Plus de 20 sociétés de capital-risque s’engagent à ne pas accepter de fonds de la Chine et de la Russie

Dans un effort pour protéger les intérêts nationaux américains, plus de 20 sociétés de capital-risque ont décidé de prendre un engagement fort : ne plus accepter de fonds provenant de pays considérés comme des adversaires des États-Unis, en particulier la Chine et la Russie. Cet engagement, nommé « Clean Capital Certification », marque un tournant important dans l’écosystème du capital-risque et soulève des questions sur l’influence potentielle de puissances étrangères sur les technologies émergentes.

Un engagement pour protéger les intérêts américains

L’organisation à l’origine de cette initiative, Future Union, travaille depuis plusieurs années sur les problématiques d’ingérence étrangère dans le secteur privé. Son directeur exécutif, Andrew King, explique les motivations derrière ce projet :

Nous devons nous assurer que les adversaires des États-Unis ne profitent pas directement de notre succès. Signer publiquement la Clean Capital Certification est un moyen de s’engager collectivement dans ce devoir.

– Andrew King, directeur exécutif de Future Union

Parmi les plus de 20 sociétés signataires, on retrouve des noms comme Marlinspike Partners, Humba Ventures ou encore Snowpoint Ventures. Craig Cummings, partenaire chez Moonshots Capital, souligne l’importance de cette démarche pour la communauté du capital-risque.

Des inquiétudes croissantes sur l’ingérence chinoise

Si la Clean Capital Certification cible plusieurs pays, c’est surtout l’influence de la Chine qui inquiète. Andrew King évoque de longues discussions avec un ami du Département de la Défense sur l’étendue des opérations chinoises aux États-Unis :

La Chine influence le capital-risque et le private equity – par l’argent et d’autres incitations – pour accéder aux technologies critiques.

– Andrew King

Selon lui, si une société de capital-risque compte des investisseurs chinois, il est possible que ces derniers – et donc le gouvernement chinois – aient accès à des informations propriétaires sur les entreprises en portefeuille.

Ces craintes ne sont pas nouvelles mais se font de plus en plus pressantes. En septembre, le Financial Times rapportait que le FBI enquêtait sur la société californienne Hone Capital pour avoir prétendument transmis des informations à ses investisseurs chinois. Et en février, un rapport d’une commission du Congrès américain pointait du doigt cinq sociétés d’investissement américaines pour avoir investi dans des entreprises chinoises, affirmant que ces investissements soutenaient l’armée chinoise et permettaient les violations des droits de l’homme dans le pays.

Un enjeu crucial pour les startups de défense

Sans surprise, de nombreux signataires de la Clean Capital Certification investissent dans des startups de défense. Pour ces entreprises, accepter des fonds ayant des liens avec certains pays peut compromettre leur capacité à travailler avec le Département de la Défense.

Certains grands noms du capital-risque qui investissent dans la défense, comme Andreessen Horowitz et Founders Fund, sont absents de la liste des signataires. Cependant, un porte-parole de Founders Fund a tenu à préciser que la société n’acceptait pas de capitaux des pays couverts par l’engagement. Delian Asparouhov, partenaire chez Founders Fund, a même qualifié de « traîtres » les sociétés qui acceptent des capitaux chinois.

De leur côté, Katherine Boyle et David Ulevitch, partenaires chez Andreessen Horowitz, ont clairement exprimé leur position dans une tribune du Wall Street Journal l’année dernière :

Alors que certains investisseurs américains ont cherché à investir dans des pays adverses comme la Chine, il est désormais clair qu’ils ont misé sur le mauvais gouvernement.

– Katherine Boyle et David Ulevitch, partenaires chez Andreessen Horowitz

Une pique qui visait peut-être Sequoia, rival de longue date d’Andreessen Horowitz, qui avait une importante branche d’investissement en Chine jusqu’à sa scission en 2023.

Les limites de l’engagement

Si la Clean Capital Certification marque une étape importante, elle n’est pas exempte de failles. Il s’agit d’une certification volontaire, sans processus formel de vérification. Et même si une société peut attester que ses limited partners ne sont pas basés en Chine, ces derniers pourraient eux-mêmes accepter des fonds d’entités chinoises.

Andrew King insiste sur le fait que cet engagement n’est qu’une première étape. Future Union envisage d’aller plus loin, avec potentiellement une organisation tierce pour vérifier les investisseurs des sociétés ou une autre certification qui se pencherait sur les limited partners eux-mêmes.

Malgré ses limites, l’engagement pourrait avoir un impact réputationnel fort, comme l’explique Andrew King :

L’auto-attestation est publique. Il y a un risque et un dommage réputationnel qui pourrait découler d’une attestation mensongère, si d’autres limited partners ou acteurs venaient à découvrir la vérité.

– Andrew King

Conclusion

La Clean Capital Certification reflète les inquiétudes croissantes sur l’influence d’acteurs étrangers, en particulier la Chine, sur les technologies émergentes via le capital-risque. Si l’initiative comporte des limites, elle marque une prise de conscience et un engagement fort d’une partie de l’écosystème. Reste à voir si cet engagement fera des émules et si des mécanismes de vérification plus poussés seront mis en place à l’avenir.

Une chose est sûre, la question de l’ingérence étrangère dans le secteur technologique américain est plus que jamais au cœur des préoccupations. Et le capital-risque, en tant que moteur de l’innovation, se retrouve en première ligne de ce débat crucial pour la sécurité nationale et la compétitivité des États-Unis.

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