement passé en 48 heures ?

Reprenons depuis le début. Vendredi 5 décembre 2025, Netflix annonce avoir décroché un accord définitif pour acquérir les actifs studios et streaming de Warner Bros Discovery pour 82,7 milliards de dollars. L’opération semblait bouclée : 23,25 $ en cash + 4,50 $ en actions Netflix par titre WBD, soit une prime correcte mais pas extravagante.

Mais voilà, le conseil d’administration de WBD avait apparemment déjà reçu – et refusé – une proposition bien plus généreuse de Paramount/Skydance. Une proposition à 30 $ par action, 100 % cash, et qui plus est, pour la totalité du groupe (y compris les chaînes câbles que Netflix ne voulait pas). Refuser 18 milliards de plus en liquidités immédiates ? Les actionnaires n’ont pas apprécié.

David Ellison, le nouveau patron de Paramount (et fils du milliardaire Larry Ellison), a donc décidé de passer en force : il s’adresse directement aux actionnaires avec une offre publique d’achat hostile. C’est du jamais-vu à cette échelle dans l’histoire récente des médias.

Les chiffres qui font mal à Netflix

Comparons les deux offres côte à côte :

  • Netflix : 27,75 $ par action (23,25 $ cash + 4,50 $ actions NFLX)
  • Paramount : 30 $ par action, 100 % cash
  • Écart : +8 % pour les actionnaires, soit 18 milliards de dollars supplémentaires
  • Break-up fee Netflix → WBD : 5,8 Md$ si l’opération échoue
  • Break-up fee WBD → Netflix : seulement 2,8 Md$ si WBD se désiste

Autrement dit, Paramount a structuré son offre pour rendre toute résistance extrêmement coûteuse pour le conseil de WBD.

« Nous pensons que le conseil d’administration de WBD poursuit une proposition inférieure qui expose les actionnaires à un mélange cash/stock, à l’incertitude de la valeur future des réseaux câbles et à un processus réglementaire risqué. »

– David Ellison, CEO de Paramount

Pourquoi Paramount est prêt à mettre autant d’argent sur la table

Derrière l’offre se cache une coalition financière impressionnante : la famille Ellison (via Skydance), le fonds RedBird Capital de Gerry Cardinale, et un consortium bancaire emmené par Bank of America, Citi et Apollo qui a déjà engagé 54 milliards de dollars de dette.

Objectif ? Créer un mastodonte capable de rivaliser durablement avec Disney et Netflix. En combinant :

  • Paramount+ et ses 70 millions d’abonnés
  • HBO Max / Discovery+ et leurs catalogues légendaires (Game of Thrones, Harry Potter, DC, Friends, réalité TV…)
  • Les studios Paramount Pictures + Warner Bros
  • Les chaînes câbles (CNN, TBS, TNT, Discovery Channel…)

Le nouvel ensemble dépasserait les 150 millions d’abonnés payants et disposerait d’une bibliothèque de contenus parmi les plus puissantes au monde.

Les obstacles réglementaires : le vrai champ de bataille

Peu importe le vainqueur, l’opération va se heurter à un mur antitrust. Deux éléments compliquent tout :

1. La concentration dans le streaming : Netflix + HBO Max ou Paramount+ + HBO Max, dans les deux cas, on crée un acteur dominant sur un marché déjà très concentré.

2. Les déclarations de Donald Trump, réélu en novembre 2024, qui a déjà qualifié l’accord Netflix-WBD de « potentiellement problématique » à cause de la part de marché combinée.

Paradoxalement, l’offre Paramount pourrait avoir plus de chances de passer : elle conserve les chaînes câbles dans le périmètre (donc moins de concentration pure dans le streaming) et elle évite de renforcer Netflix, perçu comme le leader incontesté.

Impact sur les startups et l’écosystème tech/médias

Cette bataille a des répercussions bien au-delà d’Hollywood. Pour les entrepreneurs et investisseurs que vous êtes :

  • Moins de « majors » = moins de clients potentiels pour vos outils de production, distribution ou monétisation vidéo
  • Budgets marketing publicitaire TV en baisse accélérée (les chaînes câbles rapportent encore des milliards)
  • Course à l’armement sur les contenus originaux : les plateformes restantes vont encore plus investir dans l’IA générative et les outils de production low-cost
  • Opportunités pour les plateformes alternatives (Twitch, YouTube, TikTok) et les agrégateurs indépendants

Scénarios possibles à 6 mois

Voici les quatre issues les plus probables :

  • Scénario 1 – Paramount l’emporte : création d’un nouveau géant « Paramount Warner Discovery », introduction en bourse massive dans les 18 mois.
  • Scénario 2 – Netflix contre-attaque : surenchère ou deal alternatif (ex : spin-off des chaînes câbles).
  • Scénario 3 – Blocage antitrust : les deux deals tombent, WBD reste indépendant mais affaibli, cours de bourse sous pression.
  • Scénario 4 – Moratoire : un troisième acteur (Apple ? Amazon ? Comcast/NBCUniversal ?) entre dans la danse.

Ce que cela nous dit sur l’évolution du marché

Ce bras de fer illustre parfaitement la phase de consolidation violente dans laquelle nous sommes entrés. Le streaming n’est plus une croissance infinie : les abonnés mondiaux stagnent autour de 1,8 milliard, les coûts de contenu explosent, et les marges restent anémiques.

En 2026, il ne restera probablement plus que 3-4 plateformes généralistes viables aux États-Unis. Le reste ? Des niches (sport, anime, kids, news…) ou la mort.

Pour les entrepreneurs, le message est clair : soit vous construisez des outils qui aident ces géants à réduire leurs coûts (IA de post-production, personnalisation, publicité programmatique), soit vous misez sur les territoires qu’ils délaissent (contenus ultra-locally, live, interactivité forte).

La guerre des studios vient de passer en mode hardcore. Et nous, spectateurs, entrepreneurs ou investisseurs, sommes aux premières loges d’un spectacle qui va redessiner complètement le paysage médiatique pour la prochaine décennie.

À suivre, très attentivement.

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MondeTech.fr

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